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Daniel Schneidermann licencié. Et maintenant ?

par Henri Maler,

Le 1er juillet 2007, l’animateur d’« Arrêt sur images » annonce sur le Bigbangblog avoir été licencié pour faute grave. La direction de la télévision publique lui reprocherait d’avoir « tenu des propos inadmissibles », d’avoir « laissé entendre que l’arrêt de l’émission était lié à des "pressions politiques" » - de « "graves accusations" [qui] mettent non seulement en cause "l’indépendance de la direction du groupe France Télévisions et de la chaîne, mais aussi l’indépendance et la qualité du travail de certains journalistes d’autres chaînes du groupe" » - et d’avoir « organisé "de façon délibérée une campagne de dénigrement à l’encontre des dirigeants de la chaîne et du Groupe allant jusqu’à des attaques personnelles envers son président Monsieur Patrick de Carolis dans le but de faire pression". » Les syndicats de France 5 qui déploraient, eux aussi, une «  campagne de dénigrement orchestrée par Daniel Schneidermann » sont-ils satisfaits ? Pour une fois que le patron leur donne raison...

L’affaire sera vraisemblablement portée devant le tribunal des prud’hommes à qui il appartiendra de juger du caractère abusif ou non de la procédure. Pour nous, c’est tout vu : légal ou pas, ce licenciement est, quelle que soit la décision du tribunal, totalement illégitime. Point.

La désinvolture, l’arrogance et la brutalité de la direction de France 5 sont révélatrices des abus de pouvoir des (petites) oligarchies cooptées aux commandes de l’audiovisuel public. Comme le confirme la récente suppression de « La bande à Bonnaud » [1] sur France Inter, ces hiérarques décident, les yeux rivés aux courbes de l’audimat, des émissions que les consommateurs doivent consommer..

Défendre l’existence d’une émission contre ces censeurs [2] , ce n’est en rien soustraire son contenu à la critique. Ni participer à la canonisation de Daniel Schneidermann, en martyr de la critique des médias.

Daniel Schneidermann, victime d’un licenciement brutal ? À n’en pas douter. Mais l’animateur, justement indigné par son licenciement du Monde, ne semble toujours pas disposé à assumer ses responsabilités dans le licenciement d’une pigiste d’« Arrêt sur images » [3].

Daniel Schneidermann, martyr de la « Raison d’Etat » (comme il l’écrit sur son blog) ? N’exagérons pas. Son combat (non dénué de narcissisme) est abondamment relayé et largement médiatisé. Le soutien pétitionnaire dont il a bénéficié de la part de téléspectateurs attachés à une émission qu’ils considèrent comme la leur pourrait n’être qu’un premier pas s’il s’étendait à la défense du pluralisme et de la diversité dans tous les médias. Daniel Schneidermann ne nous a pas habitués à s’inscrire dans ce combat collectif.

Daniel Schneidermann, critique des médias ? Certainement. Mais la suppression brutale d’ « Arrêt du Images » et le licenciement de son animateur montrent d’abord que les vraies complaisances et les fausses impertinences de la critique journalistique du journalisme ne suffisent pas à prémunir leurs auteurs contre les molosses qui montent la garde autour de « leurs » télévisions. La critique de la télévision à la télévision a montré que les limites qu’elle s’impose sont à peine compatibles avec les limites qu’on lui impose. Qu’en pense celui qui croyait refonder le journalisme et sa critique « après Bourdieu » [4] ?

Une censure inacceptable peut en cacher bien d’autres. Au moment où « Arrêt sur images » disparaît, des télévisions associatives qui se battent depuis des années pour obtenir le droit d’exister nationalement et régionalement sont privées d’accès à la TNT (à l’exception de l’une d’entre elles - Télé Bocal - qui partagera la fréquence avec trois associations quasiment inconnues). Qui s’en soucie, si l’on excepte les médias du tiers secteur ?

Un licenciement inacceptable peut en cacher bien d’autres. Au moment où Schneidermann est châtié, combien de journalistes sont menacés de perdre leur emploi ou confinés dans des statuts précaires. Qui, s’en soucie, si l’on excepte les syndicats de journalistes ?

Défendre par une pétition le droit d’exister d’une émission menacée ou supprimée dont on apprécie, à tort ou à raison, le contenu, c’est bien. Mais cela suffit-il à des acteurs qui ne sont pas de simples consommateurs (et des idolâtres) ?

La critique des médias (et des émissions de critique des médias) telle que nous la pratiquons ne dispose et n’entend disposer d’aucun pouvoir de coercition. Seulement de la force des arguments et, avec d’autres, des capacités de proposition et de mobilisation pour d’autres médias : pour une appropriation démocratique des médias, confisqués jusque dans le secteur public par des oligarchies incontrôlées et incontrôlables.

Henri Maler

 
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Notes

[1Une émission qui pas plus qu’ « Arrêt sur images » n’est au-dessus de toute critique.

[2Ce que nous avons fait ici même, comme en convient, malgré tout, Daniel Schneidermann sur son blog : « les éternels frères ennemis [sic] d’Acrimed font [...] un boulot très utile, en rassemblant tout le matériel médiatique relatif à la censure d’ASI. »

[4Pour reprendre le titre de son livre - Du journalisme après Bourdieu, paru chez Fayard en avril 1999, et rapidement jaugé ici.

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