Nicolas Sarkozy persiste et signe ! Comme en juillet 2007, il ramène l’essentiel de la crise que traverse la presse écrite à l’insuffisance de ses points de vente et la faiblesse du portage des journaux à domicile. Question centrale qui justifierait des « états généraux » que le Premier ministre se voit commis d’organiser à l’automne.
Nicolas Sarkozy persiste dans son erreur de diagnostic et signe ! Comment ne pas attribuer plutôt cette crise des médias à leur perte de crédibilité auprès de l’opinion, la baisse de qualité de leurs contenus éditoriaux, une défiance croissante du public quant à leur indépendance et leur attachement à assurer leur mission d’informer avant toute autre considération ?
Nicolas Sarkozy rend-il service à la presse quand, avec ses amis propriétaires de grands médias, il instrumentalise l’information et la met au service de sa propre communication ? Quand il tance publiquement les journalistes qui osent lui poser des questions un tant soit peu impertinentes ? Quand, sur un effet de manche, il prive brutalement l’audiovisuel public d’une part importante de ses recettes sans en prévoir les contreparties ?
Le parti du président rend-il service à la presse quand il se livre à une attaque en règle, totalement infondée, contre l’AFP ? La législation française rend-elle service à la presse quand elle reste désespérément en retard sur les règles européennes en terme de protection des sources ? Les gendarmes de la concurrence et les ministres rendent-ils service à la presse quand ils donnent leur aval aux concentrations tous azimuts, qui saignent les rédactions, amènent des pertes de savoir-faire, sacrifient la disparition de centaines d’emplois, nuisent à l’identité des titres et tuent la confiance des lecteurs ?
Qu’importe ce constat, le président de la République veut aussi que l’on réfléchisse à la création de groupes multimédias, censés résoudre le « problème de seuil » que n’arriveraient pas à franchir nos entreprises de presse. Faisant mine d’ignorer que de tels groupes sont déjà en cours de constitution, qu’ils tuent le pluralisme, suppriment des titres, nivellent l’information par le bas et favorisent la pensée unique.
Pour le SNJ, premier syndicat chez les journalistes, il ne peut rien sortir de bon de ces états généraux tels qu’ils sont présentés. Au lieu d’une légitime recherche sur les moyens d’améliorer la qualité de l’information et de retrouver la confiance du public, le risque est grand de voir émerger des dispositions visant à dénaturer un peu plus le contenu des médias ; à les rendre encore moins attractifs et crédibles aux yeux du public ; à transformer toujours plus l’information en marchandise dévouée à la communication et la promotion.
Après un exécutif muselé, un législatif contraint, une justice rabaissée, c’est le tour du « quatrième pouvoir » de se demander à quelle sauce on va essayer de le manger.
Paris, le 27 mai 2008
Les déclarations de Sarkozy à l’antenne de RTL, le 27 mai 2008.
- Jean-Michel. Aphatie : - « La Commission animée par Jean-François Copé, qui réfléchit à un financement alternatifde l’audiovisuel en France, n’écarte plus aujourd’hui l’hypothèse d’une augmentation de la redevance pour compenser les pertes de recettes publicitaires. Accepteriez-vous cette hypothèse, Nicolas Sarkozy ? » br>
- Nicolas Sarkozy : - « Non, non. » br>
- J.-M. Aphatie : - « Pas d’augmentation de la redevance ? » br>
- N. Sarkozy : - « Non, non je me suis engagé toujours à ce qu’il n’y ait pas d’augmentation de la redevance… » br>
- Christophe Hondelatte : - « Même de 2€ ? » br>
- N. Sarkozy : - « Ecoutez, c’est toujours comme ça en France, on commence par des augmentations de 2€ et puis comme on les fait chaque année, à la fin, cela fait plus que 2€. Moi, ma politique c’est de diminuer les taxes, de diminuer les prélèvements, de libérer le travail et de faire en sorte que les gens ne soient plus assommés de prélèvements supplémentaires. Chacun a son idée pour faire un petit prélèvement de plus, je vous le dis, c’est non. »
- Alain Duhamel : - « Alors sur un sujet voisin, qui est celui de la presse. Bon, la presse française va mal, vous avez dit que vous vous sentiez concerné, est-ce que vous avez des idées de solution ? br>
- N. Sarkozy : - « Alors écoutez, ça c’est un grand problème, parce que la démocratie ne peut pas fonctionner avec une presse qui serait en permanence au bord du précipice économique. Je vais donc demander au Gouvernement avec F. Fillon que nous organisions des états généraux de la presse, écrite mais aussi radio et visuelle. Pourquoi ? D’abord parce que je crois qu’il y a un gigantesque problème de distribution. Il faut aider la presser écrite à faire du portage à domicile, ce qui créera des emploi et qui permet d’avoir son journal tôt le matin. Il faut également multiplier les points de vente de journaux, parce qu’aujourd’hui, dans les grandes villes, pour trouver son journal, c’est tout un travail ! Il y a un problème capitalistique et je souhaite qu’avec l’ensemble des propriétaires et des directeurs de journaux, nous puissions voir comment on peut rétablir un minimum de viabilité pour la presse.
J’ajoute que le problème d’Internet est considérable, parce que ce n’est quand même pas sain que le journal soit gratuit. Comment voulez-vous que les gens achètent leurs journaux en kiosques s’il est gratuit sur Internet ? Ça c’est quand même un petit problème. Cela doit arriver au cerveau de chacun, que de voir, que quand même on crée sa propre… Cela fait plus de lecteurs, mais cela ne fait pas davantage de recettes. Parce que quand le journal est gratuit, je ne vois pas pourquoi on irait l’acheter. Il y a un problème de diversification, il y a un problème de seuils. Est-ce qu’il ne faut pas créer des groupes multimédias, alors qu’aujourd’hui tout est fait pour les éviter ? Bref, je souhaite que nous puissions en parler, trouver des solutions et garantir ainsi l’indépendance de la presse et la diversité d’opinions. » br>
- A. Duhamel : - « A quelle échéance ? » br>
- N. Sarkozy : - « Eh bien, ces états généraux devront se tenir à l’automne. »
Page 12/16 du PDF publié sur le site de l’Elysée (devenu inaccessible, décembre 2013).