Des quelques pages (p.63-68) qui sont consacrées à Acrimed et multiplient les critiques désinvoltes et caricaturales [2], on retiendra le passage suivant qui évoque les chroniqueurs que l’animatrice de l’émission « Le premier pouvoir » envisageait de solliciter :
« Il aurait fallu dénicher les oiseaux rares simultanément capables de faire pièce à mon tempérament dénigreur et d’apporter leur pierre à l’édifice intellectuel que nous tentions collectivement de bâtir. Pour le dire clairement, la plupart des gens capables de réfléchir ne vouent pas aux médias une tendresse excessive. Quelques-unes de mes propositions furent récusées comme indignes des exigences intellectuelles de la chaîne - ce qui laissera songeur quelques auditeurs. Certains chroniqueurs potentiels dont les noms figuraient sur une invisible liste noire furent écartés au motif qu’ils auraient déplu à Laure Adler. Ce fut le cas de Philippe Lançon, l’une des plus fines plumes de Libération, et celui d’Henri Maler, l’un des animateurs d’Acrimed, site dédié à la « critique radicale » des médias ; à l’automne 2004, Laurence Bloch (qui tentait alors de me protéger) me fit comprendre qu’ils étaient interdits d’Antenne. »
Une note précise à cet endroit : « Je ne sais s’ils auraient accueilli favorablement ma proposition. J’ignore tout du contentieux qui les opposait à Laure Adler et peut-être avait-elle d’excellentes raisons de leur en vouloir - les articles publiés par Acrimed sont parfois fantaisistes quant aux faits [3] ; par ailleurs Philippe Lançon peut être inutilement blessant. Si je refusais de dialoguer avec tous ceux qui m’ont attaquée, même violemment, même injustement, je n’aurais qu’à faire vœu de silence. Par ailleurs, ces interdits révèlent une fâcheuse tendance à se considérer propriétaire de l’antenne. »
Il est plus que probable en effet qu’Henri Maler aurait refusé de participer régulièrement à une émission de critique journalistique des médias dans les médias : un genre dont on ne peut marquer les limites (et, a fortiori, les aberrations) qu’en restant totalement indépendant. Mais il n’était pas difficile de se renseigner sur les mobiles de Laure Adler : notre association, dès 1999, s’était vigoureusement opposée à la politique conduite par Laure Adler à la tête de la station et à sa « fâcheuse tendance à se considérer propriétaire de l’antenne » [4] comme ont pu le constater les producteurs remerciés sans préavis, Le Monde Diplomatique privé de l’émission qui lui avait été sous-traitée et Miguel Benasayag viré pour excès de militantisme [5].
Elisabeth Lévy poursuit : « On peut me reprocher d’avoir cédé à une intolérable pression, privant ainsi les auditeurs de voix qui ont manqué à nos discussions. Aurais-je opté pour la résistance qu’ils eussent vite été délivrés de la mienne. Il est cependant peu probable que ces trublions auraient accepté de se préposer à la défense d’une corporation vis-à-vis de laquelle j’étais accusée de m’ériger en procureur. » Nous ne pouvons que le confirmer : bien que nos critiques divergent de celles d’Elisabeth Lévy, nous n’aurions pas joué les avocats d’une quelconque défense.
Mais pourquoi, dans ces conditions, nous avoir consacré une émission en notre absence ? Nous avions alors évoqué la possibilité d’une censure de Laure Adler (ou d’une autocensure sous pression de l’animatrice). Quoi qu’il en soit, une deuxième note précise : « Dans l’impossibilité d’inviter Henri Maler qui était l’interlocuteur le plus indiqué, j’ai convié Bernard Cassen à une émission consacrée à la critique radicale dont j’ai reconnu sans barguigner - y compris au cours de la dernière - qu’elle avait été ratée, en grande partie par ma faute. » « Ratée », seulement ? Il est encore possible de se reporter aux articles que nous lui avions consacrés pour en juger [6]. Au moins Elisabeth Lévy reconnaît-elle un « ratage » : il faut en prendre acte, en attendant de nouvelles confrontations.
En revanche, il ne faut attendre aucun bilan critique ni de Laure Adler, ni de son successeur. « De tout les médias où il m’a été donné de sévir, note Elisabeth Lévy, France Culture est celui où l’autoritarisme fonctionne le plus efficacement. » Mais Elisabeth Lévy n’a pas « sévi » partout : on peut sans doute trouver des medias encore pires que France Culture. Il reste que l’autoritarisme qui règne « en interne » dans cette station est en effet exemplaire. Comme l’est la vindicte dont Laure Adler poursuit tous ceux qui ont osé la critiquer [7].
L’ordre règne à France Culture : c’est désormais à David Kessler de le faire respecter...