Accueil > Critiques > (...) > Publicité : dépendances économiques et éditoriales

Mise à l’amende préfectorale de l’hebdomadaire Lyon Capitale

par Amir Si Larbi,

Le Maire de Lyon Gérard Collomb avait déjà tenté de « couler » l’hebdomadaire Lyon Capitale en le privant de publicité, comme on peut le lire ici même [1]. La Préfecture a décidé de s’inspirer de ce glorieux exemple et de priver le journal d’une partie substantielle de ses ressources en le rayant de la liste des titres de presse habilités à publier des annonces légales, renforçant parallèlement la position hégémonique du groupe l’Est républicain dans l’agglomération.

Convaincue de l’hypertrophie du pluralisme éditorial lyonnais, sincèrement persuadée du caractère forcément nuisible ou, à tout le moins, incongru du foisonnement débridé des titres de la presse rhodanienne, authentiquement pénétrée de la saine volonté de salubrité publique, la préfecture de Lyon a souverainement décidé le 28 décembre 2007 de refuser de reconduire à l’hebdomadaire Lyon Capitale l’habilitation annuelle à publier des annonces légales (changement de siège social, modification de la dénomination d’une société…) sans pour autant motiver sa décision.

Lyon Capitale est, avec Le Progrès, La Tribune de Lyon, Les Potins d’Angèle l’un des rares journaux payants de la région Lyonnaise : C’est un hebdomadaire créé en 1994 dont le tirage est de 30000 exemplaires [2], une partie faisant l’objet d’une distribution gratuite. Conformément à la norme dominante de la presse, ce canard tire ses ressources, d’une part, de la vente aux lecteurs, et d’autre part, des recettes publicitaires en tous genres (commerciales et annonces légales) dans des proportions souvent déterminantes pour sa viabilité, les annonces légales constituant près 10000 euros (Lyon Capitale), autant en manque à gagner, soit près de 10% de son chiffre d’affaires (Lyon Capitale).

Contestant la décision préfectorale, l’hebdomadaire Lyon Capitale a donc logiquement entrepris un recours devant le tribunal administratif et a été placé en redressement judiciaire. Si ce refus venait à être confirmé – le Tribunal Administratif qui a été saisi devrait siéger dans les tous prochains jours -, il porterait « un coup dur » à l’hebdomadaire et se pourrait se traduire par sa mise en bière, ou, plus probablement par des licenciements qui handicaperaient considérablement le développement du journal [3].

Loin de déroger à l’air du temps, la situation de la presse de Lyon et de sa région n’est pas, c’est un doux euphémisme, des plus reluisantes ; elle subit une telle concentration qu’il serait à peine abusif de la qualifier de monopolistique. Le groupe l’Est républicain avec le concours intéressé de la banque Crédit Mutuel ayant fait main basse sur la quasi-totalité des médias de l’agglomération lyonnaise (Le Progrès, ancien actionnaire majoritaire de Lyon Capitale, TLM, Lyon plus).

Même si Lyon Capitale est officiellement le seul titre à s’être vu frappé par l’interdiction préfectorale, La Tribune de Lyon, autre hebdomadaire sans liens avec le groupe de l’Est républicain et du Crédit Mutuel, a manqué de subir un sort semblable à celui de son confrère malheureux, n’eut été la vigilance salutaire de sa rédaction et la mobilisation de ses lecteurs.

Cette décision aux allures d’oukase frappe par son caractère cavalier : commission consultative siégeant courageusement durant la période des fêtes de fin d’année ; partialité manifeste de ladite commission, 3 des 5 membres la constituant étant des membres issus de journaux concurrents Le Progrès, Le Tout Lyon et Les Petites Affiches Lyonnaises ; impossibilité pour Lyon Capitale d’être entendu, absence de notification et de motivation. Les « liaisons dangereuses », opportunément dénoncées par l’hebdomadaire disqualifié, impliquent les édiles en place, les notables industriels et les (ou le) grands groupes de presse sont confondantes. Mais tout cela illustre avant tout la vulnérabilité des organes de presse qui dépendent principalement des ressources liées aux annonceurs de toutes sortes.

L’intrication politico-économique ne constitue qu’un facteur aggravant dans le cas de la presse régionale, dans laquelle pouvoir politique rime parfois avec lobbying commercial et n’épargne que très rarement les orientations éditoriales. La marge de manœuvre, dans une telle situation, est particulièrement étroite ; elle place les journaux devant une alternative très périlleuse voire suicidaire. Quand un quotidien repose, comme Lyon Capitale, sur une assisse publicitaire, cette alternative est simple (bien quelle soit souvent déniée ou occultée) :
- ou bien regimber face aux puissances de l’argent et du pouvoir politique et se voir ainsi amputer de subventions vitales qui conditionnent pour une large part la survie du titre
- ou bien consentir à s’assujettir en prévenant toute mesure de rétorsion par une docilité déférente quand elle n’est pas courtisane voire servile.

La peste ou le choléra.

Amir Si Larbi

 P.S. Ce qui n’était qu’une (écrasante) probabilité est désormais devenu effectif. Comme l’avait publiquement, cyniquement et prématurément annoncé (Lyon capitale, semaine du 5 au lundi 11 février 2008) le Préfet, la commission, qu’il a présidée après l’avoir recomposée et convoquée le 25 janvier 2008 sur injonction du tribunal administratif pour vice de forme, a confirmé sa décision initiale de ne pas reconduire l’habilitation à publier les annonces légales. Précisons que la recomposition de ladite commission, bien que légale, n’en était pas moins formelle dans la mesure où les trois journaux cumulant 95% du marché des annonces légales étaient les seuls représentants de la presse rhodanienne. Ainsi va donc la presse lyonnaise .....et son musellement graduel et insidieux.

 
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Notes

[2Selon Rue89, du 14 janvier 2008.

[3Toujours selon Rue89.

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