Non, semble-t-il, puisque les quatre « personnalités » pressenties pour intégrer cette « autorité administrative indépendante » (comme disent à l’unisson le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel) évoluent toutes dans le giron de l’UMP. Le Figaro du 12 janvier indiquait les noms de Françoise Miquel, Dominique Richard et Emmanuel Gabla, tandis que le Bulletin Quotidien mentionnait le 14 janvier celui de Dominique Paillé.
Bien heureusement pour nous, Le Figaro – sous le titre « Suspens autour de la nomination des nouveaux membres du CSA » – se propose de nous éclairer sur les critères de désignation pour ces mandats de six ans. Ainsi est-il affirmé doctement : « La nomination des membres du CSA est toujours un délicat exercice d’équilibrisme. Le CSA étant soucieux de la parité, il faudra au moins une femme pour remplacer les deux qui quittent le régulateur de l’audiovisuel. Dans une perspective de convergence entre l’audiovisuel et les télécoms et donc d’un rapprochement entre le CSA et l’Arcep (régulateur des télécoms), l’arrivée d’un ingénieur serait souhaitée. Enfin, il faut des connaisseurs de l’audiovisuel public et du monde de la production audiovisuelle ».
Préférant exhiber le passé d’élu (« ancien député ») de Dominique Richard et la compétence spécifique de Françoise Miquel (« chef de la mission de contrôle de l’audiovisuel public »), le journal de Serge Dassault – lui-même sénateur UMP – omet au passage et en toute indépendance que le premier est bien un ancien député UMP du Maine-et-Loire (battu en 2007), et que la seconde fut candidate (et échoua tout autant) aux élections législatives de 2007 pour le compte de… l’UMP.
Quant à Dominique Paillé, qui n’est pas évoqué dans le Figaro, il est tout simplement – d’après le Bulletin Quotidien – « conseiller (relations avec les partis et organisations politiques) du président de la République Nicolas Sarkozy, porte-parole de l’UMP (depuis 2008), ancien député (UMP) des Deux-Sèvres ». Encore faut-il préciser qu’il a lui-aussi été battu aux élections législatives de 2007. De sérieux gages d’indépendance dans un univers où pullulent connivences et complaisances de toutes sortes…
Emmanuel Gabla, lui, a le bonheur non seulement d’être ingénieur (« X télécom » comme l’assène le Figaro), mais aussi d’avoir été directeur adjoint du cabinet ministériel de Patrick Devedjian au ministère de l’industrie, ce qui n’est pas peu de choses pour une institution qui – comme le CSA – prétend à l’indépendance politique.
Il est vrai que Le Figaro précise – « suspense », donc – qu’il existe d’autres candidats susceptibles d’être « tout aussi bien placés pour entrer au CSA ». Et de mentionner Philippe Chazal, conseiller spécial du président d’Arte France, Pierre-Henri Arnstam, ancien directeur de l’information de France 2 et producteur du Téléthon, Yamina Benguigui, réalisatrice, Françoise Laborde, journaliste et présentatrice du JT de France 2, et Ghislain Achard, ancien directeur général de France Télévisions. Mais manifestement Le Figaro préfère ne pas trop croire aux chances de ceux-là.
« Suspense » … Le principal critère retenu pour procéder à ces nominations tiendra-t-il non seulement à l’allégeance au président de la République, voire à l’appartenance à son parti (ce qui ne devrait guère étonner tant il est vrai que l’indépendance du CSA est une chimère), mais également à la nécessité de reclasser le personnel politique de l’UMP (c’est du moins le cas pour Paillé, Richard et Miquel) ? L’autorité prétendument « indépendante » se révèlerait alors, si du moins les nominations qui enchanteraient Le Figaro se confirmaient le 24 janvier, la voiture-balai de la majorité parlementaire, autrement dit un moyen parmi d’autres de distribuer de prestigieux strapontins à des amis politiques en mal de prébendes.
Ugo Palheta
– Voir le dénouement : « Nominations au CSA : frustrations à l’UMP ? », 25 janvier 2009.