De Missika…
Au début de l’émission, Serge Moati après avoir présenté Olivier Besancenot comme le seul homme politique en progrès dans les sondages, l’interroge pendant vingt minutes, avant d’accorder, selon le rituel de l’émission, un « droit de riposte ». Bénéficiaire ? Jean-Louis Missika présenté comme un « sociologue des médias » et qui, par conséquent intervient à ce titre. « Un droit de riposte » enregistré qui – il faut le préciser - ne répond pas aux propos qui viennent d’être tenus à l’antenne.
L’enregistrement (voir plus bas la vidéo) montre notre « spécialiste » en chemise, col ouvert, assis sur un canapé, devant une cheminée en marbre blanc. Ambiance cossue. Propos distingués.
« Il y a du Sarkozy chez Besancenot, c’est-à-dire quelqu’un qui est capable de parler un langage direct, un langage du sensible plus que de l’intelligible et un langage qui est en quelque sorte en phase, qui fait écho, aux émotions fortes que ressentent les gens. »
En guise d’analyse du langage, une assertion péremptoire de chargé de communication, simple prétexte à un amalgame entre Besancenot et Sarkozy. Ségolène Royal, par exemple, ne serait donc pas capable de « parler un langage direct », en phase avec des « émotions fortes ? » Pourquoi ne pas avoir risqué « Il y a du Royal chez Besancenot » ? Par souci de rigueur, par crainte du ridicule… ou par choix politique ? [1]
Parole d’expert ? La deuxième séquence du « droit de riposte » préalablement enregistré relève encore moins que la précédente de la « sociologie des médias », même telle que Jean-Louis Missika la pratique :
« La partie justement idéologique et révolutionnaire est un peu masquée, elle est dissimulée. Il y a de l’hypocrisie là-dedans parce qu’il est à la fois capable d’affirmer la nécessité des luttes sociales, mais il ne va jamais jusqu’à l’idée de la lutte armée. Il n’explique jamais ce qu’est une révolution violente. Or le dilemme est toujours le même : réforme ou révolution, démocratie ou dictature. »
Cette « expertise » est factuellement inexacte : Besancenot ne dissimule pas un projet révolutionnaire ; il le défend. Elle est délibérément simpliste : Missika fusionne « révolution », « révolution violente » et « lutte armée ». Elle est politiquement confusionniste : Missika réunit en un seul « dilemme » deux alternatives différentes. Bref, l’ « expertise » de Missika est intégralement polémique. Pourquoi pas ? Mais elle n’a rien à voir avec une quelconque « sociologie des médias ».
Or Jean-Louis Missika n’est pas seulement « sociologue » : il est aussi le fondateur et l’ancien PDG de « JLMConseil », société du groupe Altedia. il est en outre vice-président du Conseil d’administration de la société Iliad qui regroupe une vingtaine de sociétés dont le fournisseur d’accès Internet Free. Le site d’Iliad nous informe sur son rôle : « Jean-Louis Missika supervise les relations institutionnelles dans le but de mieux faire connaître la stratégie du groupe auprès des élus et des collectivités territoriales. Il coordonne les relations avec les médias afin de renforcer le développement de l’offre audiovisuelle de Free. Il est également en charge des relations avec les sociétés d’études et de mesures d’audience. » Pourquoi Serge Moati n’a-t-il pas apporté ces utiles précisions ?
Mais la pugnacité benoîte de JLM devient nettement encore plus intelligible quand l’on sait que cet ancien conseiller de Michel Rocard est actuellement conseiller de Bertrand Delanoë… et qu’il se présente en 4e position sur la liste PS du 12e arrondissement pour les municipales de 2008.
C’est donc un adversaire politique qui sous un déguisement de sociologue est opposé à Olivier Besancenot. « Il y a de l’hypocrisie là-dedans », comme dirait Jean-Louis Missika… dont Serge Moati, lui-même ancien conseiller de François Mitterrand a omis par inadvertance – n’en doutons pas… - d’indiquer les qualités. Le téléspectateur reçoit donc l’intervention comme celle d’un « expert » et non comme celle d’un conseiller en communication du PS, lui-même candidat.
Serge Moati, volontairement ou pas, a réussi à cacher dans son sandwich, entre deux séquences bien cadrées, une lame de rasoir. Une séquence partisane masquée : en période électorale, c’est toujours ça que le CSA n’aura pas à compter. Bien joué les tartuffes.
… En Reynié
Dans la suite de l’émission, les invités de Serge Moati débattent de l’Europe. L’occasion pour un autre « expert » - Dominique Reynié – d’entonner le grand air de l’alliance entre Besancenot et Sarkozy.
Reprenons. De Charybde en Sylla, et de Missika en Reynié. Cette fois en vidéo
Transcription d’une partie du commentaire de Reynié…
- D. Reynié : « Il a avec lui, je dirai, deux alliés. Un allié malgré lui et un allié rusé et conscient. L’allié malgré lui, c’est le PS qui dans sa grande maladresse, cette espèce de contradiction fondamentale sur l’Europe et sa façon de dire en campagne électorale ce qu’il ne fera pas au gouvernement en effet, fait des déçus qui profiteront, qui vont nourrir le parti que va fonder Olivier Besancenot ; et puis, un allié rusé, conscient, c’est Nicolas Sarkozy, qui, évidemment, a un intérêt politique...
- S. Moati : Sarkozy, allié de Besancenot ?
- D. Reynié : Bien sûr. Mais je pense qu’Olivier Besancenot le sait très bien. Nicolas Sarkozy a intérêt à ce qu’il y ait une gauche au PS qui pompe le maximum de suffrages pour empêcher le PS de lui prendre un jour le pouvoir (…). »
On appréciera particulièrement dans l’analyse « scientifique » de Dominique Reynié le recours à la figure de l’alliance objective : elle est applicable à n’importe qui et à n’importe quoi. L’alliance entre Sarkozy et Besancenot, parce qu’elle serait voulue par le premier et acceptée par le second, est donc un quasi-complot. Tant de « Science politique » éblouit !
Dominique Reynié – comme on peut le vérifier sur son Blog – est, comme c’est parfaitement son droit, un partisan convaincu de la Construction européenne, version Traité constitutionnel et désormais « Traité prétendument simplifié-ratifié-sans-référendum ». Un militant donc qui intervient systématiquement dans les médias qui lui accordent généreusement leur hospitalité pour défendre ses opinions politiques, et non pour faire bénéficier les lecteurs-auditeurs-téléspectateurs de la « science » qu’il enseigne et dont il se prévaut.
L’engagement politique des chercheurs est une chose, sa dissimulation sous les oripeaux de l’expertise en est une autre. La première est légitime, la seconde est une tromperie. « Il y a de l’hypocrisie là-dedans ».
Serge Levasseur et Henri Maler
– Avec Ricar à la vidéo.