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BHL-Houellebecq et la « meute » des complaisants

par Mathias Reymond,

Impossible d’y échapper. Le philosophe télégénique et l’écrivain cynique dont l’œuvre commune – Ennemis publics - a fait l’objet d’un marketing intensif et d’un « scoop » fracassant [1] avant parution, ont envahi les ondes et les plateaux pendant le mois d’octobre. Et la presse écrite n’a pas été en reste.

Le bilan de cette campagne est d’une consternante diversité.

Un « livre passionnant » selon Libération qui consacre quatre pages à « l’événement » éditorial de la rentrée (1/10/2008), « une conversation ardente entre deux incontestables amis des livres » pour Le Nouvel Observateur qui en publie les bonnes feuilles (2/10), « cette rencontre se situe au sommet, l’air y est plus rare mais aussi, on le sait, plus pur » lâche Joseph Macé-Scaron, flagorneur professionnel, dans Marianne (4/10), « une bonne surprise » selon Le Parisien-Aujourd’hui en France (6/10), « une écriture de courant électrique avec ampoules à cent mille volts. Un esprit au laser, libre comme l’air, aimant jouer avec le feu » s’excite Le Journal du Dimanche (6/10), « des lettres en or » titre Ouest France (8/10), « l’échange vaut le détour » incite Le Progrès (8/10), « un ouvrage de haute portée philosophique, un de ces livres à la fois nécessaires et évidents qui occupent les meilleures places dans les bibliothèques » pour Paris Match, qui consacre un entretien fleuve avec les deux auteurs (9/10), « captivant » pour Christophe Barbier dans L’Express (9/10), « un vrai et franc exercice intellectuel » pour Télérama (11/10). Et cetera. Et cetera. Et cetera.

La palme revient au Monde et à Jean Birnbaum. Le 17 octobre, il signe un texte, dans Le Monde des Livres, qui débute par une critique du « battage médiatique » et du « marketing » accompagnant la sortie du livre. Il met en garde contre le « "ardissonisme" rampant (…) qui autorise chaque célébrité à envahir les plateaux pour prendre la pose du grand persécuté. » Et, pirouette cacahouète, contribuant à son tour au « battage médiatique », il change de trajectoire : « Mieux vaut esquiver. Se boucher les oreilles, ouvrir le volume, lire. » Et Birnbaum a lu pour nous : « Un texte d’écrivains », précise-t-il d’emblée. Soit. Mais encore ? BHL ? Un « intellectuel engagé, ami du genre humain et militant des causes perdues. » Est-ce tout ? « Ici, l’écriture est mystification. Elle ne vise pas à fonder une identité, mais à la disséminer, à la démultiplier dans un camouflage de soi qui vaut conquête du monde. » Un « camouflage de soi » ? Pas dans les médias, en tous cas ! [2]

Les auteurs sont partout. Invités au « 20 heures » de France 2 le 5 octobre, on les retrouve le lendemain dans Le « Grand Journal » sur Canal+, le 8 octobre dans « Soir 3 » sur France 3, le 10 octobre dans la matinale de France Inter, le soir même dans « Café Littéraire » sur France 2, le 31 octobre en direct sur France Culture dans « Le rendez-vous ». Et cetera. Et cetera. Et cetera.

Des interviews. Des bons mots. Des sourires…

Et comme deux émissions sur France 2 ne suffisaient pas (Le JT et « Café littéraire »), il en fallut une troisième : « On n’est pas couché » le 1er novembre, sans Houellebecq. Laurent Ruquier, non content de laisser Lévy ne répondre à aucune question, n’eut de cesse d’interrompre Eric Naulleau dès que ce dernier osa répliquer au philosophe de télévision qu’attribuer toute critique à l’antisémitisme commençait à bien faire !

C’est l’inondation, c’est l’overdose. Et pourtant, début novembre, la sulfureuse correspondance n’avait trouvé que 20 000 acheteurs.

Peut-on envisager, espérer (?), qu’un jour, une fois dans l’histoire de l’Humanité, un livre écrit (ou coécrit) par BHL ne soit pas encensé, sans le moindre recul, par les médias ? Peut-on s’attendre, à ce qu’une fois, une seule, les journalistes cire-pompes, les éditorialistes frotte-manches, les chroniqueurs lèche-bottes, ne repassent pas la chemise blanche du philosophe dans leurs émissions, sur leurs plateaux, dans leurs colonnes ? Une fois. Un coup. Un livre qu’ils liraient pour lui-même sans écouter les trompettes de la renommée de leur(s) auteur(s). C’est possible, non ? Même les brosses à reluire méritent le repos.

Barbier, Demorand, Delahousse, Picouly, Joffrin, Macé-Scaron, Val et les téléramistes : tous sont au service (de presse) de Bernard-Henri Lévy et (cette fois) de Michel Houellebecq. L’œuvre littéraire, cinématographique, journalistique et philosophique du premier est contestée ? Qu’importe. Les critiques sont presque inaudibles dans l’espace médiatique ? C’est déjà trop. Quatre critiques sont mentionnés dans le chef d’œuvre ? Selon ses auteurs, ils forment une « meute ». Et la meute (pas le complot, juste la meute…) des complaisants prend la défense de nos persécutés. Même les meilleurs ouvrages ne résisteraient pas à un tel traitement.

Mathias Reymond

Nota bene : Outre les articles que notre site a consacrés à Bernard-Henri Lévy, voici trois textes qui, parus dans des médias différents, à des époques différentes, rappellent, qu’à chaque opus du mari d’Arielle Dombasle, les médias, en chœur, crient « rebelote ! ».

- « Narcisse au bûcher », Pierre Rimbert, La vache folle, avril-mai 2000. A propos de la sortie du livre : Le Siècle de Sartre.
- « Cela dure depuis vingt ans », Serge Halimi, le Monde Diplomatique, décembre 2003. A propos de la sortie du livre : Qui a tué Daniel Pearl ?
- « BHL, évidemment », Mathias Reymond, Acrimed, 2 novembre 2007. A propos de la sortie du livre : Ce grand cadavre à la renverse.


Voir aussi le dossier du Monde Diplomatique consacré à Bernard-Henri Lévy : L’imposture Bernard-Henri Lévy.

 
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Notes

[2Rappelons que, à plusieurs reprises, dans son bloc-notes du Point, Lévy a cité et complimenté Birnbaum (au moins les 29/06/2001 et 17/11/2005)… Un hasard ?

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