Plus qu’embarrassée, dans un premier temps, la ministre nie. Puis elle admet (ou semble admettre) la vérité quand Paul Amar lui propose une porte de sortie « honorable », suggérée par le rédacteur en chef à l’oreillette : « Vous ne vouliez pas débattre à la télévision, c’est vrai que vous l’avez rencontré dans votre bureau ».
Mais peu nous importent ici les tergiversations ministérielles (même si le mensonge est un péché, Madame…) : Christine Boutin avait parfaitement le droit de refuser de débattre avec Jean-Baptiste Eyraud, pour peu qu’elle s’en explique publiquement, à ses risques et périls.
En revanche, contestables, sinon pathétiques, les explications, à chaud, de Paul Amar méritent qu’on s’y arrête :
« On avait le choix entre ne pas faire du tout de débat donc ne pas du tout en parler ou en parler en vous invitant vous [Florence Aubenas] et en plus en étant dans l’esprit de l’émission qui consiste à inviter des journalistes. Si on avait accédé à ce désir de pas de débat entre Mme Boutin et M. Eyraud, on en aurait pas du tout parlé. »
Pas d’autre choix ? Vraiment ? Il était donc inconcevable , particulièrement, dans une émission « de décryptage », de se passer de la présence d’une ministre ? Le pouvoir UMP est-il à ce point invisible dans les médias qu’il faille priver d’accès au plateau de télévision le porte-parole d’une association comme Droit au Logement ? La question du traitement médiatique des luttes sur le logement était donc inabordable – « on en aurait pas du tout parlé » – sans la caution d’un représentant du gouvernement ?
Tant de déférence vaut décryptage de certaines pratiques journalistiques. Et de la critique médiatique des médias dans sa version « revue et corrigée » par Paul Amar.
Annexe : Un communiqué » du SNJ-CGT
La France malade de son information bâillonnée
France 5 doit des explications et des excuses à propos des « incidents » qui ont émaillé l’émission « Revu et corrigé », présentée par Paul Amar.
Pour débattre du sujet des mal logés, les journalistes de l’émission avaient invité la ministre en charge du dossier, Christine Boutin, et Jean-Baptiste Eyraud du DAL.
La ministre aurait exigé le retrait du militant associatif et c’est Florence Aubenas qui a posé la question de son absence sur le plateau. La gêne de Paul Amar et, surtout, de la ministre était visible.
Il est hautement symbolique qu’une émission de décryptage des médias, sur une chaîne de service public soit le théâtre d’un tel acte de censure.
Le SNJ-CGT demande que toutes les explications soient fournies aux téléspectateurs et que le CSA condamne les interventions intempestives de ministres sur le contenu de l’information.
On remarquera que cet acte s’est produit le jour où le président de la République a provoqué un autre incident sur la chaîne américaine CBS, quittant le plateau parce qu’une question lui déplaisait. Il est vrai que Nicolas Sarkozy, ami de tous les patrons de presse, a l’habitude d’avoir des journalistes complaisants face à lui.
Pour le SNJ-CGT, ces deux faits sont les dernières manifestations du malaise de l’information en France. Le syndicat appelle les journalistes à entrer en résistance et à participer aux manifestations prévues le 5 novembre (dans toute l’Europe) pour un journalisme de qualité.
Montreuil, le 29 octobre 2007