Le service photo international AFP, crée en 1985, est reconnu pour sa qualité. La Direction ne se prive jamais de faire savoir que ce service est bénéficiaire et exemplaire. Mais au-delà des effets d’annonce quelle est la réalité ? Voici les faits que nous livrons à la connaissance de la rédaction et de l’ensemble des personnels.
Getty et validation indirecte
Le lundi 3 décembre, la Direction a annoncé la décision de fermer dans les trois mois le desk AFP chargé du contrôle éditorial de la production Getty, basé dans les locaux de l’agence américaine. Les trois salariés seront dispersés. Un des postes sera transféré à Washington, un autre retournera au siège à Paris et le troisième sera licencié.
Au-delà de l’impact social de cette réforme, les conséquences de cette décision conduiront à la perte du contrôle éditorial sur le contenu par l’AFP. En effet, la Direction propose d’ « automatiser » la transmission d’images sportives et d’actualité de Getty. Au lieu d’utiliser le desk pour éditer et sélectionner les images « actu » et « sports » fournies par Getty, ces dernières seront envoyées en masse aux abonnés à travers le monde en validation directe sans filtre de l’AFP.
Le desk de Washington n’aura plus pour tâche que d’éditer les images de ses propres photographes - actuellement au nombre de 12 environ - et celles de Getty dans le domaine des spectacles (entertainment). De fait, le rôle de la rédaction en chef photo internationale, basée à Paris, se réduira à valider la production Europe-Afrique et pour quelques temps encore celle de l’Asie. Faute d’avoir réussi une privatisation du service photo en 2004 -et avec le départ de cinq photographes américains en seulement deux ans - la Direction a assurément opté pour le choix de ses « snipers » nommés aux Amériques pour casser le service photo International. Dans quel but ? Aujourd’hui l’Amérique du Nord, demain l’Amérique du Sud et ensuite l’Asie ? Parallèlement, on assiste aujourd’hui à une réduction sensible de la voilure que nous impose l’accord Getty-AFP [1] aux Etats-Unis et ailleurs, confirmant les craintes exprimées depuis le début par le SNJ-CGT.
Ainsi, ces dernières semaines des couvertures à minima ont été relevées : un seul photographe AFP pour couvrir la Coupe du monde de ski au Canada du 21 au 25 novembre, car Getty était « présent » par l’intermédiaire de son sous-traitant, l’agence photo corporate Zoom [2], qui fournit principalement des sponsors et des annonceurs, et non-diffusé par l’AFP depuis la découverte en 2004 d’une de leur photo bidonnée et retouchée. Le procédé avait été dénoncé à l’époque par le SNJ-CGT.
Plus grave encore, il n’y a pas eu de couverture Getty - donc pas de couverture de l’AFP - sur la fusillade de Denver dans le Colorado.
Et quand les accords commerciaux prennent le pas sur la couverture rédactionnelle, l’AFP n’en sort pas gagnante : dernier exemple en date, la couverture du concert du groupe de rock Led Zeppelin à Londres le 10 décembre était une exclusivité Getty. L’AFP n’a pas pu bénéficier des photos pour son service pour cause de cette même exclusivité Getty...
Publi-reportage
Dans la rubrique Commercial Marketing, parmi les produits photo proposés, la Direction a mis sur ASAP (site Intranet de l’AFP [3]) le 30 novembre - puis a retiré cinq jours plus tard -, la fiche mode d’emploi du Corporate [4] ou « AFP reportage photo à la demande hors-média » sans attendre que les conclusions du groupe de travail corporate, initié par la direction elle-même, ne soient remises à la date fixée du 15 décembre. Cette fiche a également été distribuée dans les services rédactionnelles de l’agence.
De quoi s’agit-il ? Le « reportage photo à la demande est un service proposé par l’AFP photo offrant aux entreprises et organismes publics une solution sur mesure dans un contexte international en temps réel. Ce service est principalement destiné aux annonceurs et aux agences de publicité, de communication B2B, évènementielles, etc. » Parmi les exemples de clients sont cités : AREVA, EDF, EURORSCG, PFIZER, VEOLIA.
Qui effectue ces reportages ? La notice nous indique que « ce service bénéficie de la couverture mondiale de l’agence. L’AFP photo comprend plus de 300 photographes parfaitement intégrés au contexte local et opérationnels dans des délais courts ».
Ainsi, l’AFP demande à ses journalistes de faire des reportages publicitaires dans le cadre de leur mission d’information. Une fois de plus l’article 2 des statuts est violé, la déontologie et l’éthique sont bafouées. A quand le corporate texte pour accompagner les jolies images ? [5]
Citizenside et photo amateurs
« L’Agence France Presse aime les photos amateurs. La société vient de prendre une participation au capital de Citizenside (anciennement Scooplive), un site proposant aux internautes d’envoyer sur le Net et de commercialiser des clichés d’évènements d’actualités ou de stars. » (Les Echos du 27 novembre 2007).
Philippe Checinski le fondateur de Scooplive explique, toujours dans les Echos, « (L’AFP) pourra sélectionner quelques-unes de nos 100.000 photos pour les proposer à la vente ». Rumeurs, faux scoops, graves risques de dérives déontologiques, journalisme dit « citoyen », la Direction de l’agence est prête à tout pour « mener une expérience purement commerciale et technologique dans le domaine du web 2.0 au profit de ses clients ».
Les annonces dans la presse de cette participation n’est de toute évidence pas profitable ni à l’entreprise ni à la qualité et à la fiabilité de ses produits. L’appel aux « amateurs » ne menace pas uniquement nos principes déontologiques, il met également en cause les salaires et les conditions de travail.
Où vont s’arrêter ces dérives ?
Casse aux Etats-Unis, dérives publicitaires, appel aux photographes « amateurs », utilisation des accords opaques AFP-Getty pour réduire les couvertures, -accords dénoncés en leur temps par le SNJ-CGT- : ces dérives sont à mettre en rapport avec la politique du COM [Contrat d’Objectifs et de Moyens], en cours de négociation, qui prévoit une maîtrise drastique des charges de personnel.
Ces dérives sont de plus l’illustration des menaces qui pèsent sur le statut de l’AFP en tant qu’entreprise de presse indépendante.
Le SNJ-CGT en appelle aux personnels, et aussi à l’opinion publique, afin de mettre un terme à un processus de privatisation rampante qui menace, à terme, non seulement les principes fondateurs de l’AFP mais aussi son existence.
SNJ-CGT
Paris, le 12 décembre 2007
– Précisions : L’AFP est une agence de presse mondiale d’information composée de différents services : texte, photo, vidéo, infographie, régie par le statut de 1957, voté par le parlement français, qui lui assure une indépendance.
Extraits des statuts de l’Agence France Presse :
L’article 1er de la loi du 10 janvier 1957 pose que l’Agence France-Presse a pour objet :
- « de rechercher, tant en France (…) qu’à l’étranger, les éléments d’une information complète et objective. » br>
- « de mettre, contre paiement, cette information à la disposition des usagers. »
L’article 2 définit des « obligations fondamentales » :
« L’Agence France-Presse ne peut en aucune circonstance tenir compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de l’information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un groupement idéologique, politique ou économique. »
« L’Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, développer son action et parfaire son organisation en vue de donner aux usagers français et étrangers, de façon régulière et sans interruption, une information exacte, impartiale et digne de confiance. »
« L’Agence France-Presse doit, dans toute la mesure de ses ressources, assurer l’existence d’un réseau d’établissements lui conférant le caractère d’un organisme d’information à rayonnement mondial. »