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Jeudi d’Acrimed : « Les médias et la crise », avec Frédéric Lordon, 5 février

Après des décennies d’éloge de la « mondialisation heureuse » (Alain Minc), la crise économique et sociale invite à mettre à l’épreuve les discours et pratiques des journalistes spécialisés, des éditorialistes omni-compétents et de leurs « répétiteurs experts » qui, de concert, ont soutenu la mondialisation libérale.

Pour en débattre...

« Jeudi d’Acrimed »


Jeudi le 5 février 2009 à 19h


à la Bourse du travail de Paris, 3 rue du Château d’eau, Paris 10ème

Avec Frédéric Lordon, économiste, auteur de Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d’agir, 2008.

 La vidéo de l’intervention de Frédéric Lordon se trouve ici.

En guise de présentation…

… Le début d’un article de Frédéric Lordon paru dans le numéro de novembre 2008 du Monde Diplomatique sous le titre « Les disqualifiés » et publié ici avec l’autorisation de son auteur.


Les disqualifiés


Si c’était une attraction de la fête à Neu-Neu, pour y faire venir des intellectuels on l’appellerait « le trombinoscope gyratoire » – et pour les plus petits « le manège aux cornichons ». A la télévision, à la radio, dans la presse écrite, qui pour commenter l’effondrement du capitalisme financier ? Les mêmes, bien sûr ! Tous, experts, éditorialistes, politiques, qui nous ont bassiné pendant deux décennies à chanter les louanges du système qui est en train de s’écrouler : ils sont là, fidèles au poste, et leur joyeuse farandole ne donne aucun signe d’essoufflement. Tout juste se partagent-ils entre ceux-ci, qui sans le moindre scrupule ont retourné leur veste, et ceux-là qui, un peu assommés par le choc, tentent néanmoins de poursuivre comme ils le peuvent leur route à défendre l’indéfendable au milieu des ruines.

Parmi eux, Nicolas Baverez est visiblement sonné et cherche son chemin parmi les gravats. L’effet de souffle a dû être violent car le propos est un peu à l’état de compote : « la mondialisation conserve des aspects positifs » [1] maintient-il contre vents et marées, non sans faire penser au regretté Georges Marchais. Pourtant, lâche-t-il dans un souffle, c’est bien le « capitalisme mondialisé qui est entré en crise » [2], et « l’autorégulation des marchés est un mythe » [3]. Il n’empêche : « le libéralisme est le remède à la crise » [4]. Or qu’est-ce que le libéralisme sinon la forme d’organisation économique déduite du postulat de l’autorégulation des marchés ? Peut-être, mais Baverez décide qu’il ne reculera plus d’un pouce là-dessus et qu’il faudra faire avec les complexités de sa pensée : « le libéralisme n’est donc pas la cause de la crise », quoique par autorégulation interposée il soit le problème… dont il est cependant « la solution » [5] – comprenne qui pourra.

D’autres sont moins désarçonnés et font connaître avec plus d’aisance que, si les temps ont changé, eux aussi sont prêts à en faire autant. « Cette bulle idéologique, la religion du marché tout-puissant, a de grandes ressemblances avec ce que fut l’idéologie du communisme […] Le rouleau compresseur idéologique libéral a tout balayé sur son passage. Un grand nombre de chefs d’entreprise, d’universitaires, d’éditorialistes, de responsables politiques ne juraient plus que par le souverain marché ». Celui qui, tel la Belle au bois dormant, se serait endormi avant l’été pour se réveiller et lire ces lignes aujourd’hui, croirait sans doute avoir à faire une fois de plus à ces habituels fâcheux d’Attac ou bien de L’Humanité. C’est pourtant Favilla l’éditorialiste masqué des Echos [6] qui libère enfin toute cette colère contenue depuis tant d’années. Car on ne le sait pas assez, les Echos sont en lutte : trop d’injustices, trop de censures, trop d’impostures intellectuelles. N’a-t-on pas étouffé « la vérité » même : « Toute voix dissonante, fût-elle timidement sociale-démocrate, en rappelant les vertus d’un minimum de régulation publique, passait pour rescapée de Jurassic Park. Et voici que tout à coup la vérité apparaît. L’autorégulation du marché est un mythe idéologique » [7]. Prolongeant les tendances présentes, on peut donc d’ores et déjà anticiper qu’un sonnant « Il faut que ça pète ! » donnera bientôt son titre à un prochain éditorial d’un Favilla déchaîné.

Décidément la Belle au bois dormant aurait du mal à reconnaître ses nains. Laurent Joffrin, qui il y a quelques mois encore aidait Bertrand Delanoë à pousser son cri d’amour pour le libéralisme et fustigeait « la gauche bécassine » [8], celle qui n’a pas compris les bienfaits du marché, a visiblement mangé de la mauvaise pomme – en fait la même que Favilla : « depuis plus d’une décennie, les talibans du divin marché financier ont rejeté tous les avertissements, méprisé tous les contradicteurs et récusé toute tentative de régulation » [9]. On en était resté au moment où les talibans faisaient cause commune avec les critiques de la mondialisation. Se peut-il que les enturbannés aient si brutalement changé de camp, en fait depuis si longtemps, et sans même qu’on s’en soit aperçu ?

A leur décharge, ces pauvres éditorialistes ne faisaient qu’ânonner ce que leur avaient seriné pendant tant d’années leurs répétiteurs experts. Or de ce côté l’hécatombe est impressionnante également […]


 Lire la suite (consacrée notamment à deux répétiteurs experts » : Elie Cohen et Jacques Attali) dans Le Monde diplomatique de novembre 2008. (Acrimed)

 Lire aussi, ici-même notre rubrique « La construction médiatique de l’opinion économique » (et en particulier les articles que nous avons consacrés au traitement médiatique de la crise), ainsi que « Une critique des médias paranoïaque et sacrilège ? ».

 
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Notes

[1Marianne, 4-10 octobre 2008.

[2Id.

[314 octobre 2008.

[4Id.

[5Id.

[6Les Echos, 7 octobre 2008.

[7Id.

[8Laurent Joffrin, La gauche bécassine, éditions Robert Laffont, 2007.

[9Libération, 24 septembre 2008.

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