Le 4 août 2008, Le Monde annonçait en appel de « une » une interview d’André Roelants, patron de Clearstream. Intitulé « Pour Clearstream, dont le travail a été sali sans raison, une page se tourne », ce monument de complaisance [3] était accompagné de deux encadrés dont l’un visait clairement à discréditer (une fois de plus) Denis Robert, qui depuis huit ans enquête sur Clearstream et se bat contre cette multinationale de la finance et contre le harcèlement judiciaire qu’elle lui fait subir [4].
Cet entretien, pour le patron de Clearstream, arrivait à point nommé, dans la mesure où Denis Robert, quelques semaines auparavant, avait annoncé qu’il renonçait à s’exprimer dans les médias sur cette affaire, car pour chacune de ses interventions, il devait faire face à de nouvelles procédures. [5]
Pour comprendre l’opportunité et le prétexte de l’entretien réalisé par Le Monde, un autre épisode doit être rappelé. Début juillet 2008, les juges français clôturaient leur enquête sur Clearstream. Le 8, la Cour européenne des droits de l’homme déboutait Ernest Backes, co-auteur avec Denis Robert de Révélation$, le premier livre publié par ce dernier sur l’affaire Clearstream. Condamné pour injure par la justice luxembourgeoise pour avoir écrit, dans une note de bas de page, que l’avocat d’un financier irakien mis en cause dans le livre « était soupçonné d’avoir noué des contacts avec le crime organisé », Ernest Backes estimait qu’en le condamnant, le Luxembourg avait violé l’article 10 de la convention des droits de l’homme relatif au droit à la liberté d’expression ainsi que l’article 6 relative au droit à un procès équitable. Il a été débouté après des débats houleux, par quatre voix contre trois concernant sa première demande et par six voix contre une concernant sa deuxième demande. La décision de la Cour ne concernait donc ni Clearstream, qui n’était pas partie prenante dans cette affaire, ni l’ensemble du livre, qualifié par ailleurs d’ » ouvrage, long et sérieux, de journalisme d’investigation » par l’un des trois juges dissidents – un autre estimant que « bien au-delà de la présente affaire se posent des questions de principe importantes et générales, qui appellent, à mon sens, un nouvel examen. » [6]
Quand Le Monde sert la soupe à Clearstream
C’est dans ce contexte que Le Monde interroge André Roelants : « Début juillet, la justice a clos son enquête sur l’affaire Clearstream, et la Cour européenne des droits de l’homme a débouté le coauteur d’un livre critique à votre égard. L’affaire est-elle vraiment finie ? » Une question purement rhétorique (ou de pure convenance) puisque la clôture d’une enquête est susceptible d’être suivie d’un procès – plusieurs personnes sont d’ailleurs mises en examen dans ce cadre – et que Clearstream n’était pas concernée par la décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette question masque un souhait (comme le montre le texte, truffé d’erreurs, de l’encadré consacré au travail de Denis Robert et d’Ernest Backes qui accompagne cette interview et qui est commenté dans l’annexe 1), et permet au patron de Clearstream de saisir sans peine la perche qui lui est ainsi tendue : « Il y a encore des actions pendantes devant certaines juridictions. Mais la liberté d’expression n’a jamais été entravée et nous n’avons jamais empêché qui que ce soit d’enquêter. La récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme nous concernant est à cet égard primordiale. Nous n’avons fait que répondre à des attaques dont il est démontré qu’elles étaient sans fondement. Pour nous et pour les 1 500 salariés de Clearstream dont le travail a été sali sans raison, une page se tourne, oui ! […] »
Une telle réponse aurait pu, aurait dû faire l’objet de plusieurs remarques de la part du Monde qui, évidemment, s’est abstenu.
D’abord, dire qu’il y a encore des actions pendantes devant certaines juridictions est une douce litote, alors que le 4 septembre prochain, le TGI de Paris se prononcera en appel pour les plaintes déposées par Clearstream contre le film de Denis Robert et Pascal Lorent Les Dissimulateurs, les livres Révélation$ et La Boîte noire. Son comité de soutien rappelle que « pour les deux premiers Denis Robert a été condamné à 1 euro symbolique alors que 300 000 lui étaient réclamés. Et que pour le second, le tribunal de Paris avait jugé l’enquête de Denis Robert sérieuse et de bonne foi et condamné Clearstream à verser à Denis Robert 8 000 euros pour le préjudice subi. »
De plus, affirmer que jamais Clearstream n’a entravé la liberté d’expression ni empêché quiconque d’enquêter relève du pur mensonge, tout comme laisser entendre que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme portait sur cette question. En effet, c’est l’Etat du Luxembourg qui était accusé d’avoir porté atteinte à la liberté d’expression, et non Clearstream. Rappelons simplement que, pour preuve de son amour de la liberté d’expression, Clearstream a tenté de faire interdire Les dissimulateurs, le premier documentaire de Denis Robert finalement diffusé sur Canal +, et multiplié les plaintes contre les auteurs de Révélation$ en France et au Luxembourg. La raison essentielle pour laquelle le livre n’a jamais été réimprimé (le tirage initial était de 30 000 exemplaires) tient d’ailleurs dans ces plaintes. Il s’échange autour de 150 euros aujourd’hui sur les sites d’enchères en ligne. Par ailleurs, Denis Robert a dû faire face à environ trois cents visites d’huissiers depuis huit ans ainsi qu’à une quarantaine de procès de diverses entreprises ou personnes mises en cause dans ses enquêtes. Un tiers émane de Clearstream. Les autres, qu’il a définitivement gagnés, sont le fait de la Menatep, une banque russe, et de la BGL (filiale du groupe Fortis). Denis Robert a gagné au Luxembourg et une procédure est en appel en France, suite à un pourvoi en cassation.
Interrogé par CQFD, Richard Malka, avocat de Clearstream et de Charlie Hebdo, reconnaît avoir poursuivi Denis Robert « à six ou sept reprises » pour le compte de la firme luxembourgeoise [7]. Comme le rappelle le mensuel de critique sociale, c’est peu ou prou le nombre de procès intentés par l’AGRIF, une association de chrétiens intégristes, à Charlie Hebdo, suivant une stratégie que Malka décrivait ainsi en 2002, dans le hors-série de Charlie Hebdo Dix ans de bonheur : « [Ils] avaient mis au point une stratégie de harcèlement judiciaire. [Leur] idée étant : on fait un procès systématiquement. Si on les gagne, tant mieux, ça va assécher leurs finances, et si on les perd, ce n’est pas grave, ça leur occasionnera quand même des frais importants. » [8]
Alors que, comme l’indique son comité de soutien, « Denis Robert a gagné contre Clearstream plus de procès qu’il n’en a perdus » (ce à quoi on pourrait ajouter que lorsqu’il a été condamné, c’est sur des points de détail) et « que [son] travail a provoqué l’éviction des principaux dirigeants de la firme en mai 2001 », il paraît exagéré d’affirmer, à l’instar d’André Roelants, qu’il est démontré que les attaques subies par Clearstream sont sans fondement. Il est donc très surprenant, et pour ne pas dire inquiétant, que la journaliste qui a réalisé l’interview, Anne Michel, ne conteste pas et ne relance pas Roelants.
Servant la soupe au PDG de Clearstream, qui certainement n’en demandait pas tant, Anne Michel enchaîne et pose une question qui frôle l’impertinence : « Quelles leçons en avez-vous retenues ? »
Estomaqué par tant d’insolence, André Roelants se permet une réponse en 140 mots, pour dire en gros que l’image de Clearstream est salie, mais que les clients sont restés fidèles [9]. Merci qui ? Merci Le Monde.
Quand Le Monde radote
C’est une constante : à chaque fois qu’André Roelants botte en touche en réduisant l’affaire Clearstream à une question d’image et de communication, et en affirmant que les principaux informateurs de Denis Robert seraient de doux « farfelus » qui auraient « abusé » un journaliste naïf, le journal du soir « oublie » de le relancer ou de lui poser les questions qui fâchent.
André Roelants expliquait déjà tout cela au Monde le 24 décembre 2004, jour où le quotidien vespéral, en guise de cadeau de Noël à la firme, publiait trois articles – annoncés là aussi en « une » – dédouanant Clearstream de toutes les accusations dont elle était l’objet. Notons au passage que cette « une » a été décidée par Edwy Plenel, dont c’était le dernier jour au Monde et qui, comme on va le voir, est loin d’être neutre dans cette affaire.
L’article principal de la livraison de 2004 était déjà une interview d’André Roelants menée tambour battant mais sans aucun recul critique sur les affirmations du PDG par pas moins de trois journalistes, dont Anne Michel. En guise d’ « éclairage », un papier au titre sans équivoque : « Une institution, pivot des échanges entre banques, par laquelle ne font que transiter les fonds ». Et pour la caution pluraliste, un court encadré citant deux phrases de Denis Robert, dont le titre – « Denis Robert affirme détenir des preuves » – tendrait à mettre en doute ses propos, chose qu’on ne se permettrait avec le PDG de Clearstream, dont l’interview est titrée : « Clearstream : le patron s’explique et dénonce "une manipulation" ». Denis Robert a à l’époque envoyé un droit de réponse au Monde, qui n’a jamais été publié.
Cette interview mériterait d’être enseignée dans les écoles de journalisme comme le parfait exemple de ce que ne devraient pas faire des journalistes conscients de leur responsabilité sociale. Ce jour-là, Anne Michel et ses deux partenaires ont peu ou prou posé les mêmes questions – et obtenu les mêmes réponses – que celles qui seront posées quatre ans plus tard, le 4 août 2008. Qu’on en juge, avec ces quelques extraits, commentés entre crochets.
- Première question : « La justice luxembourgeoise vous a donné raison, le 30 novembre, en clôturant par un non-lieu l’enquête ouverte notamment pour "blanchiment" contre Clearstream, dont vous êtes le président. [N’importe quel étudiant en première année de droit sait qu’un non-lieu n’équivaut pas à une relaxe, mais revient à dire qu’il est impossible, au vu des éléments produits par l’enquête, de conclure sur une affaire, que ce soit à charge ou à décharge]. Pensez-vous en avoir fini avec les soupçons qui ont terni l’image de votre entreprise ? » La longue réponse (141 mots), contestable, est un bel exercice de langue de bois, qui a dû se faire avec les sourires complices des journalistes du Monde (voir annexe 2).
- Deuxième question : « Comment, alors, expliquez-vous ces soupçons apparus lors de la parution, en 2001, du livre Révélation$ de Denis Robert et Ernest Backes ? »
- Début de la réponse (commentée entre crochets) : « Denis Robert s’est sans doute laissé abuser par les chiffres qu’affiche Clearstream, qui ne correspondent pas à un chiffre d’affaires mais à la valeur de toutes les actions et les obligations de la Bourse de Francfort et à celle des obligations européennes [Ce à quoi Denis Robert répond, dans le fanzine Figures n°5 (février-mars 2005) que « M. Roelants me prend pour une bille […] Je ne suis peut-être pas un super pro de la finance mais je sais encore faire la différence entre un chiffre d’affaire et les sommes colossales qui passent par Clearstream »].
« M. Robert, poursuit notre patron, a rencontré deux farfelus, dont Ernest Backes, qui ont été licenciés par Clearstream. Quand je lis que M. Backes est un grand expert, je tombe à la renverse [Outre le fait que Denis Robert a interrogé plus d’une cinquantaine de personnes dans le cadre de son enquête, il convient ici de préciser qu’Ernest Backes fut de 1977 à 1983 le numéro trois de Cedel International, l’ancêtre de Clearstream. Responsable clientèle, il a dirigé la conception du système de « clearing » (ou « compensation »), permettant le transfert d’argent en temps réel entre des banques situées dans des centaines de pays différents, qui est la raison d’être de Clearstream. Ce système incluait la possibilité de créer et gérer les fameux comptes non publiés dont Révélation$ révélait l’existence et qui sont à l’origine de l’affaire Clearstream. Il a attribué son licenciement en 1983 au fait qu’il en savait trop. Quant au second « farfelu » évoqué par Roelants, il s’agit de Régis Hempel, ancien vice-président de Cedel lui aussi en charge de l’informatique et licencié en 1992 lui aussi dans des circonstances troubles par le PDG de l’époque. Ayant expliqué qu’une partie de son travail consistait à effacer les traces de certaines transactions, il n’a jamais été attaqué en diffamation par Clearstream mais pour infraction au devoir de réserve. La firme a perdu en première comme en deuxième instance.] ! »
Fin de la tirade patronale : « Depuis son licenciement, en 1983, les choses ont radicalement changé ! Clearstream n’a plus rien à voir en termes d’activités et de volumes [en termes de volumes, on veut bien le croire, mais en termes d’activités ?]. »
- Dernière question (qui ressemble étrangement à celle du 4 août dernier) : « Quels enseignements tirez-vous de la tempête que vous avez essuyée ? »
La réponse de Roelants était en 2004 aussi passionnante que celle qu’il fera quatre ans plus tard [10]. Merci qui ? Merci Le Monde.
Quand Le Monde se fait l’avocat de Clearstream
La publication de ces deux interviews dans le journal Le Monde ne doit rien au hasard. Elle s’inscrit dans une longue liste d’articles, pour la plupart écrits ou coécrits par Anne Michel – qui est une récidiviste [11] – qui ont tous en commun, sinon de blanchir la chambre de compensation, du moins de fortement minimiser les accusations qui pèsent sur elle. Les 10, 13, 15 mai et 19 juin 2006, le site du quotidien a par exemple publié ou republié sept articles ayant pour thème l’entreprise Clearstream, dont cinq étaient signés Anne Michel [12]. Les titres de certains d’entre eux sont sans équivoque : outre le fameux « Une institution, pivot des échanges entre banques, par laquelle ne font que transiter les fonds » déjà cité (republié le 10 mai), on note : « Clearstream, une victime collatérale » (paru dans l’édition du 4 mai, publié le 10 mai), « Fantasmes et contrôles » (paru dans l’édition datée du 20 juin, publié le 19 sur le site), ainsi qu’une « enquête » (mêmes dates) intitulée « Faut-il blanchir Clearstream ? ».
Depuis le début, Le Monde a tendance à se faire l’avocat de Clearstream et le procureur de Denis Robert, sauf quand l’affaire devient trop grosse pour pouvoir être occultée. Pierre Péan et Philippe Cohen racontent, dans La face cachée du Monde, comment, dès la parution de Révélation$, Le Monde a tenté de couler le livre [13]. Le paragraphe qui suit est un résumé des pages 535 à 539 de ce livre, qui reprennent elles-mêmes des informations contenues dans le livre de Denis Robert La boîte noire.
Tout avait pourtant bien commencé pour Denis Robert, Ernest Backes et leur éditeur : Edwy Plenel, alors directeur de la rédaction du journal, s’engage à en publier les bonnes feuilles sur trois pages, en échange de l’exclusivité. Pourtant, une semaine avant la parution de l’ouvrage, il annule tout. Editeur et auteurs doivent alors démarcher en catastrophe le reste de la presse pour espérer une couverture même minimale du livre. Finalement, le 26 février 2001 Le Figaro lui consacre sa « une ». Le même jour, prétextant une erreur marginale dans un ouvrage comptant près de cinq cents pages – les deux auteurs se sont trompés sur la signification d’un sigle, attribué à tort à la DGSE – Le Monde publie un papier assassin pour Révélation$, commandé à la dernière minute à Sophie Fay par Edwy Plenel et Hervé Gattegno. Le lendemain, il annonce le dépôt d’une plainte d’André Lussi, alors PDG de Clearstream, à l’encontre de Denis Robert et d’Ernest Backes, alors même que la plainte sera en fait déposée deux mois plus tard...
Aussitôt, le silence médiatique autour du livre se fait assourdissant en France, tandis que plusieurs grands titres et agences de presse européennes se rallient à la position du quotidien vespéral. Finalement, le livre sera sauvé par l’intérêt que va lui porter la Mission parlementaire sur le blanchiment de l’argent sale. Obligé de capituler, Le Monde fait machine arrière et publie le 10 mai une tribune de cinq magistrats spécialisés dans la délinquance financière internationale qui soulignent l’importance de l’enquête réalisée par Denis Robert et Ernest Backes. Le lendemain, une information judiciaire est ouverte au Luxembourg contre les dirigeants de Clearstream. Pierre Péan et Philippe Cohen racontent la suite : « A Paris, Edwy Plenel annonce à l’éditeur de Révélation$, Laurent Beccaria, que l’enquête judiciaire valide le livre, et qu’il mandate une autre journaliste pour suivre l’affaire. Celle-ci, Pascale Santi, ’’se passionne pour le dossier’’, selon Denis Robert lui-même [14]. Sous le bandeau ’’Livre’’ [...], Le Monde fait la « une » sur l’affaire, le 26 mai 2002 [15]. Cette fois, il n’y a aucune réserve sur Révélation$. Certes, un discret renvoi se réfère à la publication du livre trois mois plus tôt ainsi qu’à l’article du Monde ; mais le lecteur ne lira pas une ligne d’autocritique du quotidien. » C’est que deux ans plus tard, Le Monde reviendra sur ses positions initiales, sans pour autant, à aucun moment, avoir fait de contre-enquête.
Répétons-le : nous ne prétendons nullement, sans contre-enquête, valider ou invalider l’enquête de Denis Robert. Or c’est là que le bât blesse : alors que Denis Robert fait l’objet de l’acharnement « critique » de journalistes professionnels et particulièrement des sommités médiatiques [16], aucun grand journal – fut-il « de référence » – ni aucun journaliste ou presque [17], n’a jamais fait la moindre petite contre-enquête pour vérifier l’exactitude ou non des principaux faits dénoncés par Denis Robert.
Voilà un ancien journaliste qui ne dispose ni des moyens du Monde, ni de sa couverture, et qui effectue pourtant, par ses propres moyens, une enquête journalistique de première main, dont le fond n’a été remis en cause par aucun tribunal et dont le sérieux vient d’être reconnu par des juges de la Cour européenne des droits de l’homme. Harcelé par Clearstream, il fait pourtant face. Et que font les médias dominants, pourtant si prompts d’habitude à défendre leur corporation à la moindre remise en cause de leur pouvoir par des grévistes ou des gouvernements du Sud qui ont le tort de ne pas apprécier leur emprise ? Au mieux, ils regardent ailleurs, au pire ils hurlent avec les loups.
Epilogue
Dernière minute : le quotidien luxembourgeois Tageblatt a publié dans son édition germanophone en date du 21 août un article qui est une traduction quasi-littérale du papier du Monde du 4, et qui d’ailleurs cite abondamment sa source [18]. Le site Internet du Tageblatt avait par ailleurs signalé dès sa parution cet article d’une importance capitale, en français cette fois [19].
Or, il se trouve qu’il existe une participation croisée entre Le Monde SA et Editpress, une société luxembourgeoise qui édite plusieurs titres, dont le Tageblatt, qui a toujours eu une ligne très favorable à Clearstream. En 2001, Le Monde SA était ainsi détenu à 12% par Editpress et possédait en retour 4% de cette société (chiffres confirmés en 2005 par L’Observatoire français des médias). C’est Alain Minc, alors président du conseil de surveillance et de la société des lecteurs du Monde, qui avait organisé ce rapprochement [20]. D’autre part, Editpress imprime également l’édition germanophone luxembourgeoise du Monde diplomatique (filiale du groupe Le Monde), qui est vendue comme un supplément mensuel du… Tageblatt [21].
Enfin, notons que depuis 1998, Le Monde est membre d’Eurofonds, une association de journaux européens [22] qui remet chaque année un prix aux « meilleures » entreprises de gestion de fonds. C’est le directeur du Monde qui préside en principe à la cérémonie. Eurofonds publie également un rapport trimestriel contenant un classement et une notation des organismes de placement en valeurs mobilières (OPCVM) [23]. Le Monde et l’argent : une grande histoire d’amour [24] !
A suivre...
Marie-Anne Boutoleau
Annexes :
1/ Commentaire de l’encadré, sur le travail de Denis Robert et d’Ernest Backes : « Le livre de Denis Robert et Ernest Backes, Révélation$ en 2001, puis l’ouvrage de M. Robert La Boîte noire en 2002 accusant Cleastream de blanchiment [faux, il montrait que Clearstream pouvait être utilisée par ses clients comme un outil pour effectuer des opérations financières douteuses] donnent lieu à une information judiciaire au Luxembourg [à l’encontre de Clearstream], suivie d’un non-lieu [pour prescription]. Condamnés pour diffamation [pas toujours], M. Robert a annoncé, en juin 2008, qu’il ne parlera plus [dans les médias] de Clearstream et M. Backes a été débouté, en juillet, par la Cour européenne des droits de l’homme. » La religion du Monde est faite.
2/ Première réponse d’André Roelants, commentée par Acrimed, à la première question de l’interview du 24 décembre 2004 : « Absolument. Cette décision met un point final à toute l’affaire. Une enquête judiciaire en profondeur a été menée au sein de notre société - en plus des investigations que nous avons nous-mêmes conduites. L’enquête a duré trois ans et demi, pendant lesquels nous avons ouvert nos livres et nos systèmes. Personne n’a jamais pu rien démontrer à propos de prétendus comptes secrets. Et pour cause, ils n’existent pas ! Nous traitons 62 millions d’opérations par an, soit 400 000 à 500 000 transactions par jour. Toutes les transactions que nous avons acheminées depuis dix ans - la durée légale de conservation des données - ont été passées au crible par les plus grands cabinets d’audit internationaux [Le dernier était signé Arthur Andersen, juste avant que n’éclate l’affaire Enron, que ce cabinet « auditait » depuis des années. Pour ne pas fâcher son puissant client, Arthur Andersen avait licencié un collaborateur ayant émis un avis négatif sur les comptes de cette société, fermé les yeux sur sa « comptabilité créative » (ensemble des artifices comptables permettant de modifier légalement des comptes afin de les faire coller au mieux aux intérêts de l’entreprise), et, une fois le scandale connu de tous, détruit des documents comptables afin de les soustraire à une enquête fédérale. C’est l’un de ses auditeurs-stagiaires, que Roelants qualifie de « jeune homme inexpérimenté », Florian Bourges, qui a fournit à Denis Robert les listings incluant des comptes non publiés de Clearstream qui sont à la base de l’affaire Clearstream II. Loin d’être isolé, Florian Bourges travaillait au sein d’une équipe d’une trentaine de personnes et a fourni ces listings à Denis Robert car sa hiérarchie avait décidé de passer sous silence les anomalies qu’il avait constatées afin de ménager son mandataire, Clearstream. Cet audit avait été commandé par la firme à la demande du gouvernement luxembourgeois, suite à la parution de Révélation$.] et personne n’a pu démontrer l’existence d’une double comptabilité. Finalement, rien ne reste des accusations délirantes formulées. Pour nous, il n’y a plus d’affaire Clearstream. »