Les États généraux de la presse écrite font penser à une grande mascarade « libérale »
Les patrons de la presse écrite refusent tout débat sur l’avenir de l’écrit aux syndicats de journalistes, pourtant les premiers concernés, depuis de nombreuses années. Pour justifier leur attitude, ils présentent la perte de lectorat comme une fatalité.
Ils ont préféré attendre la bénédiction d’un président de la République ultralibéral pour l’organisation des États généraux de la presse écrite. Doit-on s’en étonner ?
La composition des 4 pôles retenus et le choix de leurs présidents apportent la réponse. Entre patrons on se comprend et on partage les mêmes ambitions : obtenir toujours plus de nouvelles aides, réviser les lois qui, à les entendre entravent le bon fonctionnement de leurs entreprises (loi Bichet), terminer le travail d’éradication de l’organisation syndicale des ouvriers du Livre et de casse du statut du journaliste, notamment. Refonder la presse, pour eux, doit se circonscrire à légitimer leur politique antisociale et la faire entériner par Nicolas Sarkozy !
Bref, les États généraux ne visaient ni à redonner de la crédibilité à l’information, ni à remettre en cause leurs politiques éditoriales.
Les préconisations des États généraux visent, au contraire, à sortir définitivement des règles issues de la Libération et du pluralisme d’idées pour mieux rentabiliser une multiplicité de titres monocolores. C’est le triomphe de la financiarisation de la presse et une grave défaite pour la démocratie.
Mais en s’en remettant au politique, les patrons de presse ont fait le choix de l’allégeance ; ils sont les vassaux du suzerain à qui ils ne pourront rien refuser, notamment en matière de déférence. Les journalistes seront les premières victimes de cette proximité de leurs patrons vis-à-vis de la caste au pouvoir ; les lecteurs seront les autres victimes, qui auront toutes les raisons d’amplifier leur méfiance, non à l’égard des journalistes, mais des médias.
Nicolas Sarkozy, en apportant la caution de la plus haute autorité de l’État à cette mascarade, porte une lourde responsabilité. Il y trouve un intérêt immédiat pour lui-même, ses visées électorales et sa politique autoritaire et un intérêt à plus long terme pour ses amis, pour lesquels l’information est une source de profit, mais il sera jugé sévèrement par l’Histoire.
Les États généraux ont été tenus sans le tiers état. Les syndicats avaient depuis longtemps mis en exergue les dangers de la concentration, de la précarisation, de la pipolisation, du moins-disant informationnel, de la course au scoop qui font plus appel à l’émotivité qu’au raisonnement ravalant l’information au rang de produit et donc conduisant à des politiques antisociales pour abaisser les coûts et doper les profits.
La crise économique dont les salariés ne sont en rien responsables est utilisée comme prétexte pour permettre aux groupes de presse de lancer des plans de réduction d’emplois.
Quelles que soient les préconisations retenues par Nicolas Sarkozy, les États Généraux risquent d’être à l’instar de la Commission Copé pour l’audiovisuel, un leurre pour masquer la mise en coupe réglée de la presse, des journalistes et donc les citoyens.
Le SNJ-CGT apporte ici ses principales propositions après la publication du Livre Vert en rappelant qu’il avait appelé la profession à de vrais États Généraux plus que jamais nécessaires à une vraie démocratie.
Des droits d’auteur inaliénables et sécurisés
Le pôle « Métiers du journalisme » s’est approprié la question des droits d’auteurs des journalistes, excluant ainsi les autres pôles, et notamment celui qui était intitulé « Presse et Internet », donnant ainsi la priorité à l’examen global de la problématique, plutôt qu’à un traitement partiel.
Au terme de ses travaux, le pôle présidé par Bruno Frappat a décidé de soutenir les propositions du document baptisé « le Blanc », élaboré par le groupe de réflexion des droits d’auteur à l’issue de deux ans de discussions. Toutefois, en notant que « la débat ne porte que sur la cession du droit patrimonial des journalistes, c’est-à-dire la question de la réutilisation de leurs productions », il commet une grossière erreur.
Le droit d’auteur est unique ; droit patrimonial et droit moral sont, en effet, indissociables.
Réaffirmer que le droit moral ne saurait être remis en cause relève du vœu pieu. En effet, aujourd’hui, on sait que, au quotidien, les articles et photographies notamment, œuvres de journalistes sont déjà soumis à des « retouches » plus ou moins importantes pouvant aller jusqu’à leur dénaturation complète, sans accord de l’auteur !
Le pôle Frappat prétend que « le groupe souhaite cependant dans sa forte majorité que soit mieux explicité le périmètre relevant de la cession automatique des droits » telle qu’elle est prévue par le Blanc. Ses préconisations sont le résultat d’un compromis et ne sauraient être remises en cause sous peine de déséquilibrer son esprit et son économie.
Le Blanc a défini avec précision la publication de presse à laquelle une cession automatique pourrait être consentie. Il exclut les groupes, mais il prend soin de laisser éditeurs et syndicats de journalistes régler certaines situations particulières « par voie contractuelle via la négociation collective ». Les rédacteurs du Blanc n’ont pas envisagé de définition de « périmètres élargis ».
Enfin, le pôle Frappat se déclare « attaché à la pérennisation des accords individuels et collectifs existants et à leur principe » et préconise une « période de transition ».
Pour le SNJ-CGT, les accords individuels ont été le plus souvent imposés aux journalistes lors de la signature de leur contrat de travail, c’est-à-dire quand ils sont les plus vulnérables, et la philosophie du Blanc est d’aboutir à des accords collectifs, soit dans la forme de presse, soit dans l’entreprise, sécurisés par la loi, pour éviter les effets pervers des contrats individuels imposés et restrictifs, voire même léonin.
Pour le SNJ-CGT, le Blanc ayant pris soin de préciser que la cession automatique des droits durant la période de référence (à définir par vois contractuelle via la négociation collective) et couverte par le salaire est indissociable de l’existence d’une rémunération garantie aux journalistes en contrepartie des exploitations au-delà de la période de référence, toute autre solution ne saurait recevoir son assentiment.
Multimédia : une exigence d’indépendance
Internet, la convergence numérique (textes, sons et images avec les mêmes supports) et l’émergence de médias en ligne « pure players » entraînent des bouleversements incontestables dans l’économie des médias mais aussi dans la manière de produire de l’information, de la faire circuler et d’y accéder pour le citoyen.
Pour le SNJ-CGT la révolution technologique en cours ne doit en aucun cas être un prétexte pour une dérégulation sociale, un affaiblissement des critères éthiques et déontologiques ou pour la recherche des profits maximum grâce aux concentrations et à la marchandisation de l’information sur le web.
Internet, espace public et forum citoyen par excellence doit échapper à la seule logique de l’argent.
Plus que jamais un pôle public élargi, non marchand et dynamique a un rôle central à jouer sur la toile pour fournir des contenus et servir de référence en matière d’information.
Revendications du SNJ-CGT
- La reconnaissance juridique des médias en ligne permettant l’attribution d’un numéro de commission paritaire, l’emploi de journalistes, l’accès aux aides à la presse et aux tarifs spéciaux, doit se faire sur les mêmes critères de contenus que les médias « traditionnels ».Cette reconnaissance doit aussi concerner les médias associatifs producteurs d’informations qui respectent les mêmes critères.
- L’attribution des aides à la presse dont les montants et la répartition doivent être clarifiés, revus et renégociés, doit être conditionnée au respect de critères sociaux tels que la lutte contre la précarité, le respect des conventions collectives et du droit du travail y compris dans les médias en ligne.
- Le développement de la presse en ligne doit se faire avec des effectifs rédactionnels spécifiques et affectés avec des organisations du travail négociées dans chaque entreprise. Si les journalistes ont des compétences multiples elles doivent être rétribuées en conséquence mais la polyvalence des tâches et leur simultanéité sous prétexte de productivité sont inacceptables.
- Dans la presse en ligne comme dans la presse imprimée, la séparation entre l’information et la communication ou la publicité doit être clairement garantie. De même, les contributions des internautes doivent être identifiables comme telles et faire l’objet d’une modération sous la responsabilité du directeur de la publication.
- Les géants Google ou Yahoo sont les principaux bénéficiaires de la publicité sur Internet (800 Millions à un Milliard d’euros de chiffre d’affaire en France pour le seul Google) grâce à des contenus auxquels ils ne contribuent pas et qu’ils ne financent pas. Le SNJ-CGT réclame donc la taxation des recettes publicitaires sur internet au bénéfice des producteurs de contenus en ligne, en particulier ceux qui fonctionnent sans ressources publicitaires.
- Dans le même esprit (utilisation de contenus non financés), le SNJ-CGT réclame une véritable transparence sur les tarifs d’abonnements de l’AFP sur internet, et, si besoin est, qu’ils soient renégociés.
- Face à la marchandisation accélérée d’Internet et à la constitution de monopoles en cours, les pouvoirs publics doivent favoriser (y compris au niveau européen) le développement et le financement d’un moteur de recherche public et gratuit dégagé de toute logique commerciale.
- Le SNJ-CGT réclame également plus que jamais la constitution d’un pôle public de l’information élargit intégrant l’AFP, France télévisions, Radio France, l’INA, Arte, les chaînes parlementaires et l’audiovisuel extérieur. Ce pôle dont l’indépendance par rapport au pouvoir politique doit être garantie par la loi doit disposer de moyens de financement publics suffisants et pérennes. Les entreprises qui le composent doivent être dotées de moyens de production et fonctionner de manière coopérative pour devenir des références exemplaires dans l’univers numérique.
Une formation de qualité pour une profession ouverte
Le pôle « Métiers du journalisme » a placé au début de son rapport les questions de la formation professionnelle des journalistes, marquant par là leur importance.
Le pôle a retenu sept propositions qui, pour l’essentiel, ne répondent pas aux problèmes rencontrés par les journalistes aujourd’hui. Ces sept propositions sont les suivantes :
- Assurer à tout journaliste qui n’aurait pas bénéficié d’une formation initiale reconnue, dans les trois premières années de son exercice professionnel, des actions de formation continue ;
– créer un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) unique aux métiers du journalisme ;
– limiter le nombre de cursus de formation initiale reconnus par la profession ;
– attribuer des bourses d’État ;
– transformer l’Observatoire des métiers de la presse en centre de recherche ;
– créer une « plate-forme technique de formation des écoles reconnues ;
– initier une conférence nationale des métiers du journalisme réunissant écoles et éditeurs.
Pour le SNJ-CGT, loin des propositions gadgets, la formation des journalistes devrait être repensée de fond en comble afin de répondre aux besoins de celles et ceux qui travaillent chaque jour à l’information des citoyens dans des conditions de plus en plus difficiles ou qui se forment pour assumer cette responsabilité importante.
Aucune condition de diplôme n’est exigée pour entrer dans la profession. Le SNJ-CGT reste très attaché à cette ouverture de la profession. En revanche, il revendique une formation initiale et continue de haut niveau, ce qui nécessite les financements adéquats. Toute la presse ne va pas mal, contrairement à ce qui est couramment propagé. Et le SNJ-CGT souhaite que, avant de verser des bénéfices à deux chiffres aux actionnaires, les entreprises de presse consacrent les crédits nécessaires à la formation initiale et continue de ceux qui recherchent et mettent en forme l’information.
Sur la formation initiale et les écoles de journalisme
Le SNJ-CGT considère que la formation initiale au journalisme devrait être dispensée dans le cadre de l’université, celle-ci étant la seule à pouvoir échapper aux pressions des éditeurs pourvoyeurs de crédits de fonctionnement via la taxe d’apprentissage. En outre, il est de la responsabilité de l’État d’assurer la formation des professionnels qui auront la tâche d’informer les citoyens ; celui-ci devant y consacrer les crédits suffisants.
Le recours à une formation dans des établissements publics permettrait de mettre en place d’un diplôme national. Cela faciliterait aussi la coopération entre écoles de journalisme et la mutualisation des moyens techniques lourds.
La proposition du SNJ-CGT, formulée depuis de nombreuses années, a le mérite de la simplicité. En premier lieu pour l’établissement d’un diplôme unique (le référentiel de l’Université et celui élaboré par la CPNEJ pourraient former le socle de ses objectifs et de son contenu).
En ce qui concerne le contenu des études, la priorité doit être donnée à l’enseignement des fondamentaux du journalisme, mais aussi et surtout au développement de l’esprit critique (nécessaire pour faire face aux pièges de plus en plus nombreux tendus par les services de communication) et au respect des principes professionnels.
L’enseignement universitaire a l’avantage d’être gratuit et de permettre l’octroi de bourses sur critères sociaux. Les frais de scolarité exorbitants disparaîtraient d’eux-mêmes… La proposition n°4, consistant à « attribuer des bourses d’État sur critères sociaux aux élèves des écoles de journalisme » surdiplômés ne répond pas aux besoins d’ouverture de la profession aux jeunes d’origine modeste. Comme les syndicats étudiants, nous préconisons l’attribution d’une allocation d’autonomie pour tous.
Le temps passé chaque année par la CPNEJ (qui comprend les représentants des syndicats de journalistes et ceux des organisations patronales de la presse écrite et de l’audiovisuel) à l’examen de la reconnaissance des écoles est considérable. Libérée de cette obligation, la CPNEJ aurait enfin le temps de contrôler la qualité de la formation continue et de se consacrer à l’emploi des journalistes, la première de ses missions.
Le SNJ-CGT refuse l’instauration d’un numerus clausus de la formation initiale alors que les trois quarts des journalistes n’ont pas de formation initiale en journalisme.
Sur la formation continue.
Le SNJ-CGT ne peut que regretter la propension des éditeurs à ne pas consacrer beaucoup plus que le minimum légal pour financer la formation, ce qui est très insuffisant dans des entreprises de presse et à se tourner toujours plus vers les aides de l’État.
·Le SNJ-CGT demande que les plans de formation d’entreprise soient abondés des sommes nécessaires, notamment pour que les besoins de formation des journalistes les moins formés (ou des autres salariés) soient couverts. Le SNJ-CGT revendique notamment l’augmentation de la part versée pour le CIF.
· A l’heure où les plans de licenciements et les « compressions d’effectifs » se multiplient dans les rédactions, où la productivité du travail augmente considérablement et où les collègues partis en retraite ne sont pas remplacés, comment trouver le temps de se former en plus du reste ? Le SNJ-CGT demande que le temps nécessaire à la formation soit réellement dégagé et que les salariés en formation soient remplacés. Le SNJ-CGT revendique le droit minimum à une semaine de formation par an.
· Les comités d’entreprise (à défaut les DP), en tant qu’instances représentatives du personnel, doivent bénéficier d’un véritable droit de contrôle sur l’utilisation des crédits formation dans l’entreprise, sur les versements obligatoires (CIF, taxe d’apprentissage) et sur l’attribution d’aides d’État (qui doivent être conditionnées au respect des normes sociales).
· Le SNJ-CGT exige que les organisations patronales signent enfin l’avenant à l’accord sur la formation presse écrite pour les journalistes rémunérés à la pige, négocié pendant 2 ans et approuvé par six syndicats de journalistes. Les pigistes sont des journalistes comme les autres et doivent bénéficier du congé de formation (CIF) et du droit individuel à la formation (DIF), que les patrons de presse leur refusent depuis trop longtemps, de même que du droit à la formation dans le cadre du plan de l’entreprise.
· Le SNJ-CGT défend depuis de nombreuses années la revendication d’une formation de deux mois minimum, hors de l’entreprise, dans la première année d’activité pour les journalistes n’ayant pas suivi une formation initiale reconnue. Cela s’est pratiqué pendant plusieurs années dans la presse quotidienne régionale. Nous nous félicitons qu’une proposition approchante ait été retenue, mais nous craignons que son application ne rencontre de sérieuses difficultés. Les jeunes journalistes sont pour plus de la moitié employés à la pige, l’autre partie étant souvent en contrat précaire. Or, les pigistes et les CDD se voient refuser l’accès à la formation. Sans obligation contraignante, il est à craindre que cette bonne idée ne reste qu’un vœu pieux. Par ailleurs, le SNJ-CGT refuse que ces jeunes salariés soient contraints d’utiliser leur DIF pour se former ; il préconise que cette obligation nouvelle soit inscrite dans la loi.
A propos des OPCA et du financement
· Le SNJ-CGT est favorable au regroupement des deux OPCA de branche qui financent les formations des journalistes, car les points communs sont nombreux entre Médiafor (presse écrite) et l’Afdas (audiovisuel), de nombreuses entreprises de presse siégeant dans les deux OPCA.
· Le SNJ-CGT se prononce pour la transparence du financement de la formation et le contrôle par les représentants des salariés de toutes les sommes collectées et attribuées au titre de la formation continue ou de l’apprentissage, au niveau de la branche et des entreprises.
Libérer les journalistes, d’abord
Les questions des principes professionnels, terme que nous employons de préférence à celui de déontologie, ont fait l’objet de toute l’attention de deux pôles des États généraux, celui des Métiers du journalisme et celui de Presse et société (notamment le sous-groupe consacré à la Confiance). Le pôle Métiers du journalisme a retenu trois propositions, la création d’un Conseil de presse, puis la constitution d’un groupe de sages pour rédiger un projet de code déontologie et, enfin, l’adoption de chartes éditoriales dans toutes les entreprises.
Le sous-groupe Confiance a retenu, pour sa part, cinq mesures phares :
– L’annexion d’une charte déontologique à la convention collective des journalistes (à discuter par les partenaires sociaux). Cette charte devra être signée par tous les journalistes au moment de leur première demande de carte d’identité professionnelle et tous les cinq ans au moment de son renouvellement.
– Les jeunes journalistes devraient suivre une formation de 5 jours aux questions de déontologie pour obtenir leur première carte d’identité professionnelle.
– Les journalistes déjà titulaires de la carte professionnelle devraient suivre tous les cinq ans une formation d’une journée sur les évolutions du droit de la presse.
– Un Observatoire des pratiques de la presse devrait publier un rapport annuel.
– Chaque entreprise de presse devrait nommer un médiateur et mettre en place un dispositif de médiation entre la rédaction et les lecteurs.
Ces préconisations sont toutes frappées du même péché originel : elles stigmatisent les seuls journalistes sans analyser les causes de la désaffection des lecteurs, des dérapages de l’information, des bidouillages et des scandales qui ont marqué les deux décennies passées.
La concentration des entreprises de presse, d’une part, et leur prise de contrôle par des groupes financiers et/ou industriels ont en effet instauré une logique commerciale et concurrentielle dans les rédactions. Ce qui prime aujourd’hui dans toutes les entreprises de presse (écrite ou audiovisuelle) ce sont les objectifs de vente (ou d’audience) et les recettes publicitaires.
Le « marketing » est plus important que la rigueur et la vérification de l’information, sa qualité et sa mise en perspective. Le corollaire de cette politique éditoriale est la mise en doute de la crédibilité des journalistes.
Si on ajoute à cela toute cette nouvelle logique de la vitesse et de l’instantané, imposée par la multiplication des médias de l’immédiateté, d’une part, et la politique de gestion des rédactions faisant de plus en plus appel à des journalistes précaires, d’autre part, on comprend mieux les raisons de la méfiance des citoyens à l’égard des journalistes et des médias.
Pour le SNJ-CGT, il est primordial et urgent de libérer les journalistes soumis à la pression économique et politique. C’est la raison pour laquelle, le syndicat milite pour la reconnaissance de l’équipe rédactionnelle, reconnaissance assortie de nouveaux droits en matière éditoriale.
Aujourd’hui, dans une société ultralibérale, où l’agenda est fixé par le président de la République et où le profit est érigé en régulateur de l’ordre social, les problèmes de déontologie ne sont brandis que pour faire diversion.
Ce ne sont pas des codes ou des chartes qui vont rendre sa crédibilité à l’information, mais des pouvoirs de contrôle donnés aux journalistes pour se libérer des pressions des puissances d’argent.
Le SNJ-CGT propose :
- D’annexer les chartes « syndicales » celle de 1918 et celle de Munich à la convention collective, les rendant ainsi opposables à ceux (éditeurs, employeurs, hiérarchie) qui voudraient les voir bafouer leurs principes professionnels et les mettre au service des pouvoirs politiques et économiques.
- Durant les cursus de formation, l’étude des principes professionnels et de la convention collective sera obligatoire.
- Parallèlement aux droits sociaux, les journalistes doivent se voir reconnaître des droits intangibles pour exercer pleinement leur mission : libre accès à toutes les sources d’information et droit absolu d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique.
- La protection des sources d’information du journaliste doit être absolue. Seul le journaliste pourra décider de lever le secret de ses sources.
- Le droit de refus de mise en œuvre de directives ou de consignes portant atteinte à la dignité ou violant les principes professionnels doit être assuré.
- Le refus d’exprimer une opinion ou de décrire des faits contraires à sa conscience ou au résultat de son investigation ne sera pas considéré comme une faute.
- Dans le même ordre d’idée, le journaliste qui refuserait que sa signature apparaisse au bas d’un article qui a été réécrit ou modifié ne pourra faire l’objet d’aucune sanction. Réaffirmer le droit de retrait.
- Les rédactions doivent être informées préalablement de toute décision de nature à affecter sa vie interne.
- Les Comités d’entreprise doivent obtenir de nouveaux droits, comme le droit d’alerte en cas de dérives ou changements rédactionnels.
- Les rédactions doivent pouvoir exercer un droit de veto au moment de la nomination d’un directeur de rédaction.
- Refus d’un ordre de journalistes, d’un organisme de contrôle, de toute charte d‘entreprise encadrant l’information.
- Opposition au statut « d’auto entrepreneur » pour les correspondants de presse et les bloggeurs.
Pour que vivent le droit à l’information et le pluralisme
Pour être accessible l’information doit se faire au moindre prix (et non au moindre coût) : c’est pour cette raison que les aides publiques doivent perdurer. Toutefois elles doivent être réorientées vers une aide aux lecteurs et non pas bénéficier comme cela se fait actuellement aux groupes multimédias.
Demandons plus de transparence - aussi bien de la part de l’État que de celle des entreprises – dans la répartition des sommes allouées.
Le SNJ-CGT préconise que les aides à la presse ne soient attribuées qu’aux entreprises qui ont rempli leurs obligations légales et surtout sociales.
Aujourd’hui, les entreprises de presse disposent de moyens de diffusion coopératifs assis sur la loi Bichet de 1947. Ce mode de distribution repose sur des principes d’égalité de traitement mais aussi de solidarité qui garantissent la diversité des publications et la distribution de journaux sur tout le territoire. Ce système, déjà mis à mal par un système de distribution libéral concurrent (Messageries Lyonnaises et Groupe Amaury) est menacé par les partisans d’un ultralibéralisme qui voudraient que seuls soient distribués les titres de ceux qui ont les moyens de payer et que le choix des publications sur les lieux de ventes soit laissé à la discrétion du diffuseur.
Le SNJ-CGT défend le principe du développement d’un système de distribution coopératif rénové en concertation avec les salariés de ce secteur. Comme il défend le principe d’un pôle public d’impression pour faciliter le développement de la presse politique et d’information générale, syndicale, associative et alternative.
Si l’information est un droit et sa libre expression un des fondements de la démocratie, les entreprises de presse doivent respecter leur « mission de service public » et ne peuvent être gérées comme de simples entreprises commerciales.
Le législateur a doté la profession d’un double statut de salarié et d’auteur, qui devrait la mettre à l’abri de toutes les pressions, notamment des puissances d’argent, mais qui confère aux journalistes des responsabilités vis-à-vis de ceux qui les lisent, les écoutent et les regardent.
Si les journalistes ont un statut particulier, pourquoi leurs employeurs ne seraient-ils pas assujettis à certaines règles et obligations sociales ? Un statut de type nouveau pour les entreprises de presse doit être élaboré et accompagné de mesures anti-concentrations renforcées pour garantir un véritable pluralisme d’idées et non pas un simple pluralisme de l’offre, d’une limitation plus stricte de la publicité et l’interdiction du dumping social.
MONTREUIL, le 20 janvier 2009