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Gaza - Médias en guerre (1) : Sous couvert de neutralité

par Henri Maler,

Qu’ils le veuillent ou non, les médias sont toujours, volontairement ou pas, des acteurs des guerres qu’ils prétendent observer. Et force est de constater que la plupart des quotidiens nationaux (si l’on excepte L’Humanité) soutiennent explicitement la guerre israélienne que les médias de consensus (comme le sont les radios et les télévisions qui tentent de fédérer les publics les plus larges) soutiennent tacitement. Ce soutien peut être délibéré (même si cela ne va pas sans quelques contorsions) dans les éditoriaux de la presse écrite ; il est parfois plus ou moins involontaire quand l’information, sous couvert de neutralité, présente comme équivalents les adversaires en présence et, du même coup, privilégie le plus puissant d’entre eux.

Premier relevé du champ de bataille de l’information que des analyses plus précises viendront peu à peu étayer, préciser et, le cas échéant, modifier.

La plupart des médias ont commencé par présenter les bombardements israéliens contre Gaza comme des « représailles » contre la reprise des tirs de roquettes ou une riposte de « légitime défense » contre ces mêmes tirs. De l’aveu même des responsables israéliens (qui ont même fini par en convaincre quelques médias français), l’armée israélienne avait mis à profit la trêve pour préparer, non pas préventivement, mais offensivement les opérations militaires (tandis que le Hamas de son côté se préparait lui aussi à la rupture officielle de la trêve).

Variante : la plupart des médias ont présenté les bombardements comme une réponse à la rupture de la trêve par le Hamas. Or, de l’aveu même de quelques-uns de ces médias, la trêve n’a jamais vraiment eu lieu : non seulement les premières ruptures militaires sont venues de l’armée israélienne, mais le gouvernement israélien n’a jamais respecté les conditions de cette trêve, à commencer par la fin du blocus imposé à la population de Gaza.

Il n’empêche : épousant les premières déclarations du gouvernement israélien, la plupart des médias ont présenté les objectifs de l’offensive militaire israélienne comme une tentative de mettre un terme aux tirs de roquettes et, pour cela, de détruire l’infrastructure militaire du Hamas. Or, de l’aveu même de responsables du gouvernement israélien, c’est l’existence même du Hamas et de l’autorité qu’il exerce à Gaza qui est visée. Mais il fallut plusieurs jours de bombardements pour que quelques médias français finissent par s’en rendre compte.

Il n’empêche : épousant encore les déclarations du gouvernement israélien, la plupart des médias ont présenté les cibles les bombardements comme des cibles militaires, mais ils ont soigneusement gardé pour eux le fait que pour l’armée israélienne tous les membres et sympathisants du Hamas sont des militaires (qu’il s’agisse de ceux qui agissent comme tels, de la police ou plus simplement de sympathisants sans armes) et, que pour ces mêmes militaires, toutes les infrastructures administratives et civiles de Gaza sont des repères d’islamistes.

Il n’empêche : la plupart des médias, dès le début, ont affecté de croire que les bombardements israéliens n’ont fait qu’accidentellement des victimes civiles… Ainsi s’établirait – c’est un distinguo qu’affectionne le gouvernement israélien – la différence entre le terrorisme du Hamas et la guerre d’Israël. Or même si les victimes civiles ne sont pas intentionnellement visées, c’est intentionnellement que sont menées des opérations militaires qui les rendent inévitables. Un massacre n’est pas une « bavure » : la plupart des médias français peinent manifestement à l’admettre, même quand ils finissent par s’inquiéter des risques d’une « catastrophe humanitaire ».

De même, le blocus imposé à Gaza par le gouvernement et l’armée israéliens relève des actes (et même des actes de guerre) qui visent délibérément la population civile que l’on tente ainsi de désolidariser du Hamas. Le blocus, pendant 18 mois, a sans doute fait plus de victimes civiles (y compris de morts prématurées) que les tirs de roquettes. Dire cela, ce n’est en rien justifier la fin poursuivie et les moyens employés par le Hamas : c’est énoncer un simple fait.

Il n’empêche : Le Monde qui ajuste régulièrement le droit international à ses convictions, a pu, dans un éditorial, réserver aux effets des tirs du Hamas l’accusation de « crimes de guerre »… et réserver quelques larmes aux victimes palestiniennes. Et la plupart des médias français d’expliquer ou de laisser entendre qu’il fallait distinguer entre les victimes fâcheuses du blocus et des opérations de l’armée israélienne et les victimes innocentes des actions du Hamas. Quant à s’alarmer de la formidable différence du nombre des victimes, ce serait sans doute nuire à la clarté des distinctions juridiques ou morales !

Ainsi, avant même que ne commencent « les opérations terrestres » (comme on dit pour éviter d’avoir à parler d’une invasion) des informations étaient taillées à la mesure des commentaires. Or ceux-ci, dans la plupart des quotidiens nationaux ont déploré, pour reprendre le langage des plaidoiries diplomatiques, un « usage disproportionné de la force », en condamnant non seulement la politique du Hamas, mais aussi, comme ils l’ont toujours fait par le passé, toute résistance des Palestiniens, et en adressant au gouvernement israélien les admonestations morales et les conseils politiques dont il ne tient aucun compte depuis soixante ans.

Pourtant, Laurent Joffrin, dès le 29 décembre, était déjà inquiet d’une éventuelle dégradation de la « supériorité morale » d’Israël (sic) [1].

C’était avant l’invasion de Gaza…

A suivre, hélas.

Henri Maler

PS. Une fois n’est pas coutume : cet article sera peut être complété ou modifié ultérieurement. Titre complété le 11-01-2009.

 
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Notes

[1Évoquant la dénonciation par Israël des tirs du Hamas sur les colonies situées à la frontière de Gaza, Laurent Joffrin écrit : « On a raison de dénoncer les attaques contre les populations ; mais on court le risque de perdre sa supériorité morale quand on recourt aux mêmes méthodes meurtrières »

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