« Spécial immobilier : où sont les bonnes affaires (les prix les plus récents dans 80 quartiers de Paris et 275 villes de France) » (Le Figaro magazine, 5 avril 2008), « Spécial immobilier : Paris-banlieue (Les prix dans 80 quartiers de Paris et 256 communes) (L’Express, 27 mars 2008), « Spécial Immobilier Paris Ile-de-France » (Le Nouvel observateur, 3 avril 2008), « Immobilier, tout ce que les baisses de prix vont changer (avec la nouvelle cote dans les grandes villes » (Capital, avril 2008).
Une nouvelle fois, donc, la fine fleur de la presse magazine française témoigne de sa diversité et de son audace... Presse de parti pris sans être une presse de parti, elle a pris le parti de dépasser les clivages politiques devenus sans doute obsolètes, et du Nouvel Observateur (réputé « de gauche ») au Figaro Magazine (manifestement « de droite »), d’unir ses efforts.
Séparer le bon grain de l’information de l’ivraie de l’actualité sociale
La planète est confrontée à une crise financière qui, selon les dires mêmes d’un éditorialiste du Financial Times, a entrainé « la fin du rêve d’un capitalisme basé sur le libre-échange à l’échelle planétaire » [2] ? « Peu importe. »
La réforme « Darcos », dans l’éducation nationale, a donné naissance, depuis la mi-mars, au plus important mouvement de mobilisation lycéenne depuis le CPE (2006)… « Et alors ? »
« L’affaire de l’UIMM » met au jour le plus important scandale politico-financier depuis l’affaire Urba (en 1987), impliquant une grande partie de la classe politique et la majorité des dirigeants du patronat français (y compris ceux qui chantent aujourd’hui les louanges de la transparence et de l’éthique) ? « Ça n’intéresse personne, voyons ! »
Le gouvernement mène une politique de rigueur qui n’ose dire son nom et qui touche prioritairement les plus faibles revenus ? « Ce n’est pas très attractif, coco… »
Non, l’information dont les lecteurs de quatre magazines précités ont « vraiment » besoin en ce début du mois d’avril 2008, c’est… le prix de l’immobilier, de préférence dans les grandes villes, de préférence en Ile-de-France, de préférence à Paris... là où la pierre est la plus chère [3].
Séparer les bons lecteurs des mauvais
Choisir une « couv’ », c’est aussi choisir ses lecteurs… : le public que ces magazines, gorgés de publicité, vendent à leurs annonceurs. [4].
Choisir ses lecteurs ? Mais quels lecteurs ? La concurrence fait rage autour des CSP+ (« cadres, professions libérales, petits patrons et professions intermédiaires ») en presse quotidienne, comme nous avons pu le vérifier récemment ici même ? « Pour Le Monde publicité et la direction du Monde, "Nous sommes tous des CSP+" ». Elle est féroce dans la presse magazine généraliste, qui traque les « cadres actifs », comme on dit en langue de pub… et qui ont bien droit à ce que l’information soit hiérarchisée en fonction de services qu’on veut leur rendre…
Selon les chiffres de l’IAURIF (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile de France) – et pour ne prendre que l’exemple de l’Ile-de-France -, la part de la population francilienne en mesure de prétendre à l’acquisition d’un logement ne dépasse pas 30% [5].
En conséquence, pour pouvoir jouir pleinement du pluralisme des magazines généralistes à la française, il vous faut appartenir aux 30% de la population les plus riches du pays : vous pourrez ainsi - privilégié de droite -, lire Le Figaro magazine ou - privilégié de gauche -, lire Le Nouvel observateur.
La bonne nouvelle, c’est que lorsque vous recevrez vos amis privilégiés de « l’autre bord » autour d’un bon dîner (peut-être même dans votre nouvel appartement, à Paris), vous pourrez reprendre les grandes lignes de l’argumentaire de votre magazine préféré sans craindre de froisser quiconque… Il est même possible que vos amis s’imaginent que vous venez de changer de couleur politique, comme on change de décoration intérieure…