Le SNJ-CGT de l’audiovisuel a été reçu ce jour [le 25 juillet, note d’Acrimed] à sa demande, pendant une heure trente, par le Groupe de travail « Pluralisme et campagnes électorales » et sa présidente Marie-Laure Denis.
L’objet de cette audition était de tirer le bilan des campagnes présidentielle et législative dans les médias, en vue du rapport du CSA qui sera rendu à l’automne, mais aussi de préparer la campagne des municipales de 2008.
Le CSA envisage de simplifier, voire d’alléger, les règles s’appliquant aux médias durant les campagnes électorales. Certaines relèvent de sa seule autorité, d’autres relèvent du Conseil Constitutionnel.
L’audition a porté tout à la fois sur les règles actuelles (ou à améliorer) concernant l’équité et l’égalité permettant de respecter le pluralisme, sans jamais perdre de vue le respect des choix éditoriaux des rédactions, l’éthique et les contraintes journalistiques.
Pour le SNJ-CGT les règles, concernant tout à la fois la pré-campagne, les périodes « préliminaires », « intermédiaires », la « campagne » ainsi que les émissions officielles, même mal observées doivent être préservées. Elles sont le seul moyen de voir accéder sur les antennes, le temps d’une campagne, les idées de dizaines de milliers d’électeurs dit « minoritaires », puisque entre deux élections ces idées sont très peu présentes dans les médias.
Pour les municipales, le SNJ-CGT s’est prononcé pour que le temps de parole égalitaire entre les candidats soit respecté dans le mois précédant le 1er tour.
De même, il nous paraît indispensable que des règles soient fixées pour réguler les interventions du Président de la République. Celui-ci peut aujourd’hui s’inviter à son gré dans les médias sans que son temps de parole soit comptabilisé.
Sur ces différents points, la présidente de la Commission nous a indiqué que le CSA a entamé une réflexion portant notamment sur la règle des trois tiers (majorité, opposition, gouvernement) qui apparaît aujourd’hui ne plus correspondre aux réalités. Dans ce cadre le CSA réfléchit également à la prise en compte des interventions présidentielles. Le CSA réfléchit également sur la question du respect du pluralisme hors campagne électorale.
Cette audition se situe dans un contexte où le SNJ-CGT estime qu’après la liberté de ton et de parole accordée aux journalistes au début des années 80, liberté saluée dans toutes les études d’opinions par les téléspectateurs et les auditeurs tant du service public que des médias privés, la situation n’a cessé de se dégrader depuis le milieu des années 90.
Une situation tout à la fois ressentie par les citoyens, comme le montrent toutes les études d’opinions dans lesquelles il apparaît que la crédibilité de l’information télévisée et radiodiffusée est de plus en plus remise en cause, mais aussi par de plus en plus de journalistes.
Cette perte de crédibilité et ce décalage entre ce que nous diffusons et les attentes de la société nous interpellent en tant que syndicat.
Cette perte de confiance remonte à la campagne présidentielle de 1995, durant laquelle la quasi totalité des sociétés publiques et privées avait outrancièrement mis en avant la candidature d’Edouard Balladur.
Cette perte de crédibilité s’est encore accrue durant la campagne pour le référendum sur la Traité Constitutionnel européen où, là encore, la quasi totalité des médias avait mis en avant les raisons de voter « oui » ; plus de 70% des reportages appuyant ce parti pris.
Pour la première fois, face à ce manquement au pluralisme, des journalistes de l’audiovisuel public avaient lancé une campagne publique demandant un rééquilibrage des reportages et des commentaires entre le « oui » et le « non ». En trois semaines, plus de 20 mille citoyens avaient cosignés la pétition afférente sur internet. Le président du CSA avait longuement reçu une délégation de ces journalistes et, trois semaines avant le vote, le rééquilibrage avait été effectué sur la plupart des télévisions et radios publiques et privées.
Malheureusement le mal était fait.
Depuis lors, toutes les enquêtes d’opinions, les nombreux forums de discussion sur le net et les courriers adressés aux médiateurs, montrent que l’écart ne cesse de se creuser entre ce que diffusent les médias et ce qu’attendent les utilisateurs.
Ce fossé s’est encore accru lors de la dernière campagne présidentielle de 2006/2007, quoi qu’en pense le CSA.
Le SNJ-CGT de France 3 avait publiquement dénoncé ces dérives durant la pré-campagne.
En septembre 2006, au 269e jour de l’année, nous avions relevé plus de 280 reportages/passages à l’antenne de Nicolas Sarkozy dans les éditions nationales de France 3.
Bien plus, le 7 novembre nous apprenions par « Le Monde » que lors d’un reportage diffusé le 3 septembre sur le meeting marseillais du ministre-candidat, les images du sujet provenaient à 80% de la société de production ETC travaillant pour le candidat et seule habilité à filmer certains moments des meetings ; les journalistes ne pouvant circuler et filmer librement l’événement.
Nous constations alors les mêmes dérives dans les régions.
Le CSA envisage pour l’avenir d’adopter des recommandations afin d’imposer le siglage sourçant les documents fournis par des sociétés travaillant pour des organisateurs de manifestations...
Pour le SNJ-CGT, ce souhait ne répond pas aux exigences éthiques permettant le libre choix des images tournées et des questionnements. Ce type de documents, fournis par les organisateurs, est à proscrire des reportages. Le SNJ-CGT a demandé au CSA d’imposer aux candidats la libre circulation des équipes de journalistes sur les lieux de campagne.
Les journalistes de France 2, de Radio France et de RFI ont constaté les mêmes dérives.
Ceux de Radio-France avaient vivement dénoncé la déclaration de la Responsable du service politique, dans « Libération », expliquant la répartition des temps d’antenne (les « probables » au 2e tour Sarkozy/Royal se partageant 40% du temps d’antenne, les « possibles » Le Pen/Bayrou 40 autres %, les autres...le reste !!!)
Comment dès lors s’étonner que le 31 janvier 2007 une étude du « Figaro » révélait que si 75% des électeurs étaient intéressés par l’élection présidentielle, 84% estimaient que les critiques personnelles entre candidats occupaient trop de place, 71% que les débats étaient de mauvaise qualité, 57% que les vrais problèmes n’étaient pas abordés, 55% que la campagne n’apprenait rien.
Le 7 novembre 2006 pourtant, le CSA avait rappelé ses recommandations devant s’appliquer à compter du 1er décembre : « accès équitable à l’antenne des candidats déclarés ou présumés durant la période préliminaire » jusqu’à la publication de la liste des candidats ; « équité en temps d’antenne » et « égalité en temps de parole » durant la période intermédiaire, de la publication des listes à la veille de l’ouverture de la campagne, en temps cumulé et par périodes ; « égalité dans des conditions de programme comparables » durant la campagne. Les « comptes rendus, commentaires et présentations ne devant défavoriser aucune candidature. (…) Les choix des extraits des déclarations ne pouvant dénaturer le sens général ; l’utilisation des archives ne devant pas déformer le sens initial du document. »
Dès le 4 janvier 2007, le CSA relevait que pour la période du 1er au 29 décembre 2006, les chaînes hertziennes analogiques nationales « réservaient leur accès antenne à un nombre trop réduit de candidats. (...) Certaines reproduisant la bipolarisation excessive constatée lors de la campagne de 2002 au profit de deux candidats ». Il demandait de « veiller au mois de janvier à mieux respecter le principe d’équité ».
Le 11 janvier, le CSA relevait que pour même période, les autres radios et télévisions avaient « pour certaines réservé l’accès à leur antenne à un nombre trop réduit de candidats » ; (…) que quelques-unes s’inscrivent dans la logique de bipolarisation excessive déjà constatée lors de la campagne de 2002 au profit de deux candidats, certaines dans des proportions encore plus importantes que sur les chaînes hertziennes nationales analogiques ; (…) et une insuffisance des temps accordés à certains des candidats au regard des critères d’équité ». Il demandait de « veiller au mois de janvier à mieux respecter le principe d’équité ».
Dans sa réunion du 6 février le CSA relevait pour la période du 1er décembre 2006 au 2 février 2007 que sur les chaînes hertziennes analogiques nationales « l’accès à leur antenne pour des candidats restait insuffisant ; (…) des candidats soutenus par des formations ayant eu accès aux campagnes électorales organisées depuis 2002 n’ont pu à ce jour accéder à certaines des chaînes. (…) Sur certaines d’entre elles » le CSA relevait « la persistance d’un déséquilibre marqué entre les deux candidats bénéficiant des temps les plus importants et les autres ; (…) des temps de parole à certains candidats insuffisants au regard des critères d’équité ». Le CSA demandait une nouvelle fois les « rééquilibrages nécessaires ».
Ainsi, par trois fois entre le 4 janvier et le 6 février, le CSA établissait que pour une période allant du 1er décembre au 2 février (trois longs mois) pluralisme et équité n’étaient toujours pas respectés, confirmant ainsi ce que les journalistes de ces sociétés constataient au quotidien.
Lors de cette audition, le SNJ-CGT a regretté que les Directions de l’information n’aient pas eu le courage de programmer des émissions de débats avant le 1er tour comme le demandaient plus de 200 journalistes de l’audiovisuel public et 11 mille citoyens pétitionnaires sur le net, et que le CSA n’ait pas eu les moyens juridiques de les susciter.
Le 7 février en effet une centaine de journalistes de l’audiovisuel public, s’appuyant sur ce constat, lançaient un appel public à leurs Directions contre ces « dérives, contre la bipolarisation, pour des temps de paroles équilibrés afin que le fossé ne se creuse encore plus entre les journalistes et les citoyens qui financent le service public par leur redevance ; afin que leurs problèmes soient traités et qu’ils puissent se prononcer au 1er tour en ayant toute connaissance des programmes des différents candidats. »
Ils dénonçaient également la « dérive populiste » concernant les émissions constituées de « panels » et dans lesquelles « les journalistes étaient cantonnés dans un rôle de M. Loyal porteur de micros et ne pouvant exercer leur droit de suite. »
Audience était demandée au CSA qui ne les recevra pas !
Malgré les 11 mille signatures sur cette pétition, les dérives allaient se poursuivre.
Le 19 février le CSA relevait encore pour la période du 20 janvier au 2 février et pour la période cumulée du 1er décembre 2006 au 2 février 2007, tant pour les chaînes hertziennes analogiques nationales que pour les autres radios et télévisions, la « persistance pour certaines de bipolarisations excessives et l’insuffisance de temps alloué à certains candidats. »
Ainsi, durant 4 mois, les chaînes de radios et de télévisions auront pu sans être autrement que rappelées à l’ordre par le CSA (à l’exception de « mises en garde » pour RFI, Direct 8, France Musique, Radio Classique ; de « mise en demeure » pour France 24 et TV5) , bafouer le pluralisme de l’information et influer le vote des électeurs !
Le SNJ-CGT a constaté malheureusement que ce sont 3 sociétés de l’audiovisuel public (RFI, France Musique, TV5) et 1 société à capitaux mixtes (France 24, dont France Télévisions est actionnaire à 50%) qui ont fait l’objet de rappels à l’ordre !
Malgré tous ces manquements relevés au long de la campagne par le CSA quelle ne fut pas notre surprise de voir le 17 avril, que celui-ci estimait que « les temps d’antenne sur les chaînes hertziennes analogiques nationales avaient été répartis de façon équilibrée » !!!!
Lors de l’audition le SNJ-CGT a regretté que le CSA ait relevé ces manquements réitérés au pluralisme et qu’il n’ait pas de moyens contraignants de le faire respecter.
Concernant la campagne des législatives, bien que les recommandations du CSA aient rappelé que « lorsqu’il est traité d’une circonscription électorale déterminée, les radios et télévisions veillent à ce que les candidats bénéficient d’une représentation et d’un accès équitable à l’antenne », la plupart des reportages n’évoquèrent que des deux candidats susceptibles d’être au second tour, les autres étant seulement cités. Dans certaines circonscriptions le député sortant n’était même pas interviewé au prétexte qu’il n’appartenait pas aux deux « grandes » formations UMP ou PS !
Ainsi, malgré les textes, certes peu contraignants, l’accès équitable ou égalitaire à l’antenne n’aura pas été respecté.
Des dizaines de milliers d’électeurs n’auront pas pu effectuer leur choix en toute connaissance des programmes des candidats et de leur financement.
Au delà de cette audition, il apparaît indispensable pour le SNJ-CGT que soient revus la composition et le rôle du CSA. Celui-ci n’est plus représentatif de la pluralité de la société, tant en termes politique, que syndical ou associatif. Le CSA doit refléter la diversité de la représentation nationale telle que choisie par les électeurs, les syndicats représentatifs dans le secteur de l’audiovisuel et les associations de téléspectateurs doivent y trouver leur place.
Ces questions ne relèvent pas du CSA mais du gouvernement.
Ce sont ces propositions, et d’autres, que le SNJ-CGT de l’audiovisuel veut présenter aux ministres de tutelles.
Le syndicat est pour le moins surpris de ne pas voir reçu de réponses à ses demandes d’entrevues auprès de la Ministre de la Culture et du Ministre des Affaires étrangères (en ce qui concerne la restructuration annoncée de l’audiovisuel extérieur), sollicités le 6 juin 2007.
Mais au delà et parce que journalistes, nous sommes conscients des problèmes que posent les règles actuelles en termes de choix éditoriaux.
Les solutions qui nous permettraient de ne pas avoir à jouer les « épiciers » en fin de campagne, lorsque nous nous apercevons des déséquilibres à rattraper, ne résideraient-elles pas dans les choix éditoriaux que nous devrions faire au quotidien, dans le respect du pluralisme, dans les débats en conférences de rédaction tout au long de l’année ?
Ne seraient-elles pas de ne plus courir après les petites phrases qui font les ouvertures, ou les unes, et de les remplacer par de vrais reportages d’investigation sur les décisions politiques prises tout au long de l’année, sur leurs implications dans la vie des gens, sur les positions souvent contradictoires des élus ?
Ne serait-il pas temps dans les magazines politiques ou de société (là où il en reste) de faire appel à d’autres « experts » que les habituels adeptes de la pensée libérale ?
Ce n’est à notre avis qu’à ces conditions que nous retrouverons la confiance de ceux pour lesquels nous travaillons.
Composition de la délégation du SNJ-CGT : Agnès Rougier (RFI), Jean-François Téaldi (France Télévisions), Lionel Thompson (Radio France).