Face à Rokhaya Diallo, présidente (noire, le fait a son importance, du moins quand on a affaire à Zemmour) de l’association « Les indivisibles », à Vincent Cespedes, philosophe (qui s’en était déjà pris à Zemmour par le passé) et à Renan Demirkan, comédienne et écrivaine allemande d’origine turque, l’« impertinent » éditorialiste a argumenté avec un rare aplomb sur le fait qu’il existait des « races » reconnaissables à « la couleur de peau ». Il n’a pas été jusqu’à dire que l’une était supérieure aux autres, mais il s’en est fallu de peu...
Cela mérite bien une vidéo (en attendant une version plus complète...) , suivie de sa transcription. La version intégrale de l’émission peut être consultée sur le site d’Arte (lien périmé - mars 2010).
- Éric Zemmour : - « Il y a le métissage racial, c’est-à-dire le mélange des races, physiquement. »
- Rokhaya Diallo : - « C’est, quoi, qu’est-ce que c’est les races ? Qu’est-ce que vous entendez par « races » ? »
- Éric Zemmour : - « Si y a pas de races, y a pas de métissage ! »
- Rokhaya Diallo : - « Ben non, parce que peut-être que le deuxième dont vous avez parlé... » [Allusion au métissage des cultures]
- Éric Zemmour : - « ...donc y a pas de question dans ce cas là ! »
- Rokhaya Diallo : - « Non, parce que vous parlez de deux métissages, donc peut-être que le deuxième existe. »
- Éric Zemmour : - « Oui, le deux... »
- Isabelle Giordano et Éric Zemmour, de concert : - « Parce que pour vous Rokhaya, les races n’existent pas ? »
- Rokhaya Diallo : - « Ben non. Enfin je... »
- Vincent Cespedes : - « Pas pour les scientifiques non plus... »
- Isabelle Giordano : - « On écoute la deuxième... la deuxième... »
- Éric Zemmour : - « Non, mais moi ce qui m’intéresse dans cette histoire - je vais très vite - j’ai le sentiment qu’à la sacralisation des races de la période nazie et précédente a succédé la négation des races. Et c’est d’après moi aussi ridicule l’une que l’autre. Qu’est-ce que ça veut dire que ça n’existe pas ? On voit bien que ça existe ! »
- Rokhaya Diallo : - « Mais comment on le voit ? Je ne comprends pas ce que vous voyez... »
- Éric Zemmour : - « Ben à la couleur de peau tout bêtement. »
- Rokhaya Diallo : « Et donc la couleur de peau selon vous fait que moi j’appartiens à une race différente de la vôtre. »
- Éric Zemmour : - « Mais évidemment ! Non mais... que vous redécouvriez... »
- Rokhaya Diallo : - « Bon ben alors... C’est intéressant... »
- Éric Zemmour : - « Ben évidemment, j’appartiens à la race blanche, vous appartenez à la race noire ! »
- Rokhaya Diallo : - « Non, j’appartiens à la communauté française et... »
- Vincent Cespedes : - « Peut-être que ça vous rassure, Éric : ça vous rassure d’appartenir à la race blanche ! »
Laurent Joffrin, en charge de sa propre absolution, concédait non sans désinvolture que parler de « race » juive, c’était recourir à un mot « mal choisi », comme nous le relevions ici même. Éric Zemmour n’a pas une telle pudeur.
Qu’importe si la quasi-totalité des scientifiques de toutes les disciplines ont depuis belle lurette contesté l’existence même de « races », définies par un ensemble de traits distinctifs, au sein de l’espèce humaine ! Éric Zemmour sait ! Et Isabelle Giordano [2], aussi impassible que son sourire, croit animer un simple débat d’opinions individuelles : une question de goûts. Par Saint Philippe Val, et quelques autres grands pourfendeurs des « rumeurs » qui seraient le monopole d’Internet, il suffit de lire l’article de Wikipedia sur les « races », pour acquérir les quelques connaissances qui permettent de faire taire les « rumeurs » propagées par les grands professionnels que l’on entend partout, et notamment sur Arte, une chaîne qui se prévaut d’être au service de la culture !
La suite du « débat » vaut également son pesant d’or. Interrompu au début de l’échange, Zemmour revient sur le deuxième « métissage » dont il voulait parler, et qui, selon lui, est « culturel ». S’il s’accorde à dire qu’il y a toujours eu un métissage culturel en France, il regrette en revanche la disparition de la « hiérarchie des cultures », qui faisait de la culture « française » la culture prédominante et favorisait ainsi l’« assimilation » des populations « étrangères » jusque dans les années 1970. Il explique : « Moi je crains que comme aujourd’hui on a supprimé cette hiérarchie, comme aujourd’hui on estime que toutes les cultures se valent, qu’on est un mélange de différentes cultures égales, et que ça, c’est ça qui nous mènera au multiculturalisme et donc à l’affrontement des cultures et donc des communautés. » Une « thèse » résumée dès son entrée en plateau : l’alternative au « multiculturalisme », « c’est une culture pour des races différentes ! » Est-ce à dire qu’il y aurait plusieurs « races » différentes mais égales entre elles (???) alors qu’il y aurait plusieurs cultures (ce que personne ne nie...) mais d’inégale dignité ?
Quant à Isabelle Giordano, soucieuse d’apaiser le « débat » et sans jamais se départir de son ineffable sourire, elle préfère à plusieurs reprises donner le change en insistant sur « [la difficulté] à s’accorder sur les mots »... En 1952, Claude Lévi-Strauss, dans Race et histoire, brochure alors éditée par l’Unesco, réfutait déjà le racialisme qu’il soit biologique ou culturel. Mais sur Arte, c’est désormais une question de mots. Et quelque temps plus tard, poussé dans ses derniers retranchements par Vincent Cespedes, Zemmour se retranche fugitivement derrière un autre mot : « type »...
Constant dans la dénonciation de tout ce qui menace la France virile, ces propos scandaleux d’Éric Zemmour ne sont nullement, dans son cas, un « dérapage », mais bien l’aboutissement d’une carrière toute vouée à la réhabilitation de la France « éternelle », c’est-à-dire blanche, phallocratique et hétérocentrée.
Nul doute que tous les épurateurs de la presse et des ondes (façon Philippe Val et ses amis) vont, à la suite de ces propos, s’étonner de la place envahissante qu’Éric Zemmour occupe dans les médias. Après avoir participé à « Vendredi pétantes », sur Canal+, animée par Stéphane Bern jusqu’en juin 2006, Éric Zemmour se répand au moment où nous écrivons dans l’émission « L’Hebdo » sur Tempo (chaîne de RFO), dans « On n’est pas couché », l’émission animée par Laurent Ruquier sur France 2 et dans l’émission « Ça se dispute », sur I-Télé. Entre autres collaborations dans la presse écrite, Zemmour, passé par Marianne, « éditorialise » depuis 1996 au service politique du Figaro.
On n’ose penser que c’est la défense de la pureté de la race blanche et de la culture franco-française qui a valu à Éric Zemmour d’être en 2006 membre du jury du troisième concours d’entrée à l’ENA (réservé aux salariés du secteur privé ou aux personnes exerçant un mandat électif national ou local) en 2006 [3].
Curieusement, Éric Zemmour, si prompt à disserter sur l’« endogamie » supposée des Turcs ou des Allemands, se montre beaucoup moins prolixe au sujet de l’endogamie, socialement déterminée, des « élites »…
Marie-Anne Boutoleau et Henri Maler
Annexe : quelques « pensées » d’Éric Zemmour
Épouvanté par ce qu’il considère être une « féminisation » de la société qui entraînerait la décadence d’un Occident viril, Éric Zemmour avait déjà consacré un ouvrage entier en 2006 [4] à la dénonciation des féministes (« Le féminisme porte en lui comme tous les mots en "-isme", un totalitarisme » [5]) et de l’« idéologie gay ». En « homme » , il s’était alors vanté sur le plateau de Thierry Ardisson de ne jamais changer les couches-culottes de son enfant, afin de ne pas perdre sa virilité en s’abaissant à effectuer cette tâche « féminine » [6].
En 2008, Zemmour revient avec un roman, Petit frère, dans lequel il dénonce la « perversité » de l’antiracisme dont il prétend « faire le procès », en se référant entre autres à Alain Finkielkraut pour qui « l’antiracisme est le communisme du XXIe siècle ». Dans ce livre, Zemmour part en croisade contre la « défrancisation » : « chacun se sent de moins en moins français - je le montre dans la langue, voyez, ils parlent un français de plus en plus abâtardi. » Qui « ils » ? Les jeunes, et en particulier ceux des quartiers populaires et des banlieues, surtout s’ils sont « Arabes ». Pour Zemmour, c’est la fin de la « nation » française, et les guerres tribales nous menacent d’autant plus que désormais les vrais « Français » seraient minoritaires dans notre pays, et forcés de « s’adapter » aux coutumes - forcément « sauvages » - des nouveaux arrivants, comme le Ramadan (Propos tenus et thèse défendue lors de l’émission « Les Grandes gueules », sur RMC, le 7 janvier dernier, à écouter sur Dailymotion).