« Ils n’ont pas ménagé leur peine », est on tenté de penser en lisant, sur le site de la station, la longue liste qui constitue le dossier consacré à Mai 68 et dont le titre est particulièrement solennel : « RTL célèbre le quarantième anniversaire des “ évènements ” qui ont transformé la société française. ».
Du 1er mars au 26 mai, le thème Mai 68 a été abordé plus de trente fois, sur RTL matin, sur RTL soir, en compagnie des chroniqueurs attitrés et d’illustres invités, au travers de livres, BD, CD, DVD [1]…
Les festivités ont débuté dès le 1er mars avec « Le journal inattendu » de Laurence Ferrari. Elles se sont closes subrepticement au petit matin du 26 mai dans la rubrique « C’est sur le Net » de Pascale Laverton. Le 1er mars le titre de l’émission annonçait : « Le journal inattendu refait mai 68 ». Non pas « faire à nouveau », ni même « rejouer » ou « revivre », mais refaire comme on refait une toiture : une entreprise de réfection. Le 26 mai « C’est sur le Net » évoquait la vente de mai 68 par des marques célèbres, par ce terrible constat « Le business est plus fort que la révolution ».. Mais parmi ces marques, manquait… RTL qui a largement couvert l’événement et lui a même consacré un CD en collaboration avec Télérama : mais pour célébrer qui et quoi ? D’abord RTL !
I. Autocélébration
Dès le 1er mars, donc, dans « le journal inattendu » de Laurence Ferrari Christian Brincourt rapportait les propos de Christian Fouchet alors ministre de l’intérieur : « Dites à votre ami Farkas de cesser de radioguider les manifestants, il nous complique la tâche. » …
À force d’entendre et réentendre, grâce aux archives de RTL, les reporters éviter de justesse le pavé qui vole ou suffoquer sous les gaz lacrymogènes, leurs voix haletantes se superposant à celles des « belligérants », on pourrait être tenté de croire qu’ils ont été les principaux acteurs de l’évènement. Le pas n’est pas loin d’être franchi d’ailleurs avec Charles Pasqua, lors de cette même émission, lorsqu’il dit, à propos des envoyés spéciaux des radios : « Ce sont eux qui ont suscité la diffusion de cette atmosphère, qui ont enclenché le développement d’une atmosphère insurrectionnelle. » July lui accorde : « Ça contribue à dramatiser ; il y a une dramatisation qui est faite sur le média par le média. » Patrick Pesnot, reporter à RTL en 68, confirme sur France Culture le 5 mai dans « La fabrique de l’histoire » : « Il y avait donc les étudiants, les forces de l’ordre et entre les deux les journalistes qui commencent à rendre compte de ce qui se passait et la radio a commencé à jouer un rôle à partir de ce moment-là et de façon croissante jusqu’au 30 mai, un rôle considérable dans les évènements […] un peu trop considérable , si je puis en juger aujourd’hui. »
Un rôle dont s’enorgueillit Hervé Béroud, directeur de la rédaction de RTL qui présente ainsi le CD réalisé en collaboration avec Télérama, pour en faire la promotion : « Mai 68 c’est avant tout le temps des radios privées périphériques […] C’est à la radio que le débat politique se noue et se joue. C’est à la radio, sur RTL, que l’histoire s’écoute […]. » Et on peut lire, sur le site de RTL, du même Béroud : « En 1968, l’ORTF était en grève, télé et radio publiques muettes. Pour vivre en direct, minute par minute les événements du Printemps, les Français avaient donc l’oreille collée aux radios “ périphériques ”, Europe 1 et la toute jeune RTL.[…] Quand on se plonge, comme je l’ai fait, dans les archives sonores de RTL, on perçoit le privilège des journalistes de la station, dirigés à l’époque par Jean-Pierre Farkas. Tout ou presque passe par eux, le pouvoir gaulliste et les manifestants dialoguent en direct à l’antenne, la France vit au rythme de leurs reportages, cœur battant ou cœur serré. » . Rien que ça ! Dans l’euphorie générale, Patrick Pesnot reconnaît pourtant le 25 avril que l’omniprésence médiatique de la station ne rimait pas forcément avec qualité, et que la surenchère spectaculaire rôdait : « On nous donnait exagérément l’antenne, Paris n’était pas non plus à feu et à sang. » [2].
Concéder cette « exagération » permet de mieux célébrer un enfantement. Est-ce RTL qui a fait Mai 68 ? Rien n’est moins sûr…Est-ce Mai 68 qui a fait RTL ? C’est peu probable... Ce qui est certain c’est que Mai 68 fut l’acte de naissance de la liberté radiophonique… façon RTL. C’est du moins ce que, à l’antenne de RTL, quarante ans après, on ne cesse de dire et de répéter. : Mai 68 c’est d’abord et avant tout la naissance de la radio libre, et ajoute Vincent Parizot le 1er avril « la naissance finalement de la radio moderne », « la révolution médiatique » puisque « l’actualité se fait en direct » et échappe à la censure étatique qui frappait France Inter. La déesse Aphrodite était sortie des ondes…en 68, ce sont les ondes qui s’échappent du chaos de la rue ! RTL qui se glorifie d’être une radio populaire et une des plus écoutées encore aujourd’hui se donne une naissance quasiment mythique, non pas fruit du pouvoir des dieux qui contrôlent le monde mais fruit du peuple déchaîné : c’est grandiose et émouvant. RTL ce ne serait pas Radio Télé Luxembourg, mais R comme rebelle, T comme transistor, L comme liberté.
Transistor ? C’est vrai : si l’explosion du transistor qui a détrôné le gros poste de TSF, siégeant sur le buffet dans la maison, pour aller s’encanailler dans la rue n’a pas été la cause des évènements, elle a contribué à sa diffusion.
Liberté ? C’est pour le moins discutable : si les deux radios alors qualifiées de « périphériques » (RTL et Europe 1) échappaient à la censure ministérielle sur l’information, la suite prouva qu’elles sont en liberté conditionnelle : RTL n’est pas plus « libre » que l’Ecole (privée) qui se qualifie ainsi par opposition à l’Ecole publique ; elle n’échappe pas au contrôle de ses propriétaires et actionnaires [3].
Rébellion ? Le 1er avril Nathalie Portevin, directrice des hors-série de Télérama, s’est enflammée jusqu’à surnommer RTL « radio barricades » C’est aller un peu vite en besogne ! Pensait-elle à Radio Planton [4], cette radio qui, avec d’autres, lors des journées d’émeutes à Oaxaca contre les forces de police, contribuait à organiser les barricades signalant les lieux menacés par les paramilitaires et les casseurs ? Une différence de taille : ses animateurs étaient avant tout des militants engagés consciemment dans la lutte contre le pouvoir en place…Ce qu’on ne peut pas dire des reporters de RTL en 68, même s’il est probable que certains d’entre eux sympathisaient avec le mouvement étudiant.
Jean-Pierre Farkas, rédacteur en chef de l’information à l’époque, réagit avant tout comme un professionnel, lucide quant aux dérives possibles de son métier, et non comme un militant engagé. Il l’explique sur France Culture le 5 mai dans « La fabrique de l’histoire » :
« Le vendredi matin quand ça commence à castagner, tout de suite je me rends compte que la clé va être dans du direct, y a la surprise de mon équipe, des jeunes reporters qui étaient là devant tant de violence […] Là quand ça commence à éclater dans le Quartier Latin, j’entends encore Pesnot qui réagit comme quelqu’un qui a peur,[…] il faut savoir qu’un reporter, surtout un reporter radio, c’est comme un photographe, il peut pas tricher, il est obligé d’être sur le coup[… ]C’est-à-dire que faire du direct à la radio ça a quand même quelques inconvénients. Le premier c’est que à l’oreille on ne distingue pas une manifestation de gauche d’une manifestation de droite, deuxièmement quand vous dites au flash de 14h, bon il y a place de l’Odéon, au carrefour machin 300 personnes qui sont là, vous pouvez être sûr qu’au flash de 3 h ils sont 10 000 donc il y a un effet démultiplicateur et d’autre part le fait que ce que vous dites est porté directement dans la rue . »
Patrick Pesnot, présent à la même émission, complète un peu après ces propos, honnêtement, sans chercher à se donner un rôle qui n’était pas le sien :
« On n’était pas fautif, si on nous a offert pendant un mois la liberté des ondes on en a profité , moi j’ai jamais été chroniqueur sportif mais y avait un peu de ça quand même ; on nous permettait soir après soir de décrire comme on aurait décrit un match de foot les affrontements entre les policiers et les étudiants[…] Faut pas le cacher on y a pris un véritable plaisir ; tant qu’on nous a pas interdit de parler on a parlé, c’était notre boulot au fond. »
Comme quoi la liberté laissée aux reporters ne rimait pas forcément avec qualité de l’information mais souvent aussi et déjà avec spectacle. Quelques semaines plus tôt, le 25 avril, Patrick Pesnot confesse également que l’omniprésence médiatique de la station avait pour conséquence de favoriser une forme de surenchère : « On nous donnait exagérément l’antenne, Paris n’était pas non plus à feu et à sang » [5].
II. Interprétations
RTL ne dispose pas seulement d’une réserve d’archives ; la station dispose également de chroniqueurs attitrés. Pluralisme garanti, avec : Serge July, dans le rôle de l’historien de gauche ; Alain Duhamel, dans le rôle de l’équilibriste du centre et Franz-Olivier Giesbert,, dans le rôle de l’imprécateur de droite. Autant dire : diversité des services d’enterrement.
Serge July, l’ex soixante-huitard, le reconverti au « libéralisme-libertaire » , celui qui dans son édito de Libération, le 3 mai 1978, disait déjà qu’il y en avait « Ras l’mai » , a choisi 14 mots pour nous raconter Son Mai 68 (Nanterre, Cohn-Bendit, la Sorbonne, pavé, barricades, CRS, manifs, grèves, imagination, chienlit, Grenelle, crise, de Gaulle, juin). Présenté comme « un acteur important de mai 68 », un de ceux « qui ont fortement politisé le mouvement » , il ne semble pas avoir laissé de trace dans la mémoire collective des participants aux évènements. Une chose est sûre, en 2008, il s’attache avant tout à prendre le ton le plus neutre possible et s’empêtre dans l’épineuse question du pouvoir. Il déclare le 5 mai que « La question du pouvoir est posée au cours des discussions, la cogestion est évoquée, certains parlent même d’autogestion » , se reprend le 6 mai en disant que « La France à partir du 13 mai s’intéresse plus à la prise de parole qu’à la prise du pouvoir » , hésite à nouveau dans sa chronique du 9 mai en commençant par reconnaître que « Du 24 au 30 mai la question du pouvoir est posée » pour s’empresser de conclure « Ils (les étudiants) ne veulent décidément ni du pouvoir, ni de l’insurrection » : On chasse comme on peut ses vieux démons ! Notons au passage que, bien que censé « avoir vécu mai 68 de l’intérieur » , il a pris de la hauteur et ne dit plus « nous » mais « ils » …
Alain Duhamel, pas franchement contre mais pas franchement pour non plus est tout aussi péremptoire dans sa chronique du 1er mai, dans RTL matin. Il voit 68 « Comme un psychodrame gigantesque et comme une rupture profondément anti autoritaire.[…] C’’tait d’abord un mouvement, une aspiration culturelle, profondément culturelle, profondément nouvelle, profondément incohérente d’ailleurs aussi. Ce qui était frappant c’est qu’à cette époque-là les deux principaux protagonistes qu’étaient les étudiants et les ouvriers voulaient exactement le contraire. Les ouvriers voulaient la société de consommation, l’accès à la société de consommation et les étudiants voulaient la fin de la société de consommation. » .
Franz-Olivier Giesbert, lui, est franchement contre et ne cache pas sa haine des soixante-huitards : « Notre pays qui aime tant se pencher sur son passé […] est en effet atteint de commémorite aigüe, égotisme et passéisme sont en effet les deux symptômes de ce mal étrange, il n’y a pas de jour sans que nous ayons à commémorer quelque chose : la mort de Sacha Distel, la première dent de Staline[…]C’est une génération qui s’auto célèbre, la mienne, une génération narcissique, très contente d’elle[…] Elle a bien profité cette génération, elle s’est bien servi et elle a décidé de faire payer ses avancées sociales, ses retraites, son train de vie, ses 35 heures et tout le toutim par les générations futures à qui elles laisseront, soit dit en passant, une dette de l’état maousse. Excusez-moi de gâcher la fête, mais la génération de 68 est bien celle qui a mis la France dans la situation difficile d’où elle peine à sortir aujourd’hui. Cela n’empêche pas cette génération, la mienne, je le répète, de s’auto commémorer et de s’élever elle-même ses statues, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.[…] Souvent recyclés depuis dans le gotha des affaires, de la banque, ou des médias, les anciens combattants de mai 68 font doucement rigoler quand même avec leurs faits d’armes.[…] »
Mais qui sont donc ces anciens combattants recyclés auxquels il fait allusion ? Serge July, peut-être !
III. Confrontations
Parmi les porteurs de paroles autorisées et les souffleurs de bougies labellisées, figurent non seulement les chroniqueurs, mais également les invités. Pour de vastes débats !
Daniel Cohn-Bendit, incontournable, non seulement a occupé une place de choix dans les archives sonores de la radio, mais le 1er mars, fait « l’ouverture » dans une émission de divertissement et de conciliation que, bon enfant, il a animée avec Charles Pasqua (et que nous avons décryptée ici même sous le titre « Journalisme d’entente cordiale sur RTL ».
Parmi les autres « témoins », invités à s’exprimer, Brice Lalonde et Henri Weber. C’est à eux que, le 21 mars, il est confié de confirmer que – c’est le titre de l’émission - « Tout a commencé le 22 mars » … et que de ce passé, il fallait faire table rase pour fréquenter les allées du pouvoir. Certes, on a pu entendre, le 11 avril, le dessinateur Tardi et la chanteuse Dominique Grange renoncer… au reniement et lancer un tout autre appel : « N’effacez pas nos trace ».. Un, appel que Bernard Poirette qui les interroge s’empresse de tourner en dérision : « Elle a encore le feu », dit-il en riant. Et de clore le débat en décrétant : « 40 ans après, la grève illimitée, moi j’ai l’impression que ça n’existe plus […] Aujourd’hui, c’est l’individualisme qui prime. »
Quelques jours auparavant, le 8 avril dans l’émission « Laissez-vous tenter » , c’est Patrick Rotman, invité à l’occasion de la diffusion de son documentaire « 68 » , qui avait dû supporter le ton badin et décontracté de Christophe Hondelatte et Isabelle Morini qui ont eu recours à tous les registres du désamorçage
– Se lamenter sur les commémorations auxquelles ils participent :
- Isabelle Morini : « on saute en France de commémoration télé à commémoration télé, y a eu le disco, la disparition de Claude François, et chaque fois y a eu une telle éruption dans les médias […] br>
- Christophe Hondelatte : « C’est vrai que c’est énervant » br>
- Isabelle Morini : « C’est vrai qu’on en a marre avant que l’évènement qu’on célèbre ait eu lieu,[…]je me suis mise devant ma télé avec une certaine lassitude même si le nom de Rotman est label de qualité[…] »
– Tourner en dérision le passé que l’on prétend resituer :
- Christophe Hondelatte : « Est-ce donc que le vieux gauchiste que vous avez été rit des slogans, des discours, des envolées lyriques, des meetings de mai 68 qu’on voit dans votre documentaire qui paraissent aujourd’hui à mourir de rire » . Il insiste : » Dans votre documentaire, c’est vraiment saisissant, y a des discours, des envolées lyriques des types en assemblées générales […] »
– Papoter de tout un peu au café du commerce :
- Isabelle Morini : « J’ai aussi beaucoup aimé les dialogues, par exemple quand vous dites qu’en mai 68 la France s’est ouverte une immense psychanalyse » br>
- La même : « C’est pas pour minimiser notre mouvement mais en passant du Vietnam à mai 68 en France est-ce qu’on ne passe pas de l’infiniment grand à l’infiniment petit, est-ce qu’on ne gonfle pas notre évènement à nous jusqu’à en faire un évènement international ? » br>
- Christophe Hondelatte : « Les ouvriers des usines, Peugeot, Renault, chantant l’Internationale lorsqu’ils retournent à l’usine, poing en l’air etc » br>
- Isabelle Morini enchaîne : « après avoir été contre les étudiants au départ […] » br>
- Patrick Rotman, visiblement un peu gêné par ces propos décousus : « C’est un peu compliqué, il faudrait avoir beaucoup plus de temps y a eu plusieurs mouvements de mai en mai c’est ce que j’arrête pas de dire […] » . Il n’aura plus le temps d’en dire plus, l’émission s’achève.
Et les invités sans titre de gloire ? Ils ont eu le droit de se glisser dans la fête, mais très, très vite. Nous avons entendu, parité oblige, des vieux : un vieux commissaire d’arrondissement traumatisé par 68 (le 12 mai), une poignée d’irréductibles vieux soixante-huitards qui autogèrent leur HLM à Angers mais semblent vivre repliés sur eux-mêmes puisque, nous est-il précisé, « Ne rentre pas qui veut ». Des jeunes : « Qui ont du mal à trouver des slogans originaux », nous signale Vincent Parizot le 1er avril ; par contre ceux de l’UMP n’ont pas de mal à en trouver, nous est-il dit le 15 avril. Et à Nanterre ? Nous apprenons juste que là-bas « il y a toujours des sujets de grogne », mais qu’il n’y a pas eu assez de volontaires pour célébrer le mouvement du 22 mars.
Le 8 avril, un sujet attire notre attention : Laurent Marsick croise les regards d’un ancien manifestant et d’un ancien CRS. Le premier, devenu éducateur, est resté fidèle à ses convictions (…c’est donc possible !), le deuxième a abandonné la police et s’occupe de jeunes en entreprise. Nous n’en saurons pas plus : les même-pas-deux-minutes réglementaires sont écoulées…Dommage !
Récapitulons : Nous avons entendu des journalistes (beaucoup), d’ex-étudiants, d’ex-policiers. Mais où sont les autres ? Où sont les grévistes, où sont les ouvriers ? Peut-être dans le CD ? Eh, bien, non ! Les archives sélectionnées font entendre longuement les discours de Cohn-Bendit et ceux du général de Gaulle, les dirigeants politiques et les dirigeants syndicaux…et l’archevêque Marty. Nous entendons les reporters tantôt derrière les étudiants, tantôt derrière les CRS qui crient « Ouille » et « Aïe » et ceux qui pistent le général enfui. Une fois seulement la parole est donnée à un anonyme : c’est un étudiant à qui on pose cette question « Un ouvrier, pour un étudiant, qu’est-ce que c’est ? » Les ouvriers n’ont pas la parole, ni dans les émissions, ni dans le CD.
Alors, on s’interroge… Ou bien les reporters de RTL en 68 ont « oublié » d’interroger les acteurs de base du mouvement : ce qui contribuerait à montrer que la radio n’avait rien de rebelle. Ou bien, ces archives ont été censurées 40 ans après : ce qui prouverait qu’elle n’est pas libre…
Que reste-t-il donc de Mai 68 sur RTL ? Les archives de RTL et « Des livres » , nous dit on, le 2 avril. Une liste figure sur le site, mais à l’antenne sont évoqués Ces jolies filles de mai , Pilote, Sous les pavés l’orage » : un polar présenté comme le « Mai 68 chez les Ch’tis » (il faut faire feu de tous bois). C’est maigre !
Quand on les met bout à bout, il devient manifeste que les bribes d’interprétations entendues au fil de ces trois mois ont proposé aux auditeurs, sans débat contradictoire, une même version de Mai 68 : un mouvement anti autoritaire et individualiste, une révolution des mœurs et de la sexualité, un mouvement, somme toute, apolitique. Et surtout, la grève générale est à peine mentionnée, jamais analysée. RTL a bien régurgité le mouvement étudiant, l’a digéré…mais le mouvement populaire lui est, apparemment, resté au travers de la gorge…
Sous les archives, l’amnésie ! … Et grâce aux archives ? « On voulait une vraie plus-value de RTL sur 68 et la vraie plus-value, c’était le son, c’était le direct » . De quelle « plus-value » parlait le directeur de la rédaction, Hervé Béroud, lorsqu’il présentait ainsi le magazine et le CD consacrés à 68. Celle qui permet de parfaire la compréhension ou celle qui permet de réaliser des profits ?