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Par temps de crise, l’AFP vend des loisirs aux cerveaux disponibles

par Jean Espinola,

Par un communiqué de presse titré « Toujours plus de loisirs, surtout par temps de crise ! » diffusé le 13 novembre, l’AFP, agence de presse d’information à rayonnement mondial, et Relaxnews, agence spécialisée dans la fourniture de contenus sur mesure, annoncent avoir signé un « accord stratégique » de cinq ans pour lancer dès janvier le premier fil mondial d’information sur les loisirs.

L’AFP fournit des informations sous forme de textes, photographies, infographies et vidéo à environ 650 journaux, 400 radios et télévisions, 1500 administrations et entreprises, 100 agences de presse nationales. L’AFP est dotée (mais pour combien de temps encore ?) d’un statut unique, défini par la loi du 10 janvier 1957, destiné à garantir son indépendance à l’égard des pouvoirs publics et de tout autre groupement idéologique, politique ou économique. Sa mission est « de rechercher tant en France qu’à l’étranger les éléments d’une information complète et objective ».

Relaxnews est bien connue des syndicats qui ont eu à défendre ses salariés pour non-respect de la convention collective, prime d’ancienneté non payée, 13ème mois absent. Condamnée pour licenciements abusifs, cette « agence de presse » agit en quelque sorte en accord avec sa dénomination : sa « rédaction », des journalistes quasiment tous pigistes, bénéficie d’un turn-over étonnant, sans doute pour expérimenter les loisirs (forcés) proposés !

Fondée en 1998 par Pierre Doncieux, un ex-rédacteur en chef de Vogue Homme, Lui et VSD, et de son frère Jérôme, venu de RSCG et administrateur de l’Association des agences conseils en communication, Relaxnews veut « devenir le Bloomberg des loisirs ». Elle fournit déjà des contenus éditoriaux clés en main à certains journaux tels L’Express, Métro, France-Soir, M6 Web, Orange, etc.

Selon le communiqué de presse, sur ce « 1er fil mondial d’information sur les loisirs » dont 70% des contenus sont issus de Relaxnews et 30% de l’AFP, « les thématiques seront organisées en 4 grandes familles :
- bien-être : beauté et cosmétiques, nutrition, santé et forme, etc.
- maison : brico-jardin, décoration, mode, etc.
- divertissements : arts-expos, jeux vidéos, livres-BD et mangas, etc.
- tourisme : auto & deux-roues, gastronomie, hôtels et destinations ».

L’accord prévoit également un reportage vidéo [1] par jour réalisé par l’AFP.

Toujours selon le communiqué diffusé à la presse, les deux sociétés annoncent qu’« en unissant leur savoir-faire, l’Agence France-Presse (...) et Relaxnews (...) se positionnent sur un créneau particulièrement porteur qui ignore la crise » et le PDG de l’AFP, l’énarque Pierre Louette, rajoute, sans pudeur, dans Le Figaro daté du 14 novembre : « La crise est favorable aux loisirs ».

L’AFP deviendra-t-elle agence de voyage destinée à nous faire connaître les plus belles plages du monde, cocotiers, ciel d’azur et crèmes bronzantes adaptées loin des bidonvilles ou autres émeutes de la faim ? Déjà, dans un document interne de décembre 2007, la direction de l’AFP constatait à regrets que l’agence « couvrait trop de social, trop de grève et pas assez la petite entreprise qui réussit ».

Nul doute qu’à travers ce « 1er fil mondial d’information sur les loisirs », les mécènes de la future fondation AFP (projet déjà bien avancé de privatisation) auront, eux aussi, tout le « loisir » de subordonner le contenu des informations à leur marchandisation.

Si l’on n’était pas en novembre, on pourrait croire à poisson d’avril. Il est vrai que le cynisme ne connait pas de saison.

Jean Espinola

 
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Notes

[1Le service vidéo de l’AFP, créé il y peu, est un des services rédactionnels de l’agence au même titre que le texte, la photo et l’infographie.

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