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TF1-Bouygues a vingt ans : souvenirs de la procréation et de la naissance (en vidéos)

par Henri Maler, Ricar,

« Aujourd’hui, TF1 s’apprête à changer d’époque », affirme sans rire Le Monde daté du 20 mai 2007 [1]. La date de ce changement d’époque ? Le mardi 22 mai 2007. L’événement qui le marquerait ? « ...le PDG Patrick Le Lay va devenir simple président de TF1 tandis que Nonce Paolini, ancien directeur des ressources humaines de TF1 et actuel directeur général délégué de Bouygues Télécom, va être nommé directeur général et devenir le patron de la chaîne. » Un responsable des « cerveaux disponibles » [2] en remplace un autre : c’est, en effet, « historique » ! [3]

Pour nous, c’est surtout l’occasion de revenir sur les conditions de la privatisation de TF1. Que reste-t-il des promesses joufflues datées d’une (pas si) lointaine époque ?

C’était il y a vingt ans : le 16 avril 1987, Francis Bouygues remettait un chèque de 3 milliards de francs à un fringant ministre des finances, Edouard Balladur. La privatisation de TF1 devenait alors effective. Le marchand de béton l’avait emporté de haute lutte sur le marchand de canons, Jean-Luc Lagardère, au terme d’une mémorable audition, réalisée le 3 avril 1987, devant les membres de la Commission Nationale de la Communication et des Libertés (CNCL), l’ancêtre du CSA.

Pour mesurer le chemin parcouru depuis et l’ampleur des promesses non tenues (qui justifieraient à elles seules que la concession de TF1 à Bouygues ne soit pas renouvelée), il suffit de lire le compte-rendu intégral de l’audition de TF1 en 1987 que l’on peut trouver sur le site de l’ARP (Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs) (lien rompu, février 2011). Mais l’essentiel en a été résumé dans un document qui, réalisé par Télérama, n’est plus disponible sur le site de cet hebdomadaire. Acrimed vous l’offre, sans commentaires.

Pour un montant très inférieur aux évaluations les plus sérieuses, TF1 devint donc propriété privée. Non sans résistances et mobilisations : il y a 20 ans, il arrivait encore que le sort des médias intéresse les forces progressistes. Non sans promesse de renationalisation de la part du Parti socialiste : il y a 20 ans, la privatisation de pans entiers du secteur public n’était pas encore un dogme de la gauche gouvernementale. François Léotard, ministre de la privatisation de TF1 avait lui aussi annoncé monts et merveilles : le gouvernement ne se mêlerait pas du renouvellement de concession, la concurrence allait être stimulante et créative, le secteur public allait être protégé et renforcé. On sait ce qu’il en fut. C’était bien avant le « changement d’époque » que marque, paraît-il, le remplacement de M. Le Lay...

« Bon anniversaire, TF1 ! », titrait le site du Monde diplomatique, le 4 avril 2007. Un anniversaire qui ne semble pas avoir beaucoup ému, comme le rappelle Serge Halimi, les « responsables politiques, artistiques et médiatiques - tous soucieux de diffuser leur action et de promouvoir leurs journaux (plusieurs titres de la presse parisienne disposent d’une émission sur LCI), leurs spectacles ou leurs livres. » Pourtant, de François Bayrou à la gauche antilibérale, nombreux sont ceux qui ont pris l’engagement, dans leurs propositions pré-électorales, de ne pas entériner le statu quo.

Et maintenant ? On attend la prochaine présidentielle ?

Henri Maler et Ricar

 
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Notes

[1Sous le titre « La grande et la petite histoire de TF1 revisitées avec sérieux et ironie ».

[3Tellement historique que Le Monde daté du 22 mai annonce la nouvelle en « Une » et consacre au nouveau directeur général un portrait tout en délicatesse.

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