Le jeudi 27 mars 2008, les salariés d’AP qui s’étaient déjà mis en grève le 28 janvier étaient à nouveau en grève à l’appel de l’intersyndicale SNJ-CFDT-CGT-FO et votaient contre le projet de reprise.
Un projet, selon l’intersyndicale, d’ « agence de presse low-cost » avec « qualité au rabais, indépendance au rabais, effectifs au rabais, garanties sociales au rabais et, surtout, financement au rabais ».
Un projet qui de surcroît vise à faire concurrence à l’AFP et « survient au moment où le PDG de l’AFP Pierre Louette, ancien numéro deux de l’agence sous la présidence Eveno, cherche à réduire la couverture rédactionnelle de l’agence dans l’hexagone et à diminuer les emplois. » et multiplie les « déclarations urbi et orbi faisant état d’une intention de modifier le statut de 1957 qui jusqu’à présent a su garantir l’indépendance et la place dans le monde de l’AFP », comme le souligne l’intersyndicale de l’AFP dans un communiqué de solidarité avec salariés d’AP-France daté du 27 mars.
Selon l’AFP, la veille de la grève et du vote, Bertrand Eveno avait déclaré : « J’ai le sentiment qu’une très grosse minorité, peut-être une majorité des journalistes et des autres personnels concernés, ne veulent pas du projet. Dans ce cas-là, il n’aura plus de sens. » Le même avait précisé, l’éventualité d’un vote défavorable : « Si la rédaction organisait un vote - ce n’est pas à moi de le lui demander- qui démontre que l’essentiel de la rédaction ne souhaite pas ce projet, il ne faudrait surtout pas continuer. »
Bertrand Eveno va-t-il tenir ces engagements ? Rien n’est moins sûr. A peine le vote – parfaitement clair, comme on peut le vérifier à la fin de cet article - était-il connu que le très démocrate ex – PDG de l’AFP déclarait à l’AFP « attendre de savoir ce que cela veut dire ». Et de poursuivre : « Si c’est un vote à main levée pendant une assemblée générale, ce n’est pas la même chose qu’un vote à bulletins secrets. Il faut voir quelle est la question posée, quel est le sens du vote », avant de conclure : « J’attendrai d’avoir une position de la hiérarchie ».
De là cette réplique de l’intersyndicale (communiqué du 28 mars 2008) :
M. Eveno, partez !
Vous vouliez le service français de l’Associated Press, le service français n’a pas voulu de vous.
Vous nous aviez mis en demeure d’organiser un vote. C’est fait : la rédaction parisienne du service français a voté jeudi à l’unanimité contre votre projet et pour son « retrait immédiat ».
Dans ce cas, disiez-vous à l’AFP la veille de ce vote, « il ne faudrait surtout pas continuer ». Nous vous prenons au mot : ne continuons surtout pas, arrêtons les frais, dès aujourd’hui.
Vous disiez aussi que votre projet n’aurait « plus de sens » si une majorité des personnels s’y opposait. Nous sommes d’accord avec vous : votre projet n’a plus de sens.
Vous cherchez aujourd’hui à faire croire que le vote parfaitement démocratique de la rédaction n’est pas légitime. Quel autre subterfuge allez-vous trouver pour fuir vos responsabilités ?
Pour notre part, nous avons pris nos responsabilités, prenez les vôtres.
Quel crédit peut accorder la rédaction à un homme capable de se dédire ainsi à quelques heures d’intervalle ? Aucun. Une telle mauvaise foi fait craindre le pire sur la sincérité de votre projet.Nous avons perdu tout espoir de bâtir un jour une relation de confiance avec vous. Nous refusons de travailler avec vous dans cette Nouvelle Agence low-cost. Votre objectif serait-il de reprendre une rédaction contre son gré ?
Nous avons atteint le point de non-retour. Ayez l’élégance d’en tirer les conséquences et quittons-nous bons amis.
L’Intersyndicale SNJ-CFDT-CGT-FO
Le vote intervenu était parfaitement clair. Selon l’intersyndicale, le personnel s’est prononcé sur le texte suivant : « Le personnel du service français de l’AP, réuni jeudi en assemblée générale, constate que le projet de reprise présenté par M. Eveno n’est ni sérieux, ni solide, ni financé. En conséquence, le service français exige le retrait immédiat du projet Eveno-Bolloré ». Le dépêche de l’AFP dont sont extraites ces informations indique que, selon l’intersyndicale, ce texte a été voté à mains levées « à l’unanimité » des présents, des personnes qui avaient donné délégations de leur vote et d’absents contactés par téléphone, « couvrant l’intégralité du service français à Paris ». Dernière précision : « Les 70 correspondants en province (tous pigistes) n’ont pas pu participer au vote, a indiqué l’intersyndicale, ajoutant que nombre d’entre eux ont déjà exprimé leur opposition au projet, qui prévoit la “suppression de 60% des effectifs pigistes”. »