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2009, l’année du dilemme à l’AFP : grève dure ou ouverture du capital ? (SNJ-CGT)

Nous publions ci-dessous un communiqué du SNJ-CGT daté du 8 janvier 2009. (Acrimed)

L’exercice traditionnel des vœux s’annonce particulièrement difficile cette année à l’Agence face à la volonté du PDG de présenter un changement radical du statut qui a permis à l’AFP de vivre et de se développer pour devenir une référence dans le club très fermé des agences mondiales avec AP et Reuter.

Il n’est plus temps de se bercer d’illusions. Les personnels de l’AFP vont bien être confrontés au brutal dilemme dès les premiers mois de l’année : soit laisser faire la Direction soit s’opposer à l’ouverture du capital, qui serait un projet mortel pour l’indépendance rédactionnelle, pour l’emploi, pour le statut de l’agence et des personnels.

La pétition « SOS-AFP.ORG » [1] est déjà un grand succès : près de 11.000 signataires à ce jour, et le potentiel d’en faire beaucoup plus. Faisons en sorte d’exploiter au maximum cet outil qui permet à des personnes partout en France, et à travers le monde, d’exprimer leur attachement à notre Agence et à son statut.

En même temps il ne fait aucun doute que le sort de l’AFP dépendra également, une fois de plus, de la réaction de son personnel. Soit une mobilisation forte contraindra le PDG et l’Etat à revoir leur copie, soit le projet d’ouverture du capital de l’AFP, premier pas vers une inéluctable privatisation, s’appliquera.

Et l’AFP, comment ça va ? COM ci, COM ça...

Face à cette échéance, et avec plus d’un demi-siècle d’AFP version « statut de 1957 », où en est la seule agence mondiale non anglo-saxonne ? A suivre la communication qui a entouré le Conseil d’administration reconduisant le PDG dans ses fonctions, tout irait plutôt bien : le monde entier entre dans la crise mais l’AFP en sort ! Trésorerie rétablie, comptes assainis. Tout cela par la grâce d’un PDG bon gestionnaire. Donc particulièrement crédible pour initier un débat sur l’avenir de l’entreprise qu’il a si bien su redresser. Le SNJ-CGT ne veut pas gâcher la fête et se félicite donc des énormes progrès réalisés par notre patron !

Et oui, ce n’était pas gagné d’avance. Il faut quand même se souvenir que Monsieur Louette n’est pas arrivé à l’Agence qu’au début de son premier mandat. Il était là bien avant et pas dans un rôle de figurant. Il a connu les « bonus », les projets mort-nés (dont, en solo là, le prévisible échec de la coûteuse opération « pages froides »), le retard au démarrage de la vidéo, soutenu le projet de « départementalisation » de la photo.

Bercy avait posé comme condition au deuxième mandat du PDG précédent, Bertrand Eveno, la création d’un poste de No2 « gestionnaire » pour veiller notamment au suivi du COM1, une sorte de « Monsieur COM ».

Eveno parti, le No2 passa No1 !

OK, le démarrage fut laborieux mais après, c’est bien lui qui a redressé la situation ? La réalité est un tout petit peu plus compliquée.

En premier, le chiffre d’affaires est de nouveau sur une pente ascendante... Mais notre PDG semble ignorer qu’à l’exception de la période « Eveno », le chiffre d’affaires de l’AFP a toujours progressé, plus ou moins vite certes, mais constamment, notamment à l’international. Au point que les abonnements de l’Etat, bien que suivant peu ou prou l’inflation, sont ainsi passés de quelque 70%, dans les années soixante-dix, à 40% du chiffre d’affaires total de l’Agence.

L’AFP « statut de 57 » est ainsi une formidable machine avec toutefois un point faible : une entreprise avec « de très bons professionnels mais pas de gestion », résumait avec concision l’Inspection Générale des Finances dans un audit sur l’Agence dans les années 90.

Pour le reste, trois facteurs sont à l’origine du récent, et plus que fragile, « assainissement » des comptes : les ventes d’actifs, un taux de change extrêmement favorable et le COM !

Les ventes d’actifs (AFX et Fileas) avaient été présentées par Pierre Louette comme devant financer le développement. Elles ont de fait été englouties dans le comblement d’une partie de la dette. Ainsi, en 2006, l’année de la vente d’AFX, le PDG n’hésitait pas déjà à se glorifier du « meilleur résultat depuis 1980 ». En réalité, sans les 12 millions d’euros de cette cession, le résultat aurait été de -9 millions ! Mais maintenant que tous les bijoux de famille ont été vendus... alors on envisage de vendre tout ou partie de la maison mère !

Le redressement de la marge d’exploitation n’est pas le fruit d’une bonne gestion mais pour l’essentiel la conséquence mécanique d’un taux de changes particulièrement favorable. Les dépenses de l’AFP dans la zone dollar sont sensiblement plus élevées que ses recettes : un dollar particulièrement faible face à l’euro limite beaucoup plus nos dépenses qu’il ne pèse sur nos recettes et la marge en bénéficie.

A ce stade, on reste dans une gestion « au fil de l’eau » qui bénéficie d’un contexte favorable et qui comble les trous en vendant des actifs. Mais on en vient maintenant au seul vrai point de « gestion ». Le COM, maintes fois dénoncé par la CGT, aurait donc une action efficace sur les comptes de l’Agence ? C’est incontestable, mais c’est le personnel qui paye !

Le COM : une potion qui conduit le malade à mourir guéri

Le COM s’articule autour de deux chiffres : des prévisions de croissances d’une part et de charges de l’autre. Il suffit de regarder les résultats du COM1 pour comprendre la logique du système.

Côté prévisions de recettes, on nage dans la COM..unication. Des « objectifs ambitieux » : le COM2 se présente, comme son prédécesseur, avec des prévisions de hausse du chiffre d’affaires miraculeusement supérieures à la tendance actuelle (+4,7% de moyenne par an alors que le budget 2009 se limite à espérer 3,3%).

On trouvait déjà cet optimisme forcé dans la première mouture : pour 2005 -dernière année à périmètre comparable avant la vente d’AFX- le COM1 misait sur des recettes à 269 millions d’euros. Las, la réalité s’est limitée à 255,4 M euros, soit quand même un écart de -13,6 M euros.

Qu’a fait notre Monsieur COM, en bon gestionnaire ? Il a compensé. Comment ? En étant nettement plus performant sur les économies de personnel que sur le développement du chiffre d’affaires !

Comment ? Perte du pouvoir d’achat qui ne suit pas l’inflation, réductions des piges, pression sur les postes de CDD et de salariés locaux... « Ils » appellent cela, la « maîtrise de la masse salariale » et là « ils » font mieux que leurs prévisions !

Ainsi, côté charges de personnel, le COM1 visait pour 2005 un objectif « frais de personnel » de 183,6 millions d’euros mais ce chiffre se limita à 176 millions soit 7,6 millions de gagné par la direction sur notre dos et plus de la moitié du retard constaté sur les recettes : qui a dit que le personnel n’était qu’une variable d’ajustement ?

Et en 2006/2007 ? La comparaison de recettes souffre de la disparition d’AFX -sans tenir compte d’AFX cela progresse (+ 3,6%) mais en chiffres bruts le chiffre d’affaires stagne- mais côté charges de personnel, force est de constater que la pression s’accentue : nos « gestionnaires » sont allègrement passés du stade de la « maîtrise » à celui de la baisse nette ! A l’exception des cadres administratifs, la baisse des effectifs touche toutes les catégories, ce qui se traduit par un RECUL de la masse salariale de 519.000 euros.
Et le PDG, là aussi, peut mieux faire ! Il suffit de regarder les points concernant le personnel dans le COM2 qu’il a « négocié » avec l’Etat :

- « la progression des frais de personnel est limitée à 2,84% par an » : mais comment vont-ils faire ? Selon une étude du Cabinet Mazars -le Cabinet de la direction- la hausse naturelle (à effectifs constants) de la masse salariale (inflation, plan de carrière, prime d’ancienneté...) est de 3,6% par an. La réponse est dans les points suivants :

- « en s’appuyant sur le jeu des mouvements créés par les départs naturels, ou aidés le cas échéant »

- « l’Agence poursuivra activement sa politique de redéploiement, 5% de l’effectif journalistique mondial devrait être redéployé »

Déshabiller Pierre pour habiller...Louette...plan social...est-ce compatible avec une logique de développement dans une entreprise de main-d’œuvre ? Cela permet peut-être de rétablir les comptes et la sacro sainte « marge » mais dans quel état sera l’AFP à force de tailler dans ses indispensables moyens humains, toutes catégories confondues ?

Ou l’objectif est ailleurs que dans le développement de l’Agence dans les règles d’indépendance définies par son statut historique et là on passe à la case suivante :

Statut, un seul objectif : la capitalisation de l’AFP

Il est de bon ton de concéder des « points d’obsolescence », l’absence de « tabou », une indispensable « modernisation »... Mais il n’est plus temps de se voiler la face : le seul point en cause dans le statut est le verrou législatif qu’il oppose à une ouverture du capital.

Le statut a été défini en 1957 par le législateur pour permettre l’existence d’une agence indépendante économiquement, base minimum de son indépendance rédactionnelle. Avec le temps, dans la période « moderne » actuelle, l’âpreté des marchés et les volontés de toutes parts de contrôler les médias seraient-ils moindres qu’en 1957 ? Un réel doute habite le SNJ-CGT. Le statut de 57 fait que l’AFP n’appartient à personne. Elle est de fait son propre propriétaire. C’est visiblement ce qui semble incongru !

Personne, « bien intentionné » mécène, fondateur ou autre cheval de Troie, ne peut actuellement entrer dans le « capital » de l’AFP sans le vote par le parlement d’une loi. Si cette loi est modifiée pour permettre l’entrée d’institutionnels ou de « fondateurs », rien ne s’opposera ensuite à toutes les turpitudes que connaissent les entreprises « à capital ». Quelles que soient les déclarations liminaires de bonne intention, les golden share ou autres noyaux durs, les exemples ne manquent pas de modifications de capital qui font que l’entreprise se retrouve ensuite prise dans toutes les contingences du marché. C’est un risque mortel pour l’AFP que nous connaissons. Un temps cela a été présenté comme un risque incontournable pour trouver les moyens du développement de l’AFP.

Maintenant, il ne s’agit que de trouver la compensation du désengagement annoncé de l’Etat !


Désengagement de l’Etat : un abandon politique pour faire place au « marché »

Le PDG a reconnu que l’Etat envisage une « débudgétisation » de l’AFP. Nous avons assez souvent souligné le rôle fondateur de l’Etat dans l’existence de l’AFP.

Les représentants actuels de cet Etat auraient donc des velléités de revenir sur ce choix politique de doter la France d’une agence mondiale d’information, constance depuis plus d’un demi-siècle, et de se retirer au moins partiellement.

A quelle hauteur se situe la « débudgétisation » envisagée ? Une précédente tentative de privatisation (Giuily) avait fait ressortir que la « majoration » des abonnements indispensables de l’Etat à un fil d’information tournait autour de 25%. Cela pourrait donc annoncer une « débudgétisation » de quelque 25 à 30 millions d’euros par an.

Quel serait l’intérêt de qui que ce soit d’entrer dans le capital de l’AFP pour suppléer à la défaillance de l’Etat avec la garantie de ne pas avoir de retour sur investissement ? A moins que l’intérêt ne soit pas financier mais vise le contrôle, la mainmise sur un média reconnu à la signature respectée...tout en assurant que cela se fera, cela va de soi, dans le respect de l’article 2 de l’actuel statut !

Il faut parallèlement rappeler que la Direction actuelle met déjà en danger, par sa politique, ce fameux statut en échafaudant des projets dangereux pour les contenus et la crédibilité de l’agence : filiale américaine Newswag (500.000 euros) dont on aimerait bien connaître l’impact. Tout comme les participations dans la plateforme Citizenside de journalisme citoyen, sans oublier la dernière lubie du PDG de créer un fil Loisir en pleine crise économique avec une entreprise (Relaxnews) peu renommée en matière de respect des droits sociaux des salariés et dont l’un des dirigeants est par ailleurs lié au projet de reprise de la structure française de AP... qui dit mieux pour les leçons de gouvernance.!!!

Le sort de l’AFP une nouvelle fois dans les mains de son personnel

Il n’y a plus rien à vendre à l’AFP : le siège a été vendu, les filiales ont été vendues, seule l’AFP historique avec son immense garantie statutaire, légale, reste à vendre !

Dans chaque grande crise -Pigeat en 86, Giuily en 99- le scénario est le même : tout semble joué, perdu, jusqu’a ce que le personnel se mobilise et impose les conditions d’un dialogue qui permette de sauver l’Agence. Mais chacun doit prendre ses responsabilités, l’heure n’est plus à l’angélisme devant l’imminence de la menace : soit on se donne les moyens de faire prévaloir la raison, soit la loi sera modifiée et l’AFP dotée d’un capital comme toute entreprise du marché.

Dans un premier temps, le PDG ne doit pas faire son « de Carolis » et doit refuser de présenter une « modernisation » du statut portant sur la création d’un capital de l’AFP sous quelque forme que ce soit.

Le SNJ-CGT utilisera toutes les possibilités de dialogue pour l’en convaincre. Dans le cadre du Comité d’entreprise, dans toutes les négociations, à travers un droit d’alerte permis par le Code du Travail. En espérant que l’ampleur de la pétition l’incitera, ainsi que ses interlocuteurs au plus haut niveau, à respecter et préserver un statut qui a permis à l’AFP de devenir une des trois seules agences mondiales d’information.

Mais si, d’aventure, le projet d’ouverture du capital de l’AFP est maintenu, nous rechercherons l’unité la plus large pour mettre en place une mobilisation du personnel qui permette de sauver l’AFP.

SNJ-CGT, le 8 janvier 2009.

 
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Notes

[1Voir ici même. Et voir la pétition en ligne(note d’Acrimed).

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