Accueil > Critiques > (...) > 2007-2008 : un « nouveau » traité européen

Informer ou stigmatiser ? Quand Le Monde défend le Traité européen en terre irlandaise

par Henri Maler,

Le 15 mai 2008, Le Monde a publié un article consacré à la perspective du référendum qui, conformément à la Constitution d’Irlande, doit décider de l’adoption ou refus par le peuple de ce pays du Traité européen de Lisbonne. Il suffit d’extraire de ce « papier » les quelques informations qu’il apporte pour rédiger un article que l’on n’a pas lu…. Avant de le confronter à l’article original, exemple exemplaire de l’invasion des prises de parti et des stigmatisations sans retenue dans les prétendus articles d’information.

L’article que l’on n’a pas lu

Supposons que Le Monde, distinguant soigneusement les faits et les commentaires, publie un article sur le référendum qui, en Irlande, doit avoir lieu le 12 juin sur l’adoption ou le refus du Traité européen de Lisbonne. Il écrirait sans doute ceci, sous un titre d’une grande sobriété : « Les Irlandais sont appelés à se prononcer par référendum sur le Traité de Lisbonne ».

« Les affiches du oui au traité de Lisbonne sont désormais omniprésentes dans le centre de Dublin. A l’évidence, ses partisans se mobilisent à l’approche du référendum dont la date a officiellement été fixée, mardi 13 mai, pour le 12 juin. L’Irlande est le seul pays de l’Union européenne où doive se tenir, conformément à la Constitution, une telle consultation, maintenant le suspense sur un processus de ratification qui s’est jusqu’à présent déroulé sans grande surprise dans les 26 autres pays de l’UE, dans lesquels les gouvernants ont tous opté pour la voie parlementaire.

Si l’on en croit les sondages, le « Oui » serait faiblement majoritaire. Publié le 11 mai par le Sunday Business Post, le dernier sondage crédite le oui de 38 %, contre 28 % de non. Parmi le millier de sondés, 34 % ne se prononcent pas, selon cette enquête réalisée par l’institut Red C entre le 3 et le 7 mai. "Dites oui à l’ouverture, oui à la nouvelle Europe et oui à la fin du totalitarisme et n’écoutez pas ceux qui affirment que nous allons être submergés" : lançant la campagne référendaire lundi, le nouveau premier ministre, Brian Cowen, a dépêché les députés de sa formation, le Fianna Fail, sur le terrain. Menaçant de sanctions, ceux qu’il considère comme des réfractaires et des rebelles potentiels, le nouveau taoiseach (premier ministre en gaélique) a fait monter en première ligne deux figures de la majorité parlementaire, qui seraient très populaires : le vice-premier ministre Mary Coughlan et le nouveau ministre des affaires étrangères, Michael Martin.

Pour M. Cowen, responsable de la diplomatie irlandaise en 2001 lors du traité de Nice, la victoire du « Non » constitue un amer souvenir. Le texte avait été adopté un an plus tard lors d’un nouveau vote. Il est probable que c’est la démission, le 7 mai, de son prédécesseur, Bertie Ahern, éclaboussé par un scandale financier, qui a permis aux partisans du Traité de reprendre l’avantage dans les sondages. Parmi ces partisans on compte les partis de droite comme de gauche, sauf le Sinn Fein, le patronat, et, semble-t-il, une majorité des actifs et surtout des jeunes Les personnalités européennes, à l’instar du ministre français de l’agriculture, Michel Barnier, se sont succédé à Dublin pour apporter leur soutien aux partisans du oui

Comment expliquer dans ces conditions le nombre des indécis et des partisans du « Non » ? Le camp du non s’appuie, semble-t-il, sur les revenus modestes et les laissés-pour-compte du "Tigre celtique", les neutralistes, l’extrême gauche ainsi que des d’entrepreneurs tenants du tout-libéralisme. Ceux qui, à tort ou à raison, pensent que tout ou partie de leur problèmes ont pour origine les modalités et le contenu de la construction européenne, se concentrent dans les régions pauvres de la frontière avec l’Ulster, le centre et l’ouest. Ce courant populaire, pointe en particulier du doigt la "clause de solidarité" prévue par le traité en cas d’attaque terroriste. Les experts favorables au « Oui » redoutent les effets de la crise financière. La chute de la croissance, de l’immobilier - moteur du miracle irlandais avec les industries de pointe et les finances - et le resserrement des conditions de crédit frappent la classe moyenne. Ils s’ajoutent à la misère des services publics, qui, malgré les investissements massifs dans la santé et les transports, peut alimenter un vote hostile au Fianna Fail au pouvoir depuis 1997. Les arrière-pensées des uns et des autres pénalisent aussi le camp du oui. La centrale syndicale Sitpu refuse de donner des consignes de vote, arguant des difficiles négociations salariales à venir. Et la confédération paysanne, a lié son soutien à la protection des exportations de bœuf irlandais dans les négociations en cours au sein de l’Organisation mondiale du commerce. » [Les passages soulignés en gras le sont par nous ]

Mais, dans Le Monde, les commentaires sentencieux dévorent chaque fois davantage les articles présentés comme des articles d’information.

… Et l’article que l’on a lu.

Voici donc brièvement souligné en caractères gras et annoté entre crochets l’article original, avec un titre qui déplore qu’une douloureuse exception et résume les états d’âme de l’auteur de l’article : « Seul pays à ratifier [« Appelé à se prononcer sur », non ?] le traité de Lisbonne par référendum, l’Irlande se perd en états d’âme »

« Les affiches du oui au traité de Lisbonne sont désormais omniprésentes dans le centre de Dublin. A l’évidence, ses partisans se sont enfin [soulagement du journaliste…] mobilisés à l’approche du référendum dont la date a officiellement été fixée, mardi 13 mai, pour le 12 juin. L’Irlande est le seul pays de l’Union européenne à tenir [Pourquoi ?] une telle consultation, maintenant le suspense sur un processus de ratification qui s’est jusqu’à présent déroulé sans grande surprise dans les 26 autres pays de l’UE, qui ont tous opté pour la voie parlementaire [Qui a opté, les pays, leurs peuples ou leurs gouvernants ?]

Les sondages, qui montrent [Semble-t-il, non ?…] que le oui ne parvient pas [Hélas…] pas à décoller, malgré tout ce que les Irlandais doivent à l’Europe [Les ingrats…] pour leur réussite économique, viennent rappeler fâcheusement [Aux yeux de qui ?] l’échec [Aux yeux de qui  ?] en 2001 du référendum sur le traité de Nice. Publié le 11 mai par le SundayBusiness Post, le dernier sondage crédite le oui de 38 %, contre 28 % de non. Parmi le millier de sondés, 34 % ne se prononcent pas, selon cette enquête réalisée par l’institut Red C entre le 3 et le 7 mai. "Dites oui à l’ouverture, oui à la nouvelle Europe et oui à la fin du totalitarisme et n’écoutez pas ceux qui affirment que nous allons être submergés" : lançant la campagne référendaire lundi, le nouveau premier ministre, Brian Cowen, a dépêché les députés de sa formation, le Fianna Fail, sur le terrain. Menaçant de sanctions réfractaires et rebelles [Aux yeux de qui ?] , le nouveau taoiseach (premier ministre en gaélique) a fait monter en première ligne deux figures très populaires de la majorité, le vice-premier ministre Mary Coughlan et le nouveau ministre des affaires étrangères, Michael Martin.

Responsable de la diplomatie irlandaise en 2001 lors du traité de Nice, M. Cowen a gardé un souvenir amer de la victoire du non. [Qu’importe ? A moins que l’auteur ne l’article ne partage cette amertume…Peut-être et alors ? ] Le texte avait été adopté un an plus tard lors d’un nouveau vote. Il est indéniable [Vraiment ?] que la démission, le 7 mai, de son prédécesseur, Bertie Ahern, éclaboussé par un scandale financier, a permis aux proeuropéens [Tous les autres étant, par définition « antieuropéens »…] de reprendre l’avantage. Toutes les forces vives de cette nation de trois millions d’âme sont favorables au traité [A distinguer des forces mortes qui sont défavorables…] : les partis de droite comme de gauche, sauf les nationalistes du Sinn Fein, le patronat, les actifs [tous ?], surtout les jeunes [Tous ?]. Les personnalités européennes, à l’instar du ministre français de l’agriculture, Michel Barnier, se sont succédé à Dublin pour apporter leur soutien au "peuple du oui". [Dont on ne saurait distinguer un « peuple du non » ?]

Comment expliquer dans ces conditions le nombre d’indécis ? Le camp du non s’appuie pêle-mêle [Tandis que le camp du oui ne s’appuie pas « pêle-mêle »] sur les revenus modestes et les laissés-pour-compte du "Tigre celtique", les neutralistes, l’extrême gauche ainsi qu’une poignée d’entrepreneurs tenants du tout-libéralisme. Ceux qui, pour une raison ou une autre [Pêle-mêle ?], attribuent à la construction européenne [Elle-même ? N’importe quelle « construction » ?] l’origine de leurs problèmes se concentrent dans les régions pauvres de la frontière avec l’Ulster, le centre et l’ouest. Ce courant populaire, voire populiste [Ne jamais oublier de le préciser…], pointe en particulier du doigt la "clause de solidarité" prévue par le traité en cas d’attaque terroriste. Les experts [Ah ! les « experts » ! Quels « experts » ? De quel « camp » ?] redoutent les effets de la crise financière [Sur le vote ?]. La chute de la croissance, de l’immobilier - moteur du miracle irlandais avec les industries de pointe et les finances - et le resserrement des conditions de crédit frappent la classe moyenne. Ils s’ajoutent à la misère des services publics, qui, malgré les investissements massifs dans la santé et les transports, peut alimenter un vote protestataire contre un Fianna Fail au pouvoir depuis 1997. Les arrière-pensées des uns et des autres pénalisent aussi le camp du oui. La centrale syndicale Sitpu refuse de donner des consignes de vote, arguant des difficiles négociations salariales à venir. Et la confédération paysanne, qui oublie que la politique agricole commune a nourri pendant trente ans ses adhérents [Les ingrats…], a lié son soutien à la protection des exportations de bœuf irlandais dans les négociations en cours au sein de l’Organisation mondiale du commerce. »

Le lecteur qui n’a pas été exaspéré par les leçons infligées par cet article pouvait en extraire l’article que nous avons rédigé à son intention et qu’on peut lire plus haut.

« Editorial », « Eclairages », « Chroniques », « Tribunes » : les articles de commentaires, plus ou moins prescriptifs, mais généralement identifiables, prennent une telle place dans les pages du Monde, qu’il faut traquer les articles d’information : des articles qui, eux-mêmes, sont souvent parsemés de leçons et de commentaires qui dissimulent mal ou peu leur orientation politique. La « pure » information n’existe sans doute pas. Mais les articles d’information sans parti-pris outrancier peuvent exister. Comme le montrent, au moins, … les pages boursières du Monde et sa rubrique « météo ».

Henri Maler
 Nos remerciements au correspondant qui a attiré notre attention sur cet article en nous proposant les observations qui ont inspiré les nôtres.

 
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