I. Indépendance ? Quelle indépendance ?
Le mensuel Lyon Mag fait partie du « groupe Lyon Mag » et déclare vendre 20 000 exemplaires chaque mois et employer 35 salariés. Or Lyon Mag connaît actuellement de grandes difficultés. Après un an et demi de bataille juridique, l’homme d’affaires Christian Latouche, PDG du groupe Fiducial, vient finalement de s’approprier le titre. Pour situer le personnage, Christian Latouche est une sorte de Serge Dassault régional : un adepte des « idées saines », pas très éloigné de celles l’extrême-droite. Il est en conflit ouvert avec Philippe Brunet-Lecomte, ancien journaliste de Lyon Figaro, directeur-rédacteur en chef du mensuel et secrétaire général de Fédération de la presse magazine régionale. Ce dernier se déclare prêt, avec son équipe, à remonter un autre titre en cas de prise du pouvoir éditorial par l’homme d’affaires. Il faut dire que Philippe Brunet-Lecomte a le verbe très haut, et qu’il n’hésite jamais à se répandre dans les médias nationaux pour se présenter autant comme un parangon de vertu que comme un héraut de l’indépendance de la presse face au pouvoir économique.
Indépendance économique ?
Philippe Brunet-Lecomte hurle donc aujourd’hui à l’atteinte de l’indépendance de son mensuel. Mais, comme il le rappelle lui-même : « On l’oublie souvent : c’est l’industriel lyonnais Roger Caille qui a lancé Lyon Mag. » Roger Caille, aujourd’hui décédé, fondateur et le PDG de l’entreprise Jet service, avait aussi lancé la chaîne de télévision locale TLM (Télé Lyon métropole). « Nous perdons un grand ami » regrettèrent… les élus de Charles Million (élu exclu de l’UDF en 1998 pour avoir fait alliance avec le Front national) lors du décès de l’homme d’affaires (20 Minutes, 11 octobre 2007).
Or le rédacteur en chef de Lyon Mag raconte ainsi ses relations avec l’ancien propriétaire, alors que celui-ci était à la retraite : « Un sacré caractère, ce Roger Caille. Tous les mois, il me passe un long coup de téléphone pour me commenter Lyon Mag, page par page. Un vrai sketch qui mériterait d’être enregistré ! Et en plus, il a l’œil. Et souvent des remarques terribles. Certains imaginent Caille comme un patron facho, bourrés d’a priori... Mais au fond, il est très libre. Aujourd’hui, il est à la retraite. Mais c’est une retraite style Caille. Une retraite active puisqu’il a racheté avec son fils un vignoble dans la région de Saint-Emilion baptisé Château L’Arrosée. Et bien sûr, ça a été plus fort que lui, il a tout remis à plat en appliquant sa méthode. Carrée la méthode, évidemment. Mais il faut avouer que le résultat est à la hauteur. Puisque son Château L’Arrosée 2004 vient d’être élu meilleur vin de l’année par un collège d’experts réputés. Franchement, je n’y connais pas grand chose. Mais il m’a invité à goûter son bordeaux. Superbe. Un vin à la fois agréable, tout en ayant du caractère. Comme son propriétaire. » (Blog de Philippe Brunet-Lecomte (lien périmé), le 23 juin 2008). Certes, l’amitié n’exclut pas nécessairement l’indépendance, mais une telle proximité laisse songeur.
L’équipe de Lyon Mag se défend désormais âprement, dans des termes auxquels on peut souscrire (bien qu’ils paraissent bien tardifs), comme en témoigne cet extrait d’un article, publié le 17 décembre sous le titre « Christian Latouche face à ses responsabilités » :
« […] l’équipe de Lyon Mag réaffirme son intention de poursuivre son combat pour défendre son indépendance. D’autant plus que ce mardi 16 décembre, le tribunal de grande instance a décidé de placer sous séquestre les actions que s’est appropriées Christian Latouche. Mais ce combat qui est loin d’être terminé, va bien au delà de Lyon Mag car aujourd’hui, l’argent et la politique ont formé un duo pervers pour asservir les médias, afin de les empêcher d’exercer leur véritable mission en étant de réels contre-pouvoirs. D’où la perte de confiance des citoyens vis-à-vis de leurs médias qui est au fond la cause profonde de cette crise qui frappe aujourd’hui la presse. Une crise qui permet aux groupes financiers d’être en position de force pour poursuivre cette reprise en main médiatique avec la bénédiction d’une majorité de la classe politique notamment à droite, au nom d’une logique de concentration qui porte atteinte au pluralisme de la presse donc au débat démocratique, sur le plan national mais aussi dans les régions. »
Analyse lucide, certes, mais ces belles déclarations d’indépendance économique sont-elles crédibles venant de Lyon Mag et surtout de son PDG ?
Ce qui est vrai de tel représentant du pouvoir économique l’est aussi des représentants du pouvoir politique local. Ainsi, l’épouse de Philippe Brunet-Lecomte, Géraldine Gacon, directrice adjointe de Lyon Mag et aussi « épidermiquement à gauche » que Carla Bruni, a été candidate lors élections cantonales de 2004 pour le maire de Lyon. Une décision unilatérale de Gérard Collomb qui déclenchera un début de rébellion (vite matée) au sein du parti socialiste lyonnais. Nous en reparlerons plus loin.
Ce qui nous intéressera d’abord ici sont les pratiques de Philippe Brunet-Lecomte. Nous ne pouvons pas recenser la liste des manquements de Lyon Mag aux principes élémentaires de la déontologie de la presse : un livre n’y suffirait pas. Néanmoins, à travers deux exemples significatifs, nous voulons éclairer sur les méthodes très particulières de ce magazine d’actualité local. En effet, si la situation de la presse nationale paraît souvent exécrable tant elle est inféodée au pouvoir économique, elle demeure un Eden au regard de celles que l’on rencontre parfois en région.
Indépendance politique ?
« Lyon Mag n’a pas la cote dans les médias lyonnais parce qu’on n’entre pas dans les cases : ni droite-ni gauche, ni conformiste-ni révolté, ni trash-ni coincé... Inclassable, libre. Donc gênant ! », répète Philippe Brunet-Lecomte [2]. La ligne « ni droite-ni gauche, contre tous les extrémismes » fixée par le rédacteur en chef de Lyon Mag recouvre en fait un engagement facile en faveur du conformisme politique contemporain. Le tout est doublé de méthodes peu reluisantes envers ceux qui y dérogent.
Lors des élections municipales de 2008, Lyon Mag a vaillamment soutenu le maire sortant, Gérard Collomb, notamment dans sa lutte contre « les extrêmes », dont on verra les effets plus loin. C’est donc en fonction de la situation politique locale qu’il faut analyser ce qu’est et ce que promet Lyon Mag.
Après avoir remporté haut la main la mairie de Lyon, Gérard Collomb a subi un sérieux revers lors des primaires cet automne au parti socialiste. Benoît Hamon, de l’aile gauche du parti socialiste, a méchamment qualifié le maire de Lyon de « moins-disant politique absolu » (25 août 2008). Gérard Collomb – c’est son choix, mais il convient de le rappeler - est l’un des rares hommes politiques français qui déclarait en 2003 « ne pas s’opposer » à la guerre en Irak de George W Bush [3] Durant la campagne des élections municipales de 2008, il aurait été très indélicat de rappeler au maire de Lyon cet épisode et aucun journaliste lyonnais n’aura eu l’impolitesse de le faire. Il convient d’être prudent : Lyon est petit et les places, dans une presse aux mains des amis du maire, peu nombreuses. La crise a pourtant fait passer de mode la ligne politique « blairiste » conduite par Gérard Collomb. Le maire de Lyon n’en demeure pas moins tout puissant dans sa ville.
En mai, la ligne « sans complaisance » (comme se définit Lyon Mag) vis-à-vis des puissants lui vaudra un soutien appuyé de toute la municipalité. Une petite sauterie – à laquelle on regrette de n’avoir pas été convié tant l’ambiance semblait fraternelle et toute désintéressée – est organisée par Lyon Mag, pour soutenir son « indépendance » dans le conflit qui l’oppose à Christian Latouche. Elle fait le plein du microcosme lyonnais pour soutenir ce quatrième pouvoir rempart de la démocratie, comme on peut le voir sur une vidéo sans paroles (ni complaisance,) mais en musique, mise en ligne sur le site du mensuel.
Le soutien apporté par la municipalité est évidemment sans rapport avec le vibrant éloge que lui décerne Philippe Brunet-Lecomte sur son blog : « C’est aujourd’hui un débat essentiel pour la vie politique française. Et Lyon joue un rôle clef dans ce débat puisqu’il a été lancé par Gérard Collomb. (…) Collomb a réuni autour de lui quelques grands élus de province en tenant un discours de rénovation. (…) Un enjeu essentiel pour la gauche mais aussi pour la droite et le centre. Car sans une gauche moderne, impossible de rénover la vie politique qui aujourd’hui est indispensable sinon urgent. (…) Et ce n’est pas parce qu’il refuse les idéologies fumeuses qu’il ne s’appuie pas sur une analyse et des convictions solides. Bref, au lieu de ricaner, la gauche devrait l’écouter avec attention. D’ailleurs Collomb définit parfaitement le malaise qui paralyse cette gauche : ‘”schizophrénie”. C’est-à-dire le grand décalage entre ses discours gauchistes et sa pratique réformiste quand elle est au pouvoir. » (19 juin 2008).
Cette conviction toute personnelle n’est pas sans effet sur le mensuel : dans son numéro de juillet, Lyon Mag ira interroger les éditorialistes parisiens pour répondre à cette question effrontée posée en une : « Pourquoi Collomb est-il boycotté à Paris ? ». Question à Christophe Barbier de L’Express : « Ce que vous pensez de sa volonté de réformer le PS par la base, en prenant exemple sur le succès des élus locaux ? »
Sur son blog, le rédacteur en chef de Lyon Mag caricature la ligne de ses confrères parisiens. Son compte-rendu des derniers événements au Parti socialiste est assez piquant. Son soutien à la ligne, qu’il qualifie de « moderne », « modérée », « ouverte »…, de Gérard Collomb est quasiment sans faille. Gloire soit donc rendue au bon maire de Lyon qui « n’a pas cédé aux surenchères gauchistes qui généralement rythment ces congrès socialistes pour flatter les militants de base. » (24 novembre 2008) L’adhérent de base qui résiste aux sirènes du social-libéralisme, voilà l’ennemi. Hélas, Gérard Collomb était du côté de Ségolène Royal, battue mais « qui aurait dû être élue au deuxième tour, si ses adversaires qui tiennent le parti n’avaient pas employé tous les moyens pour la stopper, y compris la fraude. » La défaite est dure à digérer pour Philippe Brunet-Lecomte qui se demande, pour conclure, « si Collomb va poursuivre son aventure au cœur de ce parti socialiste divisé, déstabilisé et profondément discrédité dont il s’est tenu longtemps à distance. Car le risque pour le maire de Lyon c’est de casser son image centriste. Et d’agacer ses électeurs lyonnais qui sont d’abord et avant tout des modérés donc des zappeurs politiques. Sans parler des élus qui l’ont rejoint en affichant leur sensibilité centriste voire en se déclarant tout simplement sarkozistes… »
Lyon Mag est donc un mensuel de parti pris… et qui le dissimule. Nul ne songe à l’empêcher de prendre parti, mais il serait peut être injuste, voire injurieux pour Ségolène Royal ou Gérard Collomb d’affirmer qu’ils ne sont « ni de droite, ni de gauche » comme prétend l’être Lyon Mag qui les soutient. Que le mensuel se défende contre un PDG qui voudrait faire pencher le journal nettement à droite peut être légitime, mais pas au prix d’une tromperie sur la marchandise [4]…
… particulièrement quand il se présente, non seulement comme un « contre pouvoir » et un journal d’enquêtes.
II. Enquêtes ? Quelles enquêtes ?
Dans une situation locale très difficile pour la presse, Lyon Mag jouit, hormis Le Progrès, d’une visibilité sans égale aujourd’hui dans la capitale des Gaules. Mais à quel prix ?
Le mensuel donne régulièrement dans le sensationnalisme, les interviews et articles « chocs ». On passe des prix de l’immobilier à la promotion de la dernière vedette locale. Chaque mois, une personnalité lyonnaise « teste » une automobile haut de gamme. « Comment profiter du krach ? », s’interroge un article de la rubrique économie du numéro de novembre 2008 de Lyon Mag . Nous sommes très loin (et c’est peu dire) d’une presse se distinguant des dérives des grands titres de la presse hebdomadaire nationale (Le Point, Marianne, Le Nouvel Observateur, L’Express…).
Le titre fait régulièrement parler de lui à travers ses « coups », comme cet été l’interview du père de Laurence Ferrari et le procès intenté au magazine par la présentatrice du journal de TF1 qui en découlera. Philippe Brunet-Lecomte se vante d’ailleurs de ses multiples comparutions devant les tribunaux qu’il présente comme autant de gages de son rôle de contre-pouvoir. Sur son blog, on peut lire : « Un procès en diffamation contre Lyon Mag. Généralement, je n’y vais pas car avec plus d’une centaine de procès en diffamation (gagnés à 90%) depuis le lancement de Lyon Mag, je passerais ma vie au Palais de justice. (…) Vieux repris de justice avec un casier judiciaire digne d’un ennemi public n°1, je n’étais donc pas vraiment surpris. » (23 juin 2008.)
En réalité, loin d’être la conséquence d’un audacieux journalisme d’enquête, son omniprésence devant les tribunaux est liée à des pratiques qui relèvent régulièrement du journalisme de caniveau.
Deux exemples suffiront.
Gérard Angel est une figure de la presse lyonnaise. Ancien rédacteur en chef des pages politiques du Progrès, il dirige aujourd’hui un hebdomadaire d’actualités politiques, ou plus exactement de potins, comme en témoigne son titre : Les Potins d’Angèle. Très proche ami du maire de Lyon depuis longtemps, il a été dans sa jeunesse journaliste au quotidien d’extrême-droite Minute, comme le précisait la correspondante du Monde à Lyon, Florence Landrin, voici dix ans.
Or, au printemps 2006, Lyon Mag diffuse une « carte postale humoristique » représentant Gérard Angel dans un uniforme nazi. Le montage photo est accompagné du slogan : « Bien entendu Gérard Angel n’a jamais été nazi. Et pour une raison simple : il n’était pas né à l’époque... ». Cette publicité a pour objectif de vendre l’« enquête » présentant le journaliste que publie Lyon Mag dans son numéro de mai. Gérard Angel n’est certes pas une blanche victime. Mais, dans le portrait que lui consacre Lyon Mag, figure la diffusion de ragots particulièrement délicats sur sa vie privée. Extrait : « Mélange des genres. La vie sentimentale d’Angel est complexe. Dès ses débuts en Normandie, ses collègues lui prêtent de nombreuses aventures sentimentales. (…) Sa manie d’écrire au féminin dans le Progrès sous la signature d’Angèle, mais aussi sa solide réputation de fêtard sans tabou lui vaudront des rumeurs insistantes sur son homosexualité. (…) “Avec sa voix nasillarde et son air vicieux, Angel est vraiment la tête du manipulateur d’extrême droite (…)” s’insurge un baron socialiste qui déteste Angel mais refuse d’être cité. » A des critiques qui auraient pu être légitimes, Lyon Mag substitue la police des mœurs, la diffusion de rumeurs homophobes et, à l’abri d’une citation anonyme, des insultes particulièrement élégantes.
Cette charge glorieuse suscite une indignation certaine dans le microcosme lyonnais. De nombreux messages de sympathie indignés, de tous bords, de confrères comme de politiques, afflueront vers Gérard Angel. Ce dernier engage alors un procès contre le mensuel. Philippe Brunet-Lecomte renchérit aussitôt sur le site de son magazine : « En attendant la cour de cassation, tout le monde peut aller lire l’intégralité de cette enquête sur Angel sur lyonmag.com. Une enquête qui fait fureur ! [sic !] » En appel, Lyon Mag et Philippe Brunet-Lecomte seront condamnés à 17 500 euros d’amendes pour « diffamation, injure publique et violation de la vie privée », avant de gagner en cassation et de s’en féliciter chaleureusement. Une victoire de la liberté d’informer.
Autre exemple. Lors des élections municipales de 2008, Sophie Divry [5], candidate d’une union entre la LCR, les altermondialistes et les objecteurs de croissance, a réalisé plus de 13 % des voix sur le 1er arrondissement de Lyon. Est-ce parce qu’elle représentait un terrible danger pour le maire de Lyon et ses soutiens médiatiques ? Dans l’édition de Lyon Mag d’avril 2008, courageusement, Philippe Brunet-Lecomte se sent obligé de monter à l’assaut, en renvoyant dos-à-dos les « extrêmes ». Comment ? En réalisant un portrait croisé entre le candidat du Front national lyonnais et cette « objectrice de croissance ». Deux extrêmes, un même combat : c’est bien connu. Bien en phase avec son époque, pour défendre le conformisme, la « lutte contre les extrêmes » est un leitmotiv chez le rédacteur en chef de Lyon Mag.
Lyon Mag convoque donc un psychiatre, Patrice Lemoine, pour analyser scientifiquement la matrice commune à l’engagement du candidat d’extrême droite et à celui de l’écologiste. Extrait d’une analyse fine, subtile et loin de tout amalgame odieux : « Les extrémistes de tous bord sont au fond des angoissés. Ils ont une peur fondamentale de la différence : les riches, les arabes, les juifs… (…) quand ils prennent le pouvoir, c’est toujours dramatique : Hitler, Staline, Pol Pot… ». Un « journaliste » de Lyon Mag fait un portrait tout en galanterie de cette jeune femme candidate « pas réputée pour son ouverture d’esprit. Méfiante de nature, voire parano… ». Le rédacteur définit son « style » comme « Bensancenot version bonne sœur ». Son « sexe » comme : « femme fragile qui compense en étant très agressive ». Un « psychorigide » laconique définit son « signe particulier ». Son « handicap » : « un mari qui mène un combat hystérique contre la pub ». Sa faiblesse ? « Manque d’humour ». Le rédacteur insiste sur la confession de la jeune femme. Interrogée, cette dernière se demande encore comment ce journaliste a pu connaître cet aspect de sa vie privée.
Tout occupé à dessiner la représentation que se fait un chroniqueur néolibéral d’une militante, il dépeint Sophie Divry comme « une jolie femme, même si elle ne fait rien pour se mettre en valeur. En adoptant un uniforme basique Jean et tee-shirt ». Qu’importe si cette description ne correspond à aucune réalité : le rédacteur « sait » comment une femme doit se vêtir pour lui plaire ! La suite est du même tonneau : . « “Une vraie ascète” résume un de ses proches. “Elle est très rationnelle, rigide même” » Qui est ce « un de ses proches » ? Nous ne le saurons pas. Pas plus que nous ne connaîtrons l’auteur de ce chef d’œuvre d’enquête. La capacité à différencier la calomnie et de la critique est hors de portée de tels Jack London… et d’un mensuel dont les retranscriptions orientées, voire à contresens, des propos des personnes interviewées sont réputées.
Un mois après avoir vaillamment lutté contre le retour de l’hitléro-bolchévisme à visage néo-gandhien, le rédacteur en chef de Lyon Mag marquera, comme on l’a vu, son attachement à la vigilance face au pouvoir en place, dût-il partager sa ligne politique.
Si Lyon n’est plus la capitale des Gaules, elle est devenue celle de l’amour. Elus, milieux d’affaires et médias sont ici main dans la main, loin de ces bassesses et vilains déchirements qui caractérisent une démocratie et une presse vivantes. Ce n’est en général qu’en privé que journalistes ou politiques lâchent des propos peu amènes pour Lyon Mag. La crainte d’avoir à subir à son tour un de ses « lynchages médiatiques » n’y est sans doute pas étrangère. Philippe Brunet-Lecomte trouve donc peu d’adversaires en dehors des tribunaux.
Dans ce contexte pacifié, les héros de la liberté de la presse et des médias de qualité comme la fine équipe de Lyon Mag ont de beaux jours devant eux. Philippe Brunet-Leconte, sur son blog, se rengorge : « Il y a quelques années encore, je serais venu devant ce tribunal correctionnel, comme un rebelle. Révolté d’avoir à me justifier d’exercer un droit aussi fondamental. Alors que le rôle des médias est justement d’exercer un contre-pouvoir. ». (23 juin 2008). Lyon Mag, un contre pouvoir ? Qui peut le croire, quand il est si doux avec les pouvoirs qu’il cajole ?...
Isabelle Colomès