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Etats généraux de la création audiovisuelle (1)

La résolution finale des Etats généraux de mars 2000

Le 20 mars 2000 se tenaient, au Théatre National de Chaillot, les Etats généraux de la création audiovisuelle , auquels participait notamment le collectif Keltélé, constitué - avec la contribution d’Acrimed - autour de la lettre ouverte au gouvernement et aux parlementaires « Dis moi qui te paie, je te dirai qui tu es ».

Nous publions ci-dessous la résolution finale, et dans d’autres articles le dossier préparatoire, ainsi que l’intervention de Jean-Pierre Marchand pour la Société des Réalisateurs de Films (SRF)

Résolution finale des Etats généraux de la création audiovisuelle

Les Etats généraux de l’audiovisuel, réunis le 20 mars au Théâtre National de Chaillot, ont rassemblé l’ensemble des acteurs de la création télévisuelle.
Ils protestent contre l’état de l’audiovisuel français. Ils avancent ensemble des propositions jointes au présent communiqué. D’ores et déjà, l’unanimité s’est faite pour réaffirmer les missions du service public, dans la perspective de la suppression du financement publicitaire, avec pour contrepartie l’accroissement de ses moyens par la création de nouvelles ressources publiques.
Le projet de loi dans sa forme actuelle est sans rapport avec la situation de la télévision en France. Il doit être amendé. Le gouvernement doit s’engager, dès aujourd’hui, à accroître massivement l’ensemble des ressources de la télévision, à permettre la création de nouvelles chaînes, à contribuer au règlement de l’ensemble des problèmes sociaux, enfin à assurer un financement normal par les chaînes de la production des oeuvres audiovuelles.
Les partenaires de la création exigent la réunion immédiate de tous les intervenants de l’audiovisuel, pour la prise, dans les trois semaines à venir, de décisions permettant de sortir du marasme actuel.

A l’initiative de :
SACD - Société des Auteurs et compositeurs dramatiques
SCAM - Société civile des auteurs multimedia
SPFA - Syndicat des producteurs de films d’animation
SPI - Syndicat des producteurs indépendants
USPA - Union syndicale de la production audiovisuelle

Avec
ADDOC - FTILAC (Fédération communication et culture CFDT) - Groupe 25 images - guilde des scénaristes - KELTELE - Périphérie - SNTPCT (Syndicat national des techniciens de la production cinématographique et de télévision) - SRF (Société des réalisateurs de films) - TVFI ( TV France international) - US (Union des scénaristes).

extrait du dossier préparatoire -

Au moment où la nouvelle loi sur l’audiovisuel revient en discussion à l’Assemblée nationale, cinq organisations représentant tous les acteurs de la création ont décidé de réunir des États généraux de la création audiovisuelle.

De nombreuses autres organisations, représentant des producteurs, des auteurs-réalisateurs, des artistes interprètes, des scénaristes, des techniciens, ont été associées dès le départ à la rédaction de la plate forme jointe, qui servira de base aux discussions des États généraux, le 20 mars 2000.

à l’initiative de
SACD Société des auteurs et compositeurs dramatiques
SCAM Société civile des auteurs multimédia
SPFA Syndicat des producteurs de films d’animation
SPI Syndicat des producteurs indépendants
USPA Union syndicale de la production audiovisuelle

avec
ADDOC
FTILAC Fédération communication et culture CFDT
Groupe 25 images
Guilde des scénaristes
KELTELE
Périphérie
SNTPCT Syndicat national des techniciens de la production cinématographique et de télévision
SRF Société des réalisateurs de films
TVFI TV France international
US Union des scénaristes

Préambule

Ces États généraux sont un véritable signal d’alarme pour les pouvoirs publics qui, le plus souvent, ignorent la situation dramatique dans laquelle se trouve aujourd’hui la profession dans son ensemble. Mais, ils ne se veulent pas seulement un bureau de doléances : ils sont surtout une force de propositions économiques, sociales, politiques et culturelles, qu’il faut mettre en œuvre très rapidement, pour sauver la dimension créative de la télévision française, qui est en danger.

La télévision, qu’elle soit publique ou privée, n’est pas un média quelconque. C’est un lieu privilégié où le citoyen doit pouvoir satisfaire son besoin de connaissance, exercer son imagination, apprendre à connaître, dans toutes les formes que peut prendre la création. En un mot, se cultiver. La désinvolture des responsables politiques de tous horizons marque leur ignorance de ce média, qui leur paraît sans doute trop populaire pour être pris en considération par les élites. À moins que son immobilisme actuel ne les satisfasse.

Depuis des années, la mission d’informer, de cultiver et de distraire, qui échoit naturellement et historiquement au Service public, est en grande partie bradée au profit d’une logique mercantile. La course à l’audience, le manque de moyens financiers, et l’instabilité des équipes dirigeantes, ne permettent plus au Service public de conserver son identité et d’innover.

La prise en main de la télévision par les publicitaires contribue largement à cet état de fait. Depuis le milieu des années 80, le seul enjeu de la télévision n’est plus la satisfaction du public, mais sa soumission, mesurée minute par minute, à un dispositif de comptage purement quantitatif, au détriment du qualitatif.

Il manque aujourd’hui 3 milliards de francs à la production des œuvres audiovisuelles (fictions, documentaires, animations) pour atteindre le niveau européen.

L’ensemble de la production des chaînes françaises de télévision atteint péniblement les 600 heures de fiction par an alors que l’Allemagne affiche près de 2000 heures et la Grande Bretagne pas loin de 1300 heures.

Dans le domaine de la fiction, secteur prépondérant en termes de poids financier et d’audience, l’évolution est particulièrement inquiétante. Le pourcentage de fictions nationales dans l’ensemble de la fiction diffusée en prime time est de 90% en Angleterre, de 70% en Allemagne, et seulement de 47% en France, qui est le seul pays européen à diffuser davantage de fictions étrangères que de fictions nationales en prime time.
Le documentaire est un regard sur le monde, un questionnement, une source de découverte. Il a un rôle citoyen et culturel dans nos sociétés. En Angleterre, la production documentaire est le double et, en Allemagne, le triple de la production française. Cette production n’est pas à confondre avec les magazines d’information.

La production audiovisuelle doit refléter librement et dans toute sa diversité la variété des sujets scientifiques, artistiques, ou de société. Mais à quoi sert une politique de production si les œuvres ne sont pas largement communiquées au public à des heures de grande écoute ?

Afin de retrouver son identité, le Service public devrait commencer à appliquer, pour sa part, ce qui est écrit dans son cahier des charges :

Les sociétés nationales de programme de télévision constituent la télévision de tous les citoyens. À ce titre, elles aspirent à rassembler le public le plus large tout en affirmant leur personnalité par une offre de programme spécifique fondée sur quatre caractéristiques majeures :

 pluralisme de leurs programmes ;
 programmation diversifiée dans le domaine des émissions culturelles et de jeunesse ;
 création télévisuelle en portant attention à l’écriture et en favorisant la réalisation de productions originales ;
 vocation à constituer la référence en matière d’éthique, de qualité et d’imagination.

L’attention qu’elles portent à leur audience exprime plus une exigence vis-à-vis du public qu’une volonté de performance commerciale.

L’une des principales causes de cette dérive est bien évidemment le sous-financement de la télévision publique. En France, le montant de la redevance s’élève à 750 francs par an alors qu’elle atteint 1000 francs en Grande Bretagne et 1200 francs en Allemagne. En 1998, les recettes (redevance et publicité) de la télévision publique française ont été de 25 milliards de francs alors qu’elles approchent les 50 milliards en Allemagne et en Grande Bretagne.

La baisse de 12 à 8 minutes de publicité sur le Service public prévue dans le projet de loi Trautmann devrait coûter 1,5 milliard par an, en compensation de perte des recettes publicitaires, auxquelles s’ajoutent les sommes nécessaires à produire les 350 heures de programme qui remplaceront la publicité. Or, sur les 700 millions de francs prévus par l’État pour équilibrer ce plafonnement des ressources, seuls 40 millions devraient aller à la production.

À condition que le budget du Service public soit très sérieusement revu à la hausse, il n’est pas utopique de demander la suppression totale de la publicité dans le secteur public. À service public, financement public, comme en Angleterre. Cette mesure radicale permettra au service public de prendre résolument ses distances avec la concurrence privée dont, il ne doit pas - rappelons-le encore - partager les objectifs commerciaux. Dégagé de la tutelle des annonceurs, le secteur public se devra d’inventer une nouvelle logique de création, une nouvelle relation au spectateur qui aura un effet d’entraînement sur l’ensemble de l’audiovisuel.

La télévision française n’est donc pas seulement économiquement pauvre mais toute possibilité d’une véritable création y est étouffée. Face aux diktats des diffuseurs en matière de formats, de personnages ou d’acteurs, les auteurs et les producteurs n’ont plus les moyens d’innover ou de prendre des risques. La frilosité des chaînes bride la création.

Considérant ce dramatique état des lieux, les représentants de l’ensemble de la profession audiovisuelle ont décidé, tous unis, de participer à ces États généraux de la création audiovisuelle avec l’ambition de contribuer à doter notre pays d’un secteur audiovisuel digne de ce nom et à la hauteur de sa vocation.

Les organismes qui ont participé à la préparation des États généraux de la création audiovisuelle ont retenu sept thèmes principaux, et regroupé les propositions sous forme de fiches réunies dans un "dossier préparatoire"

 
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