I. Les « filtres » de l’AFP et de ses copistes
Le 3 décembre 2007, une dépêche de l’AFP, titrée « Venezuela : séisme politique après le non au référendum de Chávez », « tombe » à 8h 42 et donne le ton.
Abondamment reprise pour la presse, le plus souvent mot à mot et sans que cela soit dit, elle exhibe les motifs et les leitmotivs caractéristiques de la couverture médiatique du Venezuela. D’un côté, une tendance – pour le moins désinvolte - à la sélection dans le choix des informations jugées utiles au lecteur, quitte à en oublier certaines. De l’autre, une grille d’interprétation à peine masquée qui orchestre avec insistance les bribes d’information.
Reprenons, dans cette dépêche de l’AFP (qui comprend aussi quelques informations factuelles et des propos rapportés), les thèmes de la petite musique qui accompagne et ponctue l’information factuelle au risque de la rendre presque inaudible.
« Un séisme politique a ébranlé le Venezuela, lundi, après le camouflet reçu par le président Hugo Chavez, dont la réforme phare, visant à fonder un Etat socialiste, a été rejetée lors du référendum de dimanche. […] Connu pour ses diatribes virulentes contre les Etats-Unis, cet ancien officier putschiste de 53 ans a reconnu avec calme sa défaite, en admettant la "tendance irréversible" du scrutin. […] L’annonce de sa défaite a aussitôt suscité des scènes de liesse et d’embrassades dans les rues de Caracas, où les sympathisants de l’opposition ont tiré des feux d’artifices. […] Le projet de révision constitutionnelle avait pour but de renforcer les pouvoirs de cet ancien officier putschiste de 53 ans, en lui conférant le droit de se présenter indéfiniment à la présidentielle et de censurer la presse en situation de crise. Proche allié de Cuba et de l’Iran, le régime vénézuélien voulait en outre inscrire dans la loi fondamentale l’établissement d’une économie collectiviste, interdisant les privatisations et supprimant l’autonomie de la Banque centrale. »
Que s’est-il passé le 2 décembre au Venezuela ? En substance : « Un ancien ancien officier putschiste de 53 ans, proche allié de Cuba et de l’Iran– Hugo Chávez -, qui voulait réformer la constitution du pays pour pouvoir être élu indéfiniment et censurer la presse en cas de crise, mais aussi pour instaurer un Etat socialiste et un économie collectiviste, a reçu un camouflet. » Une synthèse que les meilleurs copistes (par exemple La Voix du Nord, Paris Normandie et Les Dernières nouvelles d’Alsace du 4 décembre) reproduisent fidèlement et les autres à peine moins.
1. « Un ancien officier putschiste de 53 ans »
Vous évoquez « Hugo Chávez » ? Précisez immédiatement et rituellement : « ancien officier putschiste de 53 ans ». Et plutôt deux fois qu’une… comme on peut le lire dans la dépêche de 540 mots de l’AFP, qui reprend à deux reprises l’expression toute faite qui tient lieu de fiche signalétique et de biographie. Certes, l’expression n’est pas fausse. C’est pourquoi, dans le même esprit, l’AFP ne manque sans doute jamais une occasion de présenter Nicolas Sarkozy comme un « ancien avocat ayant trahi Jacques Chirac en soutenant Edouard Balladur », Serge July comme un « ancien partisan de la guerre civile en France et de la nécessité de prendre les patrons en otage » ou Patrick Devedjian comme « ancien militant d’Occident » ? Mais le signe particulier de Chávez figure sur sa carte d’identité (sa fiche de police ?) médiatique depuis longtemps et plaît suffisamment pour que les copistes de l’AFP le reprennent : notamment le site du Nouvel observateur, Nouvelobs.com (2 décembre), dans les Dernières nouvelles d’Alsace et Paris-Normandie (tous deux le 4 décembre).
Effet de contagion ? L’erreur commise par Direct soir le 3 décembre (erreur qui ne sera probablement jamais corrigée par le quotidien) peut être lue comme l’aboutissement de cette surenchère condamnatoire. En effet, le journal de Vincent Bolloré présente Hugo Chávez comme un « ex-officier, qui a pris le pouvoir par un coup d’Etat en 1999 ». [1] De fil en aiguille, l’homme d’Etat qui a été élu démocratiquement en 1998 – après avoir tenté un coup d’Etat en 1992 -, nous est présenté comme étant parvenu au pouvoir par la force… en 1999. Il n’en est, bien évidemment, rien [2].
2. Un « proche allié de Cuba et de l’Iran. »…
… Cet unique complément proposé par l’AFP (pour éclairer le résultat du référendum…) se passe évidemment des précisions qui permettraient de comprendre, quoi qu’on en pense, de quelles alliances il s’agit : leur fondement, leur nature, leur portée. On ne doute pas, d’ailleurs, que l’AFP fasse toujours suivre le nom de George Bush, de la mention « proche allié de l’Arabie Saoudite », et celui de Ben Laden de la précision « ancien allié des Etats-Unis ». Mais, comme l’expression toute faite est un classique permanent de « l’information » sur le Venezuela – on la retrouve notamment à l’antenne de RTL, dans les colonnes de Ouest France et des Dernières nouvelles d’Alsace le 4 décembre [3].
3. Unique bénéficiaire d’un projet de réforme… de deux articles
C’est ce que retient l’AFP dans son historique dépêche (reprenant celle que l’agence avait diffusé le 3 novembre après l’adoption par le Parlement vénézuélien de la version définitive de la réforme constitutionnelle) : « Le projet de révision constitutionnelle avait pour but de renforcer les pouvoirs » d’Hugo Chávez « en lui conférant le droit de se présenter indéfiniment à la présidentielle et de censurer la presse en situation de crise. »
Ainsi, des 69 articles modifiés (sur 350 que compte la Constitution en vigueur, datée de 1999), le lecteur français n’entendra parler que de deux : les plus discutés et, au moins à ce titre, les plus discutables, mais deux articles qui s’inscrivent dans un ensemble qu’il vaudrait mieux connaître pour pouvoir en débattre sérieusement.
Ce n’était pas l’objet de la dépêche ? Soit. Mais où a-t-on lu dans les médias français une présentation détaillée du projet de réforme ? Combien de fois a-t-on pu lire que la réforme prévoyait notamment « l’interdiction de l’exploitation des travailleurs », la création d’un « fonds de stabilité sociale » qui garantirait aux travailleurs « des droits fondamentaux tels que la retraite, les pensions, les vacances, les congés prénataux et postnataux », la fin de l’autonomie de la Banque centrale, la réduction à « six heures par jour » la durée légale du travail et l’interdiction aux patrons d’obliger leurs salariés à faire des heures supplémentaires… ? Quelques exceptions fugitives et partielles dans la presse quotidienne nationales, et, par exemple, … dans Matin plus daté du 3 décembre.
Et encore : quel média a indiqué que la suspension de la liberté de la presse en situation de crise peut se comprendre (sans pour autant se justifier) en raison de l’intervention directe des médias dans la tentative de coup d’Etat de 2002 et dans la grève patronale de 2002-2003 ? Quel média a précisé ce que peut signifier au Venezuela une « situation de crise » ? Quel média a rappelé qu’en France, la loi du 3 avril 1955, modifiée par celle du 7 août 1955 et par l’ordonnance du 15 avril 1960 prévoit, notamment, en son article 11 d’ « habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales » ?
De tout cela, il ne restait, bien avant le scrutin [4] que les deux expressions de l’AFP, reprises – mot pour mot - un peu partout le 3 décembre : au journal de 13h de France 2, sur le site de la chaîne LCI, au journal de 7h de LCI, sur le site du Nouvel observateur, dans Le Figaro (dans « Pari perdu pour Chávez »), dans Ouest France (dans « Venezuela : défaite d’Hugo Chávez au référendum », dans 20 minutes (dans « Référendum pour un Chávez omnipotent »), dans 20 Minutes, dans Direct Soir 3, dans Matin Plus, sur Europe 1 (dans « Le grand direct de l’actu », animé de 12 à 14 par Morandini), au journal de 20h de TF1, ainsi que dans Les Dernières nouvelles d’Alsace du 4 décembre.
4. Auteur d’un « projet socialiste » fondé sur « économie collectiviste »
Qu’on n’attende pas de l’AFP qu’elle précise, avant et après le scrutin, en quoi consiste ce « socialisme ». Certes, en France, un parti politique s’y réfère – du moins dans son nom. Mais, en général, le mot, à lui seul, fonctionne comme un alerte. Et si vous l’accouplez (sans la moindre précision sur les formes de propriété que le projet de Constitution envisageait de reconnaître), à l’expression « économie collectiviste » (que ce projet n’employait pas), vous obtenez un effet dissuasif gagé sur les chapitres les plus sombres de l’histoire du siècle dernier. Vocabulaire de la menace qui dispense d’en dire plus.
Les médias, avec ou sans l’AFP, sont à l’unisson. Libération dès le 1er décembre (dans « Le pari autoritaire d’Hugo Chávez ) ». Le 2, le site du Nouvel observateur (dans « Référendum au Venezuela sur une réforme controversée » Et le 3 : le Nouvelobs.com, à nouveau (dans « Hugo Chávez perd son référendum sur la réforme de l’Etat »), RTL, 20 Minutes, le journal de 20h de France 2, celui de LCI, Les Dernières nouvelles d’Alsace, etc.
Reste alors à saluer la perspicacité et l’originalité de Claire Chazal qui dès le 2 décembre à 20 h, soldait l’information en 17 secondes, sans manquer de la mettre en perspective : « Au Venezuela, la population devait voter aujourd’hui par référendum sur la réforme constitutionnelle du président Hugo Chávez. Le souhait de ce chef de l’Etat socialiste et anti-américain est de faire adopter une réforme qui l’autoriserait à se présenter à la présidentielle sans limite de mandats et à censurer la presse en cas de crise. »
Le lendemain, en 16 secondes, PPDA est plus sobre : « Au Venezuela, pour la première fois depuis son élection il y a huit ans, le président Hugo Chávez a été battu, les électeurs ont en effet rejeté le projet de reforme constitutionnelle soumise a référendum hier par le chef de l’Etat. Il aurait notamment permis de lever toute limitation des mandats présidentiels. ». Plus sobre, précis, moins partisan. Pour en savoir plus et mieux, attendons une prochaine émission du « Droit de savoir »…
4. Un « camouflet »
Selon l’AFP, la victoire du « Non » au référendum vénézuélien est un véritable « séisme politique », constituant un « camouflet » pour Hugo Chávez. La dépêche ne donne qu’une vague idée du résultat final qui relativise quelque peu ce « camouflet » puisque la réforme constitutionnelle est rejetée par une majorité qui ne dépasse pas 51% des voix, avec environ 45% d’abstentions [5].
En revanche, elle précise que la défaite du « Oui », « a aussitôt suscité des scènes de liesse et d’embrassades dans les rues de Caracas, où les sympathisants de l’opposition ont tiré des feux d’artifices ». Il faut lire Le Figaro du 4 décembre pour apprendre que « […] ce sont les toits de l’est de Caracas, les quartiers aisés, qui ont été illuminés par les feux d’artifice dimanche. »
« Camouflet » : le terme plaira pourtant. Il est répété deux fois au journal de 20h de France 2 du 3 décembre 2007 et à nouveau deux fois (dont une dans le titre : « Un camouflet électoral »), dans le titre du « grand direct de l’actu » d’Europe 1, le même jour [6] dans un article non signé des Dernières nouvelles d’Alsace du 4 décembre 2007. Sur BFM, une variante enthousiaste : c’est une « claque » (journal de 8h du 3 décembre).
Information ou jugement de valeur (qui pourrait être légitime dans les commentaires) ? Qu’importe finalement puisque l’échec – indubitable – peut être imputé ainsi au seul Hugo Chávez. Pourtant on ne se souvient pas que l’AFP et ses clones aient tous titré au lendemain du référendum sur le Traité constitutionnel européen de 2005 : « Camouflet pour Jacques Chirac »…
« Camouflet » donc, parce que le projet de réforme constituait un « défi », selon Le Nouvelobs.com du 3 décembre (« Le référendum sur les réformes constitutionnelles représentait le plus grand défi d’Hugo Chavez depuis des années »). Et selon Le Figaro du même jour (« Ce référendum constituait un véritable défi pour le leader bolivarien »). En revanche, la proclamation de Chávez, la veille du scrutin - « Si Dieu me donne la vie et l’aide, je serai à la tête du gouvernement jusqu’en 2050 ! » – n’était pas un « défi », mais une information suffisamment alarmante pour que Le NouvelObs.com précise, le 2 décembre qu’en 2050 Hugo Chávez « aurait alors 95 ans » et en conclut le 3 : « Hugo Chávez (…) entendait bien (…) se représenter à la présidence en 2012, ce que la Constitution l’empêche de faire aujourd’hui, et même jusqu’en 2050, quand il aura 95 ans. » Et sur France2, à 20 h, le 3 décembre, Dorothee Ollieric reprend : « Pendant la campagne pour le référendum, il affirmait que son règne allait durer jusqu’en 2050. »
Le règne d’un Napoléon du Venézuéla ? C’est ce que laissait penser la « Une » du Courrier International.
II. Les alambics de Courrier international et de ses cousins
Le 2 décembre, date anniversaire du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, avaient lieu simultanément les élections en Russie et le référendum au Venezuela : coïncidences bienvenues pour commentateurs avisés en mal de rapprochements…
1. La menace d’un coup d’Etat.
À commencer par les pires. C’est Courrier international du 29 novembre qui, le premier, choisit de donner une signification politique à ces coïncidences, forcément « historiques ». Sur fond rouge vif, la couverture du numéro 891 de l’hebdomadaire titrait « Les coups d’état du 2 décembre ». On y voit un Vladimir Poutine à la mine affectueuse poser la main sur l’épaule d’ Hugo Chávez, armé d’une Kalachnikov.
Avec cet image, la comparaison entre Hugo Chávez – élu démocratiquement et vainqueur de près d’une douzaine de scrutins dont la validité fut reconnue par tous les observateurs internationaux, Centre Carter y compris -, et Vladimir Poutine n’est pas pas vraiment à l’avantage du premier. La référence au « coup d’état du 2 décembre » aggrave l’analogie en faisant planer sur notre duo l’ombre de Louis-Napoléon Bonaparte qui prit le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat en 1851.
Séduit par cette manière indirecte de condamner par simple rapprochement de dates et noms, le transfuge de RTL et rédacteur en chef du journal de 8h de France Inter, Patrick Cohen reproduit le « motif » dans le journal qu’il présente le 3 décembre 2007. Après avoir, dans l’énoncé des titres, qualifié machinalement de leader « populiste », il présente ainsi l’information :
« Chávez, Castro, Poutine. Ils ne l’ont évidemment pas fait exprès. Mais voila trois dirigeants - et pas les plus démocrates de la planète -, qui ont choisi, chacun à sa façon, de jouer leur avenir un 2 décembre, jour anniversaire du coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon III un an plus tard. Un 2 décembre qui n’a pas souri à Hugo Chávez […]. Le « non » l’a emporté de très peu au Venezuela : un peu plus de 50% au référendum institutionnel qui devait permettre au Président de se présenter aussi souvent qu’il lui plaira. »
Voila pour l’objet et sens du référendum. Suit alors une intervention – très correcte, il faut le dire – d’une correspondante de France Inter à Caracas, mais mise en perspective depuis Paris par un pillage du Courrier International à grands renforts raccourcis indigents.
Format mp3 - Durée : 1’ 50" - Téléchargeable ici
2. Partie remise ?
Le coup d’Etat n’a pas eu lieu. La procédure démocratique prévue par la constitution de 1999 (que l’opposition d’alors au Venezuela avait récusée et dont Le Monde, déjà, soulignait exclusivement les prétendues tendances autoritaires [7]) a été respectée.
Mais nombre de commentateurs ne dissimulent pas leur consternation. Chávez a perdu, mais il n’est pas converti. Joseph Limagne constate, effaré, dans Ouest France : « Battu, Hugo Chávez baisse le ton, pas les bras. » [8] Dans La Charente libre, Jacques Guyon n’est pas moins inquiet : « (…) ce qu’il faut sans doute retenir, c’est cette phrase : "pour l’instant, nous n’avons pas gagné". C’est, au mot près, ce qu’il avait dit après l’échec de son premier coup d’Etat le 4 février 1992." » [9] Olivier Mazerolle n’est pas en reste et se lamente à l’antenne de BFM (journal du 3 décembre à 20h) : « une défaite qui n’est pas forcément définitive, l’opposition est divisée, Hugo Chávez est encore en place pour cinq ans et le président qui se réclame de Simon Bolivar a plus d’un tour dans son sac ». Les Dernières nouvelles d’Alsace, Paris Normandie et la Voix du Nord du 4 décembre regrettent, exactement dans les mêmes termes, que ce référendum ne signe pas, tout simplement, la fin d’Hugo Chávez : « Le Venezuela n’en a pas pour autant fini avec son bouillant dirigeant ». Et d’ajouter tous trois : « Il n’est contraint de quitter ses fonctions qu’en… 2013 ! » (Version exclamative qui fait toute l’originalité de La Voix du Nord).
Bref, comme le constate amèrement l’éditorial de La Croix du 4 décembre, « Il convient de ne pas oublier, cependant, que le président Chávez est au pouvoir jusqu’en 2013 : il n’a pas dit son dernier mot ni renoncé à son projet révolutionnaire pour son pays. »
3. Renaissance démocratique ?
Ce référendum sur la réforme constitutionnelle aurait été cependant et avant tout « un exercice salutaire de démocratie » (pour reprendre la formule de Joseph Limagne dans Ouest France du 4 décembre) que les médias saluèrent… une fois le résultat connu [10], puisque la « démocratie » venait de contraindre Chávez à « concéd[er] sa défaite », comme on l’affirma notamment au journal de 20h de France 2, le 3 décembre .
Jacques Guyon, dans La Charente libre, constatait – surpris -, la réaction « finalement démocratique » du président vénézuélien. Une surprise partagée, entre autres, par France 2, LCI, Le Monde et Le Figaro [11]. Le Monde pouvait dès lors se féliciter que, ce faisant, il apprenne – enfin ! -, à se montrer « bon joueur » [12].
Pourtant, de l’avis unanime de tous les observateurs indépendants, y compris le Centre Carter, tous les scrutins qui eurent lieu au Venezuela depuis l’arrivée d’Hugo Chávez au pouvoir, en 1999, furent parfaitement démocratiques. A quoi devrait-on, dès lors, le sentiment – partagé par toute la presse -, d’un « renouveau démocratique » au Venezuela ? Peut-être au fait que, pour les observateurs avisés des médias dominants, ce « renouveau » est moins lié au bon déroulement d’un scrutin qu’à son issue : la défaite d’Hugo Chávez et de ses partisans. Pour eux - comme lors du referendum sur le TCE, en mai 2005 -, la démocratie se montre d’autant plus saine que les scrutins débouchent sur les résultats qu’ils attendent…
Redisons-le [13] : « Comme celle d’autres pays, la situation sociale et politique au Venezuela suscite des questions légitimes. Et comme celle d’autres responsables politiques démocratiquement élus, la personnalité d’Hugo Chávez et son rôle politique, également. Une particulière vigilance est même requise de la part de celles et ceux qui sont solidaires des conquêtes démocratiques et des conquêtes sociales obtenues et espérées par le peuple vénézuélien. Quant à ceux qui redoutent ou qui combattent ces mêmes conquêtes, leur opposition, en principe, ne devrait pas les dispenser du devoir d’exactitude et les autoriser à transgresser, comme ils le font si souvent, les règles élémentaires de l’information. Leur journalisme de propagande ne connaît alors aucune limite. Il peut atteindre des sommets. »
Les prochains exploits ne vont sans doute pas tarder.
Renaud Lambert et Henri Maler
Grâce aux observations recueillies par Amir, Denis, François, Geoffroy, Jamel, Marie-Anne, Marcel, Nadine, Olivier, Ugo, Yann et celles et ceux que nous avons peut-être oubliés.
NB : Nous n’avons, à de rares exceptions près, retenu ici que les articles et les propos qui se présentent comme des articles et des propos d’information. Nous reviendrons ultérieurement sur les commentaires proprement dits.
Annexe : Le médiateur de France Inter avait besoin d’un médiateur
« Le Zapping de France Inter », France Inter, 24 novembre 2007. Présentateur : Mathias Deguelle. Médiateur : Patrick Pépin. Invité : Antoine Blanca, ancien Ambassadeur de France en Argentine et au Pérou, ancien Secrétaire général adjoint aux Nations Unies, Ambassadeur auprès de l’OEA, Ambassadeur itinérant pour l’Amérique latine.
- Mathias Deguelle : - « Hugo Chavez serait-il maltraité par France Inter ? » br>
- Patrick Pépin : - « Deux courriels m’ont mis la puce à l’oreille. »
Il cite alors un premier courriel d’un auditeur qui s’indigne « de la façon dont les présentateurs et chroniqueurs français introduisent le personnage de M. Hugo Chavez systématiquement et sans autre précision que comme un populiste infréquentable ». Puis un second courriel qui s’insurge que l’on puisse « traiter un président de clown alors qu’il a sorti de la misère des millions de gens malgré l’acharnement des puissances d’argent ». Et il poursuit :
- Patrick Pépin : - « Il est rare que dans cette chronique je fasse appel à une personnalité extérieure à France Inter, mais comme les remarques reçues concernent plus largement tous les médias que France Inter, j’ai choisi d’inviter Antoine Blanca […] pour répondre à la question suivante : Y aurait-il dans la presse française un traitement discriminatoire à l’endroit d’Hugo Chavez ? […] Les médias français traitent-ils Hugo Chavez de façon partiale à votre avis ? »
Comme si la partialité n’était pas évidente et que le médiateur avait besoin d’un médiateur pour l’établir. Comme si, plus grave peut-être que cette partialité, ce n’était pas la mal-information et la désinformation qui étaient en cause.
- Antoine Blanca : - Ce dont je me plains, moi, notamment de la part de la presse habituellement le mieux informé, c’est le… non pas un mauvais traitement de Hugo Chavez, mais disons une grande ignorance de l’histoire du Venezuela et le refus finalement de situer le phénomène Hugo Chavez dans l’histoire de ce grand pays.
Patrick Pépin laisse alors Antoine Blanca rappeler (de manière confuse et très diplomatique) cette « histoire », pendant 1’48, sur les 5’07 consacrées censément au « traitement » médiatique de Chavez. Patrick Pépin pose alors sa seconde (et dernière…) question :
- Patrick Pépin : - « Antoine Blanca, mérite-t-il, cet Hugo Chavez le traitement qu’il a dans la presse ? Mais on ne peut pas faire l’économie de la question suivante : on sait que c’est un homme qui est en train de préparer un projet constitutionnel qu’on pourrait qualifier de caudilliste, on sait que c’est un homme qui a porté récemment vraiment atteinte à la liberté de la presse, est-ce que le qualificatif de populiste n’est pas justifié dans ces cas-là ? Même s’il est populaire pour les raisons que vous évoquiez tout à l’heure ? br>
- Antoine Blanca : - « C’est certainement, c’est certainement justifié, pour la bonne raison que par cette nouvelle constitution, il cherche d’abord à se faire réélire éternellement. […] Mais il y a une presse libre et indépendante, et la grande presse, les deux grands quotidiens, par exemple, de Caracas, sont profondément hostiles à Chavez. Ce sont des grand journaux, reconnus parmi les meilleurs d’Amérique latine, de même qu’une partie des radios et télévisions privées a manifesté cette hostilité. De parler de dictature, c’était… hâtif. » br/>
- Patrick Pépin : - « Antoine Blanca, je vous remercie. »
Merci Monsieur l’Ambassadeur ! Merci, malgré votre parti pris, pour votre médiation entre le médiateur et certains journalistes d’une part et les auditeurs de France Inter d’autre part.
[Transcription d’Olivier]