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Philippe Val, héritier d’Albert Londres

par Henri Maler,

Nous voudrions n’avoir plus rien à dire de Philippe Val. Mais c’est un journaliste. Et ses opinions et divagations philosophiques et politiques nous intéressent beaucoup moins que sa conception et sa pratique du journalisme.

Or c’est du journalisme que le patron de Charlie hebdo devint, à la fin d’un après midi du mois de janvier 2009, l’historien critique. Philippe Val, critique des médias et du journalisme ? Mais où ? Mais quand ? Et pour dire quoi ? Cela mérite qu’on s’en informe.

Du lundi au jeudi de 17h à 17h50, Yves Calvi anime l’émission « Nonobstant » et s’entretient, nous dit le site de France Inter, « avec une personnalité du monde de la culture et des arts, chez elle ou sur son lieu de travail ». Pourquoi ? « Pour être au plus près de sa réalité et de sa vérité ». Sous quelle forme ? « Un face à face ni complaisant, ni agressif ».

Le mercredi 14 janvier 2009, Yves Calvi recevait l’auteur de Si ça continue ça va pas durer, un ouvrage publié « en partenariat avec France Inter  », à paraître… le lendemain. La « promo » ne pouvait pas attendre. D’autant que l’auteur n’est autre que Philippe Val qui, tous les vendredis à 7h55, tient une chronique qui porte son nom : « L’humeur de... Philippe Val ». Où ça ? … Sur France Inter. Et l’ouvrage en question est une sélection des « humeurs » de son auteur.

Yves Calvi, dont le site de France Inter salue la « pertinence », interrogeait donc ce jour-là un pertinent impertinent.

On écoute un extrait.

http://www.acrimed.org/IMG/mp3/ValchezCalvi.mp3

Mais pour savourer pleinement cette sociogenèse du journalisme moderne, mieux vaut la lire lentement, sans rire…

- Philippe Val : - « Si vous voulez, je crois que notre petit monde, comme parfois certains disent pour le relativiser - c’est vrai que c’est un petit monde – notre petit monde est très partagé en ce moment, et c’est presque générationnel. Ça n’est pas que générationnel, mais c’est un peu générationnel. Notre génération, notre scène primitive si on peut dire, c’est la Seconde guerre mondiale, Auschwitz, etc. Et notre modèle de journalisme, c’est Albert Londres, c’est celui qui rapporte quelque chose de la réalité. »
- Yves Calvi : - « Des faits, la réalité... »
- Philippe Val : - « Des faits, la réalité et éventuellement de l’analyse bien sûr. Tandis que la génération des journalistes qui arrivent maintenant leur scène primitive c’est le conflit israélo-palestinien, ce n’est pas la Seconde guerre mondiale. Et leur modèle de journalisme c’est la critique des médias, c’est Halimi-Schneidermann. Et c’est une catastrophe. Je pense que c’est une catastrophe. Et on a beaucoup de mal à parler, on a beaucoup de mal à se parler et les opinions se font à partir d’opinions. Et c’est une horreur , et il y a beaucoup de journalistes qui font leur métier devant Internet et ceci me semble absolument incestueux. »

Résumons : Philippe Val, de la génération inspirée par Auschwitz, s’insurge contre les journalistes qui, inspirés par le conflit israélo-palestinien (et on devine avec quel parti pris…), ont donc (?) choisi pour modèle… la critique des médias, façon « Halimi-Schneidermann » et font par conséquent (?) leur métier devant Internet.

Le grand prix du journalisme d’investigation est décerné au lecteur qui parviendra à démêler cet écheveau. C’est indispensable pour suivre le fil qui conduit du conflit israélo-palestinien au modèle Halimi-Schneidermann, avant de se connecter à Internet.

Reste la question qui nous taraude : de Serge Halimi (que nous connaissons un peu...) ou de Daniel Schneidermann (que nous connaissons fort peu...) lequel doit être le plus flatté de leur association dans la bouche de l’héritier d’Albert Londres ?

Car cet héritier, Philippe Val, après avoir enquêté sur Internet et sur la critique des médias, est devenu grâce à son modèle, Albert Londres, un critique des médias façon… Philippe Val [1]. Mais l’héritier n’a pas encore perçu son héritage : dur, dur d’être un parvenu quand on n’est pas encore arrivé !

Yves Rebours
- Avec Marie-Anne pour la transcription et Michel pour le son.


Annexe : Albert Val contre Internet

Depuis un « incontournable » édito paru dans Charlie Hebdo le 10 janvier 2001 (voir ici même « Philippe Val, épurateur chronique ») nous savions qu’Internet était un repère de détraqués et de collabos : «  A part ceux qui ne l’utilisent (Internet) que pour bander, gagner en bourse et échanger du courrier électronique, qui est prêt à dépenser de l’argent à fonds perdus pour avoir son petit site personnel ? Des tarés, des maniaques, des fanatiques, des mégalomanes, des paranoïaques, des nazis, des délateurs, qui trouvent là un moyen de diffuser mondialement leurs délires, leurs haines, ou leurs obsessions. Internet, c’est la Kommandantur du monde ultralibéral. C’est là où, sans preuve, anonymement, sous pseudonyme, on diffame, on fait naître des rumeurs, on dénonce sans aucun contrôle et en toute impunité. Vivre sous l’Occupation devait être un cauchemar. On pouvait se faire arrêter à tout moment sur dénonciation d’un voisin qui avait envoyé une lettre anonyme à la Gestapo. Internet offre à tous les collabos de la planète la jouissance impunie de faire payer aux autres leur impuissance et leur médiocrité. C’est la réalité inespérée d’un rêve pour toutes les dictatures de l’avenir. »

Quelques années plus tard…

- Philippe Val, prenant prétexte d’un article niant l’existence du virus du Sida publié sur un blog hébergé par Médiapart, prend à parti, dans sa chronique du 5 septembre 2008 sur France Inter, ce site d’information, Edwy Plenel et, plus généralement, Internet : « Les journalistes s’informent désormais davantage sur la Toile qu’en mettant le nez dans le monde réel » [2]… Depuis Médiapart et Edwy Plenel se sont, semble-t-il, réconciliés avec Charlie hebdo et Philippe Val, dans le cadre d’une Sainte-Alliance anti-Sarkozy, puisqu’ils appellent ensemble (avec Les Inrockuptibles, Marianne, Le Nouvel Observateur, Rue 89 et le soutien de Reporters sans frontières) à défendre la liberté de l’information le vendredi 30 janvier, au Théâtre du Châtelet).
- Philippe Val, dans un livre paru le 28 octobre 2008 - Reviens, Voltaire, ils sont devenus fous – s’en prend à nouveau aux sites d’information sur Internet et compare Bakchich à Je suis partout, un journal des années 1930 et 1940, antisémite et, le moment venu, collaborationniste. Et, le jour même de la parution du livre, il récidive dans l’émission « Les grandes gueules » sur RMC [3].

http://www.acrimed.org/IMG/mp3/ValGGRMC-2-2.mp3
 
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Notes

[1Un critique des médias qui n’hésite pas à intenter un procès aux réalisateurs du film « Choron dernière », Pierre Carles et Eric Martin, pour avoir mis son nom sur l’affiche du film. Alors que quelques années plus tôt, il avait soutenu le film « Pas vu, pas pris » du même Pierre Carles, dont l’affiche arborait les noms de quelques vedettes du petit écran. Le procès a naturellement été perdu par Val.

[2Lire à ce sujet – mais c’est payant ! – la réponse de François Bonnet sur Médiapart : « Valdingue ».

[3Lire à ce sujet, sur le site de Backchich, « Bakchich porte plainte contre Philippe Val ».

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