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L’actualité des médias n°59 (1er juin- 10 juillet 2007)

par William Salama,

La Tribune et Les Echos - Indépendance, crédibilité, légitimité du journalisme - Business numérique et autres informations stratégiques ...

I. Presse écrite

1 La Tribune et Les Echos sont dans un bateau

- Bernard Arnault voudrait Les Echos . Aux Etats-Unis, Rupert Murdoch (Fox) est en passe de reprendre Dow Jones (propriétaire du Wall Street Journal). En France, Bernard Arnault, empereur de la galaxie LVMH qui comprend le quotidien économique La Tribune, est entré dans la phase d’acquisition de l’autre quotidien économique : Les Echos (groupe Pearson, propriétaire notamment du Financial Times). Et Bernard Arnault veut vraiment Les Echos en reléguant loin derrière les offres concurrentes (des fonds d’investissements) et en surenchérissant de 50 millions (soit 250) d’euros pour s’offrir le premier quotidien français de ce secteur. Trivialement, c’est comme si Coca rachetait Pepsi : «  Arnault est en train d’organiser sa propre concurrence sur le marché de la presse économique  » (Stratégies Newsletter, 28 juin) ... Mais les esprits se sont échauffés, car les journalistes économiques cette fois concernés sont bien placés pour découvrir que, eux aussi, ne sont que du business.

- Tollé... Les inquiétudes de la part des rédactions des deux quotidiens ont pris plusieurs formes.
Déjà dépendants de la propriété d’un groupe « non média », les salariés de La Tribune semblent craindre davantage pour leur emploi. Dans une libre opinion de sa Société des journalistes publiée dans Le Monde du 5 juillet sous le titre « Oui, La Tribune doit vivre. Oui, La Tribune peut vivre », les langues se délient : « Certes, avec un déficit net de 18 M€ en 2006 pour un chiffre d’affaires de 50 M€, le quotidien "semble structurellement en perte", [... mais] cette situation est avant tout "la conséquence de la non-gestion" de l’actionnaire LVMH ». Les journalistes des Echos se positionnent d’abord sur les questions d’indépendance (que le journal appartienne à un groupe de médias, fait de plus en plus en rare, ayant son importance) et constatent qu’« un industriel patron de presse [est] impensable en Allemagne  » (Les Echos, 26 juin).

- Grosse artillerie... Fait inédit qui montre (insistent les observateurs) la gravité de cette affaire, les salariés des Echos se sont mis en grève les 19 juin, 25 juin (avec les confrères de La Tribune) et 5 juillet, et ont obtenu la publication gratuite d’encarts dans les autres quotidiens [1] (le 5 juillet également) : (« L’indépendance, ce n’est pas du luxe »). Ils ont bénéficié de la solidarité, sous forme de pétition, d’ « une centaine de personnalités du monde des affaires et de la politique » (Le Monde du 23 juin). Ils ont, par ailleurs, reçu le soutien des confrères du Financial Times et celui de quelques « experts » comme l’historien de la presse Patrick Eveno qui, dans une tribune publiée le 27 juin dans Les Echos sous le titre : « Presse d’influence ou d’information ?  » écrit : « Dans tous les autres pays européens (excepté le cas Berlusconi en Italie), les groupes de presse n’ont aucun intérêt en dehors des médias et de la communication »

Ce n’est pas tout. Les Sociétés de Journalistes [2], ont « interpellé le Premier ministre, François Fillon  » (Les Echos, 3 juillet) et réclamé l’intervention du président de la République et, de sa part, des « mesures pour renforcer l’indépendance de la presse » (Le Monde, 29 juin). En fin connaisseur de la mécanique médiatique et en homme sensible aux valeurs de la démocratie, Nicolas Sarkozy n’a pu refuser. S’il a été « contraint » (Les Echos, 9 juillet) de s’exprimer, ce ne fut que pour rejeter le « problème » sur celui de la ... distribution : « Interrogé hier par le « JDD », le président de la République a estimé que le principal problème de la presse n’est pas l’actionnariat mais sa distribution. La Société des journalistes des « Echos » s’est déclarée « surprise et déçue » » (Idem).

- Réveil collectif ? Ainsi des journalistes de la presse économique, censés diffuser une information dont le moteur fonctionne à l’essence libérale, s’offusquent et découvrent que la concentration des médias est une réalité et que la crédibilité de l’information n’est pas un mot grossier, mais une « valeur » : « les journaux économiques sont là pour informer. Le moindre doute quant à leur rigueur et à leur indépendance détruit leur valeur » (Martin Wolf, éditorialiste au Financial Times, repris par Les Echos du 14 juin sous le titre « Pourquoi le Wall Street Journal ne doit pas être vendu à Murdoch  »).

- Et maintenant ? Au 6 juillet, nous en sommes là : Bernard Arnault s’engage à « respecter l’indépendance éditoriale du titre  ». « Qu’il le prouve » (Le Figaro du 5 juillet) répondent « la Société des journalistes et les délégués syndicaux » [qui] « réunis en assemblée générale [...] ont voté à une large majorité la parution du journal "pour laisser une chance à la reprise du dialogue" ». Un comité d’entreprise extraordinaire est convoqué mercredi 11 juillet. Tout laisse à penser qu’une fois acquise la pépite des Echos, Arnault braderait La Tribune en « restant minoritaire » (Le Figaro du 5 juillet) avec « des conditions financières avantageuses pour l’acquéreur » (Newsletter Stratégies 28 juin). Avec Bolloré en embuscade ? Ayant échoué sur Les Echos, l’homme d’affaires décrète « Un groupe comme le nôtre devra à un moment tisser des liens avec un média économique » (Newsletter Stratégies, 29 juin). Dernière information, au moment où nous écrivons : La Tribune a également reçu le soutien du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) : « il est indispensable que La Tribune continue à vivre , [...], la diversité des quotidiens est garante de la démocratie  » (La Tribune du 9 juillet). Un clou chasse l’autre et la nature reprend ses droits ...

2. Presse Quotidienne

- Le Monde  : Jeantet-Patino intronisé, Minc délégitimé. A l’issue d’une consultation interne, les rédacteurs du Monde et le personnel des Publications de la Vie catholique « ont avalisé la candidature du tandem Pierre Jeantet - Bruno Patino pour prendre la présidence du directoire du Monde SA contre l’avis des sociétés des cadres et des employés du Monde » (Newsletter de CB News, 27 juin) et celle d’Eric Fottorino, ex-directeur de la rédaction du journal « avec plus de 60% des voix (des journalistes) directeur du journal  ». Validée le 2 juillet, « La "formule Alain Minc" pour la succession de Jean-Marie Colombani à la tête du Monde a été acceptée  » résumait Tarif Média le 28 juin. Derechef, Pierre Jeantet s’est comme à la parade « posé en garant de l’indépendance du journal et a réaffirmé que le désendettement était une priorité  » (Le Monde du 5 juillet). Sur les épisodes précédents, lire ici même : « Un Monde sans Colombani ».

Mais Alain Minc tente de sauver sa position, en dépit du rejet par 10 voix contre 10 (il en faut 11) de sa reconduction « à la présidence du Conseil de surveillance du Monde, [...] à l’issue d’un vote très controversé » où « les actionnaires [...] du journal  » ont « finalement claqué la porte ». Dans Le Monde du 4 juillet, ledit Minc, gonflé de l’importance qu’il s’attribue, dénonce un vote « illégitime », (et un « oukaze ») : « L’affaire pourrait être tranchée au tribunal. La SRM [société des rédacteurs du Monde] a prévenu, dans un communiqué, que les futures réunions du conseil de surveillance du groupe Le Monde pourraient être frappées de nullité si elles étaient présidées par Alain Minc » (Newsletter Stratégies, 3 juillet). Nous y reviendrons.

- Choses dites sur Alain Minc. Edwy Plenel, ancien co-directeur de la rédaction du Monde prête à Alain Minc l’obscur dessein de « servir les pouvoirs en limitant les contre-pouvoirs » (Marianne, 23 juin). Laurent Mauduit, ancien rédacteur en chef des pages du même quotidien, se souvient « En 1994, nous croyions tous à la séparation entre l’éditorial et le financier. Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel étaient à la tête du journal, tandis que de l’autre côté, Alain Minc gérait les relations avec les actionnaires. Nous ne nous rendions pas compte alors que l’erreur avait été de confier l’un des postes clés du journal, la présidence du conseil de surveillance, à Alain Minc, l’entremetteur du capitalisme parisien. » Toujours selon Mauduit, en 2007, « il joue [...] très gros [...] Il y a une rupture de confiance entre Alain Minc et une partie des grands patrons du [...] Il joue dans cette succession sa « survie » comme marchand d’influence.  » (Stratégies du 21 juin). Enfin, « Alain Minc, qui préside le conseil de surveillance du groupe depuis 1994, fait l’objet d’une contestation ouverte de la rédaction du quotidien du soir, qui lui reproche sa "proximité affichée" avec Nicolas Sarkozy  » (Challenges.fr, 2 juillet).

- Le Monde et ses dépendances. Une centaine de salariés du pôle magazines du groupe Le Monde se sont rassemblés le 11 juin près de leur lieu de travail, pour protester contre le projet de suppression de 7 postes sur 52 au sein de Publicat, la régie publicitaire des magazines (Libération ,12 juin 2007). Lire aussi plus bas, « presse régionale ».

- Laurent Joffrin fait la publicité de Libération aux annonceurs. « Je répète que notre but consiste à restaurer la tradition publicitaire de Libération, qui fait partie des chromosomes du journal », dit-il (Stratégies, 5 juillet). Que la hausse des ventes de Libération se poursuive (« Nous augmentons de 17% en juin 2007 par rapport à l’an dernier et nous engrangeons 10% de hausse sur les six premiers mois  ») ne satisfait donc pas son directeur Laurent Joffrin : « "Le marché publicitaire n’a pas encore enregistré cette amélioration de l’image et des ventes [les annonceurs] ont encore l’image de l’ancien Libé, en crise et sectaire. »(Newsletter Stratégies du 4 juillet).

- Le siège de L’Humanité . L’Humanité en grosse difficulté financière jusqu’à devoir se séparer de son siège à Saint Denis ? Confraternellement, Le Monde s’interroge : « Les aides financières du parti ne peuvent plus soutenir le journal qui doit faire face à un déficit de 8 millions d’euros. La question se pose dorénavant : "L’Humanité doit-elle s’affranchir de la tutelle du PCF pour survivre ?" » (23 juin).

- Bild  : Springer renonce et dénonce à mots couverts les syndicats, Springer renonce à son Bild français (son quotidien tabloïdaire), de méchante humeur, en « mettant en cause les difficultés posées par les systèmes d’impression et de distribution dans l’Hexagone  » (Métro, 5 juillet), pour ne dire les syndicats ? [3]

- Le Parisien persiste. Le Parisien se tient toujours « prêt à sortir sa propre version d’un quotidien de qualité à bas prix  » (Newsletter de CB News du 30 mai).

- Grèves réussies. Les quotidiens nationaux n’ont pas paru le 13 juin « à l’appel du Syndicat général du Livre et de la Communication écrite CGT (SGLCE-CGT) [...] en raison de la volonté du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) "d’instaurer le principe d’une négociation salariale spécifique pour les sièges éditoriaux et pour les imprimeries" » qui aurait « conduit à "l’abandon programmé d’une politique salariale régionale pour l’ensemble des entreprises de presse concernées par les conventions collectives actuelles"  ». Les syndicats ont obtenu satisfaction.

2. Presse Magazine

- Cessions. Se consacrer à ses marques fortes ... Mondadori France qui a gobé cette année le français Emap a décidé de mettre en vente plusieurs des titres de son pôle « loisirs ». Selon Presse News (5 juillet) les syndicats du titre Passion « demandent un plan d’accompagnement social ». Voilà qui devrait inspirer les autres titres menacés dont Diapason, La revue du Son, Réponses Photo, Golf Magazine, Golf Européen, Bateaux, ainsi que Tarif Média (Newsletter de CB News, 27 juin).

- Négociations syndicales : des points marqués ? Suite du rachat du groupe Tests par NextradioTV (avec en guise de bienvenue un plan de « 163 suppressions de postes sur 400, ainsi que des cessions  ») : les salariés du groupe ont suspendu « leur mouvement de grève, après que les syndicats ont noté des "avancées" de la direction  » sur ledit plan (Le Figaro, 8 juin) grâce à la promesse de « consolider le lectorat de ces titres dont la suppression est envisagée  » (Newsletter de CB News, 8 juin). Autre conflit, autre issue provisoire : «  les salariés d’Hachette Filipacchi Médias et Europe 1, réunis en assemblée générale lundi 4 juin, ont voté la suspension de leur préavis de grève prévue pour ce 5 juin. Didier Quillot, le président de Lagardère Active, s’est aussitôt réjoui de « la qualité des échanges intervenus avec les organisations syndicales ». Le plan de départs volontaires, qui prévoit 93 suppressions de postes sur 1 250 dans la presse et 42 sur 407 à Europe 1, n’est « ni un minimum ni un maximum », selon un communiqué qui exclut tout licenciement.  » (Newsletter de CB News, 5 juin).

- Avertissements. « Notre environnement est chahuté. La restructuration de la presse s’est opérée partout dans le monde. En France, le mouvement ne fait que commencer", [selon le] président de Mondadori France Arnaud de Puyfontaine, qui ne prévoit " pas de fermeture de titres " » mais « à ce jour  » (Newsletter de CB News, 1er juin).

3. Presse régionale

- Les conséquences du Monde sur le pôle sud. Pierre Jeantet, nouveau président du Monde, a indiqué que le groupe « se désengagera du projet "pôle sud", prévoyant le rapprochement de ses quotidiens régionaux avec ceux de Lagardère  » (Newsletter de CB News, 21 juin). Ce qui doit profiter au groupe Hersant [4].

- Avis de tempête à l’Ouest ? « Le groupe SIPA Ouest-France a annoncé pour 2006 une forte baisse de son résultat tombé à 1,7 M€ vs 33 M€ en 2005, la direction expliquant cette chute par la restructuration des Journaux de l’Ouest rachetés à la Socpresse » (Newsletter de CB News du 25 juin).

4. Presse gratuite

- La pub aux gratuits. Selon une étude de la Direction du développement des médias (DDM), « Les gratuits ont capté l’essentiel de la croissance des recettes publicitaires de la presse en 2006. » (Newsletter Stratégies du 9 juillet) Par ailleurs, « Comme en 2005, [...], Sur les 90 millions d’euros de surplus, 70 millions sont allés vers la presse gratuite  ». Résultat : le chiffre d’affaires de la presse payante a reculé de 0.2 % quand celle des gratuits a crû de 7 %. Ce qui explique pourquoi à la fois Métro et Paru Vendu iront divertir le consommateur allongé sur sa serviette de bain : « ParuVendu suit ses lecteurs à la plage » (Le Figaro, 10 juillet)

- Revoilà TF1. TF1 (déjà actionnaire de Métro) et Artemis (holding du groupe Pinault) préparent « un nouveau concept marketing importé du Japon de presse gratuite et locale, dont le principe consiste à faire payer les commerçants pour leurs offres promotionnelles, afin de générer du trafic dans leur magasin  » (CB News, 4 juin 2007).

- Bolloré : des gratuits jusqu’ à plus soif. Vincent Bolloré a « l’intention de lancer un magazine du week-end gratuit entre novembre 2007 et juillet 2008. » (Newsletter Stratégies, 29 juin)

II. Internet & Convergence

1. Environnement

- Et maintenant le cinéma ... « Le Centre national de la cinématographie lance un appel à projets destiné à favoriser les passerelles et développer les synergies entre les médias traditionnels et les nouveaux supports numériques » (Newsletter de Stratégies, 2 juillet). Mieux : Orange (France Télécom) en créant Studio 37, s’est lancé dans la production cinéma en tant que co-producteur actif (« partenaire ») à l’instar des télévisons : « un nouveau mode industriel se crée, qui risque de changer les règles de production  » écrit Libération du 26 mai. Dans Le Monde du 24 juin, Hervé Chabalier, pdg de l’agence photo Capa analyse en écho : « L’image ne se consomme plus exclusivement par la télévision et ses grands rendez-vous, mais aussi sur Internet et les téléphones portables. Le cinéma est également touché par cette révolution numérique ». Et dans Les Echos du 10 juillet : Lire « L’avenir de la télévision passe par le mobile »

- Formation. « Le Centre de Formation et de Perfectionnement des Journalistes (CFPJ) conclut un accord avec EidosMedia pour proposer des formations spécifiques sur les grands thèmes du journalisme plurimedia et des technologies dédiées à la publication cross-media  » (lu sur le site category.net, le 5 juillet).

- Consécration et cooptation. « Réforme » de l’organisation OJD (dont la mission est de certifier la diffusion, la distribution et le dénombrement des journaux, périodiques et de tout autre support de publicité) et de son « fonctionnement : les collèges Internet et presse gratuite d’information font leur entrée au comité de direction  » (Newsletter Stratégies, 30 mai).

- Les cyberjeunes mobilisés sur les gratuits ... Selon des études afférentes à la scrupuleuse scrutation des cibles solvables « Internet, téléphone portable et loisirs numériques progressent fortement dans le temps que les 15-24 ans consacrent aux médias. Sans pour autant s’y substituer ». Ainsi, s’ils « consomment » de l’Internet, « (à 83 %) sur un jour moyen, pour un tiers des Français [...] la presse souffre d’une sous-consommation [à l’exception des] gratuits et les titres people [...et de la] presse magazine ». (Stratégies, 21 juin) « Ils ont également une forte lecture mobile : 24,3 % lisent dans les transports, contre 11,2 % des adultes ». Du coup, pense Stratégies, les « médias doivent donc faire de la place aux nouvelles pratiques numériques, toujours plus envahissantes. Les jeunes ne se contentent pas de s’informer ». Média payant, attrape-moi si tu peux ...

- Les cadres toujours fidèles aux payants. Mais voilà qui devrait rassurer : « Plus de 90 % des cadres lisent la presse, selon la 25e édition de l’étude "La France des cadres actifs " », (Le Figaro, 10 juillet 2007), « 31,4 % lisent un quotidien national ; 32,4 % un quotidien régional ; 63,1 % un hebdomadaire et 79,5 % un mensuel ». Le Monde (9,8 % en lecture numéro moyen), Télérama (11,8 %, lecture dernière période) et Capital (20,1 %, LDP) sont les titres les plus consultés.

- Les instituts de mesures publicitaires reçoivent cinq sur cinq. L’institut « Nielsen mesurera l’utilisation des médias sur mobiles » apprend-t-on via Les Echos du 8 juin lesquels le 6 juillet complètent « Médiamétrie accélère sa mutation vers le numérique et la mobilité » et « adapte ses moyens aux nouveaux usages d’écoute de la radio, de la télévision et d’Internet Il va investir 35 millions d’euros sur quatre ans, intégralement autofinancés. »

- Et voilà Microsoft ... « Microsoft entre au capital d’un fabricant chinois de téléviseurs » pour « développer les services de divertissement numérique » (Les Echos, 19 juin).

- L’information économique, c’est un métier de banquier. BNP Paribas lance sur le web « "EcoTV by BNP Paribas", une émission mensuelle qui donne les clés de l’actualité économique », (Newsletter de CB News, 22 juin). En toute indépendance ? (Lire plus haut « La Tribune et Les Echos sont dans un bateau »)

2. Emplettes stratégiques

- « Les groupes préfèrent racheter des sites plutôt que d’en créer  », constate lucidement Challenges du 21 juin ...

- Springer fait coup double. Axel Springer s’offre le site Aufeminin.com : « le leader européen incontesté des portails féminins avec près de 15 millions de visiteurs uniques par mois » pour 280 millions d’euros  » (Le Figaro, 28 juin). Il s’offre aussi (en faisant la nique à Lagardère sur ce coup-là) la société Zanox, « plate-forme Internet de marketing en ligne » (Tarif Média, 28 mai).

- Le Figaro aime les billets. Rachat par Le Figaro le 11 juin « du leader de la billetterie de spectacles sur Internet, Ticketac, dont le chiffre d’affaires s’élève à 10 millions d’euros. »

- TF1 se pique d’emplois. Acquisition par TF1 « de 67,44% de la société Aronat, éditrice d’embauche.com, dont les deux fondateurs conservent le solde. Lancé en 2005, ce site d’emploi consacré aux fonctions "non-cadres", compte 85 000 abonnés pour 2 millions de pages vues par mois  » (Newsletter Stratégies, 12 juin).

3. Pluri-Média

- Le Parisien.fr mute. Le Parisien a lancé son nouveau site Internet avec précipitation ( « Signature d’un accord avec les organisations syndicales sur le développement et le fonctionnement du site  » qui «  prévoit "la mise en place d’un dispositif transitoire (une équipe d’une douzaine de journalistes entièrement dédiée au site), le temps de mettre en place et de négocier la transformation de l’ensemble de la rédaction en rédaction pluri média" » et force arguments, son directeur général, Jean Hornain promettant : « “ côté organisation, le web sera animé par la rédaction du Parisien que j’imagine pluri-média. Les journalistes doivent se réapproprier tous les supports de leur marque " ». L’objectif fixé pour les recettes « hors presse est clair : représenter 10 % du chiffre d’affaires global d’ici à cinq ans  » (Newsletter Stratégies, 30 mai).

- L’Humanité s’y met. Le site Internet Humanite.fr « fait peau neuve et place les lecteurs-internautes au centre de sa nouvelle version grâce à la mise en ligne de forums thématiques, la possibilité de réagir et de commenter les articles » (Newsletter Stratégies, 3 juillet).

- Du people sur le portable. En juillet et août, les magazines Public, Closer et Voici avec la bénédiction de « L’Association française du multimédia mobile (AFMM) et l’Association pour la promotion de la presse magazine (APPM) [...proposent] à leurs lecteurs d’accéder à du contenu exclusif via leur téléphone mobile  » (Newsletter de Stratégies, 25 juin).

- Oh les belles marques. « La régie Express Roularta Services (L’Express, L’Expansion, Maison française, Atmosphères, etc.) vient de créer son site, expressroulartaservices.fr, afin d’offrir un accès facile aux informations relatives à ses quinze marques  » (Newsletter Stratégies du 21 juin).

- La Dépêche du Midi sympathise avec Sud-Ouest. Les groupes Sud Ouest et La Dépêche du Midi ont annoncé la « création d’une "structure paritaire", sous la forme d’un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) baptisé Média Sud-Europe, pour "étudier toutes les synergies et les développements possibles entre les deux groupes" (presse, Web, mobile, télévision, etc.) ». «  Cette nouvelle a étonné [...] Depuis plus de soixante ans, les deux quotidiens sont " frères ennemis " » (Newsletter de CB News 25 juin).

Qu’ils se rassurent (s’ils le peuvent) « " Je comprends le scepticisme des journalistes mais d’abord, rien n’est encore fait, ce ne sont que des fiançailles entre les deux groupes, tempère Jean-Pierre Cassagne, membre du directoire du groupe. Ensuite, l’indépendance éditoriale et la pluralité des productions qui font la qualité de Sud Ouest seront toujours préservées. " » (Le Monde du 26 juin). A consigner.

III. Audiovisuel

1. Législation

- Télévision sur mobiles (TMP) : oui, tout est prêt. En mission pour son Sénat, à l’écoute des intérêts industriels, le sénateur (MPF) Bruno Retailleau «  déplore le peu d’implication de l’Etat dans l’économie numérique  », a « demandé un lancement rapide de la télévision sur téléphone mobile (TMP)  » et « préconise la création d’un commissariat du numérique » (Les Echos, 29 juin). Pourquoi tant d’agitation parlementaire ? « Tout est prêt. Les conditions sont réunies sur la base d’un calendrier précis et serré  » (Les Echos, du 30 mai) car « Enfin ! [Sic pour la ponctuation] Le CSA a publié son calendrier pour la TV sur mobile. Un appel à candidatures, prévu en octobre, devrait permettre un lancement courant 2008 ». Et même Jean-Bernard Levy (Vivendi), Nonce Paolini (TF1), Patrice Duhamel (France Télévisions) et Nicolas de Tavernost (M6) se sont « déplacés en délégation pour assurer [au CSA] qu’ils étaient prêts à lancer la TMP dans les plus brefs délais  » (Les Echos du 5 juin). Mieux : la Commission de Bruxelles estime que le marché «  pèsera entre 7 et 20 milliards d’euros d’ici à 2011, avec 200 millions à 500 millions d’utilisateurs dans le monde » (Les Echos, 26 juin).

- TNT parisienne et télés associatives : un fauteuil pour deux. Le CSA a sélectionné « les projets Coté Seine (Hersant-Lagardère-Caisse d’épargne), IDF 1 (NRJ-Télif), et LTF (Jean-Luc Azoulay-Netgem) pour trois canaux gratuits sur la TNT francilienne » tandis que associatifs Demain IDF (Demain TV) et BDM TV (Banlieues du monde) partageront « le 4ème canal  ». A noter, parmi les projets retoqués, ceux portés par TF1 [5] , Nextradio, Trace TV et France Soir (Newsletter Stratégies, 7 juin).

- Encore plus de télévisions locales ... Après celles de l’Ile-de-France, au tour du «  Nord, l’Alsace, la Bretagne et la région PACA  » lesquelles seront dotées par le CSA (qui lancera un appel à candidatures avant 2008) de «  17 télévisions locales [qui] viendront s’ajouter aux 18 chaînes locales, actuellement diffusées en analogique, et qui pourront également l’être en mode numérique  » (AFP, 27 juin). Que « la télévision locale [...] s’inquiète pour son avenir (Les Echos, 10 juillet) : « un modèle économique encore trop fragile pour un secteur en gestation » ne semble pas si grave ...

- TNT en haute définition : encore un appel. Le CSA a lancé un « appel aux candidatures pour la diffusion de services de télévision en haute définition (HD) sur la TNT » portant sur « deux canaux qui sont disponibles sur le réseau R5, actuellement inoccupé » (Stratégies Newsletter du 5 juillet).

2. Contenants, transporteurs et contenus

- Bataille d’équipementiers. Alcatel-Lucent verrait bien ses normes pour la télévision sur mobile l’emporter sur ses concurrents. Bruxelles ne choisira les heureux élus qu’en 2009, mais « le soutien du gouvernement français au projet [d’Alcatel-Lucent] est un peu trop voyant » , juge l’Arcep (Autorité de régulation des télécommunications ex-ART) qui critique donc le processus dans des « avis rendus au gouvernement  » (Le Monde du 24 mai). Mais l’Arcep ne dit mot de la subvention publique de 37,6 millions d’euros reçue par le même Alcatel-Lucent qui, par ailleurs, s’apprête à supprimer 12 % des effectifs.

Concernant la TNT pour qui le CSA s’active afin qu’en «  juillet 2007, 70 % des Français [y aient] accès » (Tarif Média, 21 juin), Towercast (NRJ Group) veut aussi montrer ses capacités : « elle s’est portée candidate pour expérimenter la TNT en haute définition (HD) sur le site de Lyon Fourvière du 13 juillet au 1er novembre  » (Newsletter de CB News, 26 juin).

- Translations numériques. «  l’offre de TV sur ADSL d’Orange comporte cinq chaînes en haute définition (National Geographic Channel HD, Arte, Luxe TV, NRJ12 et TF1)  ». (Newsletter Stratégies 20 juin). Quand la même « TF1 aurait décidé de passer toute son antenne [...] d’ici à 2009 une antenne entièrement avec des programmes produits en 16/9ème. Dans le même temps, le son multicanal sera également généralisé. Deux choix qui ouvrent la porte à une antenne entièrement en haute définition  » (Newsletter Stratégies, 29 juin).

Partie 2
- Les droits sportifs changent de tuyau. « La Ligue de football professionnel [les] a attribué pour trois saisons [à] Noos-Numéricâble » (Newsletter Stratégies, 20 juin). C’est la première fois que des matchs du championnat de France de football sont attribués à un opérateur du câble. L’insatiable Bolloré ne pouvait pas passer à côté de ce business juteux : la chaîne Direct 8 « acquiert des droits télévisés pour diffuser du football  »(international), sur la TNT ou par Internet, suite à un accord signé avec Sportfive (Lagardère) - ( Les Echos, 10 juillet).

- I-Télé se réduit. I-Télé, la chaîne info de Canal+, qui se targue d’être la plus regardée « va réduire de 10% ses effectifs, en supprimant 14 postes sur 146 salariés afin de réaliser une économie de 6 millions d’euros  » (Newsletter Stratégies, 3 juillet).

- France 24 se sent régner. Alain de Pouzilhac, président de France 24, sa toute jeune chaîne d’information internationale [6], qualifie modestement son bilan d’« extrêmement bon  » et place ses modestes « objectifs prochains  » par « le ciblage des hôtels de luxe dans le monde entier et "l’attaque" des autres continents, à savoir l’Amérique du Nord (2008) et du sud (2009), puis l’Asie (2010)  » (Les Echos du 8 juin). A noter que notre publicitaire est rattrapé par son ancien groupe (Havas) qui « a déposé plainte auprès du procureur de la République de Nanterre pour " abus de biens sociaux, complicité et recel " contre trois anciens dirigeants du groupe, Alain Cayzac, Alain de Pouzilhac et Jacques Hérail  » (La Tribune, 9 juillet).

- NextRadioTV pense à ses administrateurs. Le président de NextRadioTV (RMC, BFM et BFMTV), Alain Weill, se dit « condamné à la croissance  » (à plaindre). Mais le voilà qui augmente «  son capital pour 33,6 M€  », ce qui permet d’associer en priorité les actionnaires de NextRadioTV à une « nouvelle étape décisive du développement du groupe  » certainement suite au rachat du groupe Tests, pour 80 Millions d’euros, qu’il devrait quelque peu expurger de quelques titres [Voir, ci-dessus, « Négociations syndicales : des points marqués »](Newsletter de CB News, 31 mai).

IV. Journalismes

- Bolloré, PH neutre. Vincent Bolloré a refusé de « publier, dans l’édition du 1er juin de Matin Plus, un article sur les déboires de musiciens roms avec la police de Roissy ». Tout s’explique, finalement « Nous faisons un journal neutre, mais là on avait un article extrêmement désagréable pour l’image de la France » (Newsletter de CB News, 5 juin). Il devrait enseigner dans les écoles de journalisme...

- France 3 : Une « bible » formatée contre le formatage. Pour « acquérir les mots du JT », « faire référence pour que notre chaîne affirme son exigence de qualité, lutte contre le formatage et marque son identité  », la direction déléguée à l’information et France 3 formation, pour la « première fois dans une chaîne de télévision française  », a édité un « Abécédaire des mots de l’information à destination des 1 500 journalistes qui, du national au régional, composent la rédaction de la chaîne publique  ». «  Cette bible a été rédigée pour que dans le réseau tout le monde parle la même langue » (Le Monde du 15 juin).

- France 2 : Confiance ? Vous avez dit confiance ? « La rédaction de la chaîne publique sera réorganisée pour la rentrée alors que la part d’audience du journal télévisé de 20 heures s’est nettement érodée et que la Société des journalistes (SDJ) de la chaîne publique s’alarme d’une « crise de confiance  ». Heureusement, Arlette Chabot [7], directrice de l’information, introduira sa réforme par un « séminaire le 23 juin prochain sur le sujet » (Le Figaro du 19 juin) en nous faisant le plaisir de renouveler pour la présentation du JT sa confiance méritée à David Pujadas [8].

- Daniel, Fréderic et les autres. La direction de France Inter a mis fin à l’émission « La Bande à Bonnaud », sous prétexte que sa part d’audience est « en baisse régulière » (une notion très importante dans le service public, comme chacun le sait), et qu’elle aurait du faire face à « des refus catégoriques qui ont fermé la voie à toute évolution  » (d’après une « note interne » reprise par Newsletter de CB News, 28 juin). Ce n’est pas l’avis des syndicats lesquels voient plutôt dans cette suppression « une reprise en main politique des antennes  » (Libération, 26 juin). D’où un mouvement de grève à l’antenne le 28 juin intervenu «  dans un climat tendu au sein de la station généraliste, lié à la préparation de la grille de rentrée et aux reproches faits par une partie du personnel concernant le management  » (Newsletter de CB News, 28 juin). Lire ici même « Grève à Radio France : “Grille de rentrée : non au fait du prince ” (CGT et SNJ-CGT) » et sur le site de Libération, l’ « appel des salariés de France Inter » par La Société des Journalistes et la Société des Producteurs de France Inter : [« Sauvons « la Bande à Bonnaud »- >http://www.liberation.fr/rebonds/265024.FR.php].

De son côté, France 5 a mis fin à « Etats généraux » (Paul Amar), « Madame, monsieur bonsoir » (David Pujadas, Hervé Chabalier), « L’atelier de la mode », « Mondes et merveilles », « Ubik » et enfin, comme on ne peut l’ignorer...« Arrêt sur Images » [9].

Qu’on n’imagine pas pourtant que nous serons privés de gentilles émissions de critique des médias. D’abord Daniel Schneidermann pourrait trouver refuge dans une belle région française : « Ségolène Royal a contacté Daniel Schneidermann, présentateur du magazine Arrêt sur images, supprimé par France 5, pour lui proposer un projet de production de l’émission avec la région Poitou-Charentes qu’elle préside. ». Il devrait être remplacé sur France 5 par une émission dont on ne sait rien mais dont il « faudrait » par avance, penser le plus grand bien... On le dit : M6 « prépare pour la rentrée une émission consacrée aux médias sur sa chaîne Paris Première », dont le noble objectif est d’ « attirer le microcosme médiatique vers la chaîne  ». (Newsletter Stratégies, 25 juin). Voilà qui promet...

Audimat quand tu nous tiens ! Même dans le secteur public... Management autoritaire, quand tu t’impose ! (idem : même dans le secteur public)... Avec le cortège de décisions arbitraires et de censures/autocensures qui suscitent les réactions non seulement des journalistes et animateurs concernés, mais aussi d’une partie du public.

- Convergence des résistances ? Tous ces mouvement divers, des médias publics au médias privés, du Monde aux Echos des journalistes de La Vie (du groupe Le Monde) qui viennent de créer «  une société des rédacteurs afin, notamment, de défendre la charte du titre et son « esprit d’ouverture » relaye Newsletter Stratégies du 3 juillet, à ceux du JDD et de Courrier International protestant contre la censure, en passant par ceux du groupe L’Express-L’Expansion [10], créent un micro climat de résistances. Pour un automne plus chaud ? Bel été, en attendant ...

William Salama.

 
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Notes

[1Et non « acheté », comme nous l’avions écrit initialement.

[2Les Echos qui « n’avaient pas de société des journalistes » ont créé la leur le mardi 5 juin, avec pour profession de foi « défendre l’indépendance des journalistes du groupe et ce quels que soient les propriétaires  » (Newsletter Stratégies , 6 juin).

[3Lire, dans « L’actualité des médias n°56, « Le Bild français doit s’imprimer en France ».

[4Lire, dans « L’actualité des médias n°58 : « Appétits ».

[5Qui, selon Challenges du 21 juin, « aurait grillé ses chances en entrant dans le capital d’AB, déjà présent sur la TNT »

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