Accueil > Critiques > (...) > Les pyromanes de l’insécurité

Quand Le Monde recycle un rapport des RG sur les « bandes ethniques »

par Simon Imbert-Vier,

Sur quoi Le Monde informe-t-il ses lecteurs quand il publie des extraits d’un rapport des Renseignement Généraux ? Sur l’exactitude des faits évoqués par ce rapport et la véracité des interprétations qu’il propose ? C’est donc que Le Monde souscrit à son contenu. Ou seulement sur la « vision du monde » propagée par les RG ? On est en droit, dans ce cas, d’attendre un minimum de précision et de prise de distance. Surtout dans le cas suivant. (Acrimed)

Dans Le Monde daté de jeudi 6 septembre 2007, un article occupe toute la page 3 : « Les bandes sous la loupe des RG ». L’appel en page de « une » parle lui des « bandes ethniques ». Il s’agit du compte-rendu d’un rapport des renseignements généraux de
juillet 2007. On y apprend que, selon ce document : « on assiste à un retour sensible du phénomène de bandes ethniques composées en majorité d’individus d’origine sub-saharienne ». Un exemple est donné d’une « bande de la Défense, composée d’une quarantaine d’individus pour l’essentiel d’origine sub-saharienne » qui se heurte à « celle de la gare du nord, composée d’une quarantaine d’individus de la même ethnie » (mais de laquelle, sub-saharienne ?).

La suite de l’article nous explique que ces « bandes ethniques » sont composées de « Noirs », de « cap-verdiens », de « collégiens [ou d’adolescents] d’origine africaine ». Il précise enfin que « ces formations délinquantes constituées en majorité d’individus originaires d’Afrique noire ont la particularité d’instaurer une violence tribale ne donnant lieu à aucune concession ». Selon ces citations, ces africains d’origine sont donc tribaux, ethniques et violents. On croirait une description issue de « L’Afrique française » en 1890.

Puis l’article continue à détailler le rapport, donnant des exemples de la « communautarisation » de la délinquance, mais là on ne parle plus d’ethnies ni de tribus. Il est question de musulmans («  fondamentalistes »), de chrétiens (« originaires d’Irak », orientaux donc), de juifs, de maghrébins, de gitans et de tchétchènes. Bref, disons « plutôt des blancs » pas « ethniques ».

Il est frappant que Le Monde présente comme une information ce qui n’est qu’une accumulation de poncifs racistes, qui trouvent leur source dans les prémisses de l’ère coloniale à la fin du XIXe siècle, au moins. Il ne semble pas utile d’insister sur ce que manifeste de recul idéologique la publication d’une telle analyse sans aucun recul dans un journal qui se proclame « de référence ».

D’autant plus que Le Canard enchaîné du 12 septembre, page 4, revient sur ce rapport et en cite d’autres extraits dont : « L’intégration à une bande ou un groupe repose très rarement sur des principes ethniques. (...) Ces groupes sont des structures homogènes qui correspondent aux cités ». Sans avoir lu le rapport, à partir de cette dernière citation on peut se demander si Le Monde ne l’a pas tiré dans un sens, le pire, ce qui ne fait que rendre son article plus insupportable. Il ne s’agit pas simplement de reprendre des préjugés semble-t-il, mais bien de participer à leur fabrication.

Le Monde publie une réaction (de Laurent Mimouni, Paris) dans son édition de dimanche, en petit, page 16, qui dénonce le racisme de cet article, mais sans noter le traitement particulier réservé aux « sub-sahariens ».

Simon Imbert-Vier

 
Acrimed est une association qui tient à son indépendance. Nous ne recourons ni à la publicité ni aux subventions. Vous pouvez nous soutenir en faisant un don ou en adhérant à l’association.

A la une

Médias français : qui possède quoi ?

Vous avez dit « concentrations » ? Nouvelle version de notre infographie.

Louis Sarkozy : le capital médiatique s’hérite aussi

Le journalisme politique dans sa bulle.