Instable Sarkozy ?
Dans L’Express, le 15 février 2007, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal se prononçaient sur l’audiovisuel public et son financement. Nicolas Sarkozy annonçait fièrement : « Augmenter la redevance, sûrement pas. Il y a trop de prélèvements obligatoires dans notre pays. Je n’augmenterai pas les impôts. En même temps, on ne peut pas être exigeant à l’égard de l’audiovisuel public et le laisser dans un état chronique de sous-financement. Je préfère qu’il y ait un peu plus de publicité sur les chaînes publiques plutôt que ces chaînes n’aient pas assez de moyens pour financer beaucoup de programmes de qualité. »
À peine un an plus tard, au cours de sa conférence de presse du 8 janvier 2008, Nicolas Sarkozy déclare qu’il faut « réfléchir à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques ». Et il ajoute : ces chaînes, « pourraient être financées par une taxe sur les recettes publicitaires accrue des chaînes privées et une taxe infinitésimale sur les chiffres d’affaires des nouveaux moyens de communication comme l’accès à Internet ou la téléphonie mobile. »
Selon Le Canard Enchaîné [2], les « malheurs de TF1 » dont l’audience est passée en dessous de la barre des 30% en novembre 2007 seraient à l’origine d’une présidentielle sollicitude. Et c’est l’intervention d’Alain Minc qui aurait décidé Nicolas Sarkozy à défaire les promesses de Sarkozy Nicolas.
Les mêmes commentateurs qui légitiment le recours à la voie parlementaire pour ratifier ou non le Traité de Lisbonne sur l’Europe sous prétexte qu’elle était annoncée par le candidat Sarkozy avant son élection sont donc frappés d’amnésie quand, devenu Président de la République, le même propose de faire le contraire de ce qu’il avait annoncé.
Un retournement de veste (mais avec les mêmes objectifs…) qui en appelle un autre.
Versatile Albanel ?
Le 15 décembre 2007, sur Canal +, Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication se déclare favorable à la pub commerciale sur les ondes de Radio France : « Je crois qu’il y a en effet des évolutions aussi à faire parce que c’est vrai que d’avoir strictement une publicité institutionnelle ça participe probablement à une image peut-être un petit peu datée. Par contre il faudra sûrement qu’il y ait des compensations. C’est-à-dire que si on libère la personnalité des annonceurs. Un, il faudra qu’il n’y ait jamais de la publicité commerciale locale, ni la grande distribution. Et, deuxièmement, il ne faut absolument pas perdre l’identité. Et troisièmement il faut qu’il y ait peut-être moins de pub autorisée. C’est-à-dire moins en quantité et plus en diversité [3]. »
Aussitôt, Alain Weill, PDG du groupe NextRadioTV (BFM TV et les radios BFM et RMC), réagit dans une lettre adressée à la ministre : « La possibilité, pour Radio France d’accéder à la publicité commerciale porterait gravement atteinte à l’équilibre, déjà fragile, du marché et au développement des opérateurs privés de radio [4] ». Et surtout, l’intersyndicale de Radio France lance immédiatement une pétition contre les publicités commerciales, intitulée « Assez de pub sur Radio France » et publiée ici même, où l’on peut lire : « Quoi qu’en disent les intéressés, et quelles que soient les assurances qu’ils donnent, cette décision enclencherait, comme jadis à la télévision, un mouvement irréversible. Ce mouvement conduirait, à moyen terme, à la destruction de l’identité même des stations de Radio France. »
Un mois plus tard, virage à 180 degrés. Le 16 janvier 2008, au micro de Colombe Schneck, sur France Inter, Christine Albanel, toujours officiellement ministre de la Culture et de la Communication, indique que « Radio France a toute vocation à être concernée par la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public ».
Manifestement, pour servir Sarkozy, il faut avoir l’échine souple…
Raisonnable Royal ?
Reprenant à sa façon les propositions lacunaires et floues du programme du Parti socialiste sur les médias [5], Ségolène Royal déclare en 2007 en réponse à L’Express (le 15 février) : « Je veux donner au service public audiovisuel la capacité de se différencier des chaînes commerciales. Cela suppose d’oser la création audiovisuelle, de participer pleinement au chantier de la connaissance et d’investir sur des programmes patrimoniaux. Le service public doit aussi résolument s’adapter aux évolutions des techniques. Pour financer ce développement, je n’envisage pas d’augmenter la redevance. Je pense, en revanche, qu’une taxation des recettes publicitaires des chaînes privées devra être envisagée. »
Comme si ce projet de taxation (repris par Sarkozy) pouvait suffire… Confrontée au Sarkozy nouveau, Ségolène Royal, le mardi 8 janvier 2008, réagit : « Il est totalement irresponsable d’aller proposer la suppression d’une recette sans savoir quelle sera la recette qui viendra garantir le bon fonctionnement du service public ». Sans doute… Mais n’existe-t-il pas d’autre choix que la suppression de la publicité sans autre compensation que les taxations envisagées par Sarkozy et son gouvernement, et le maintien de la publicité sans aucun projet de suppression ?