… Et voici tel qu’il est publié par Politis (qui rapporte également les explications de Pierre Marcelle) l’extrait de la chronique censurée par Laurent Joffrin, directeur de Libération et auteur sans succès d’un court traité de psychiatrie [1] :
« Là-bas non plus qu’ici, le produit de « première nécessité » ne saurait se réduire au « panier de la ménagère ». Et ici non plus que là-bas, l’essence même de la vie ne saurait se définir à travers la délétère comptabilité du « travailler plus », ce dogme par quoi d’aucuns prétendent – quelle blague, quand on y songe ! – endiguer « la crise ».
La crise qui ne nous épargne pas, à Libération, où, depuis le 10 février, se poursuit la grève de la faim de notre collègue Florence Cousin. Il s’agit d’un conflit qui voit une salariée contester son licenciement, et une direction revendiquer le droit de licencier. Ce conflit est à la fois social et identitaire.
Il ne s’agit pas ici de dire qui a commencé, mais ce qui s’achève, quand la violence du monde réel emporte tout, partout. Si, pas plus que dans un seul pays, on ne fait le socialisme dans un seul journal, à tout le moins, l’ultime aberration ou l’ultime reniement (c’est selon la conviction des uns ou des autres) serait d’occulter ce qui le constitue, le journal : en l’occurrence, la fin d’informer aussi à propos de conflits, qu’ils soient sociaux ou identitaires, qu’ils soient de là-bas ou d’ici, et fussent-ils, pour les seconds, dérangeants de proximité. Un « service minimum », comme dit l’autre…
Évoquer, donc, la violence que fait à la conscience la présence d’un lit de camp (une couverture, des bouteilles d’eau minérale) sur lequel est allongé un corps muet. Quelles que soient les « raisons » de part et d’autre invoquées, cette grève de la faim, ici, dans le hall de ce journal, hurle la négation de ce qui en fit un intellectuel collectif. À perdurer, à signifier aussi tragiquement que, de facto, on ne put, dix jours durant et sans préjuger de la suite, plus se parler, cette grève de la faim ébranle le bien commun d’une commune intelligence de valeurs, sinon du monde. Ainsi que dans des milliers d’entreprises et pas mal d’entreprises de presse, trois générations de personnels travaillent à Libération. Entre anciens combattus et jeunes précaires, un âge moyen et majoritaire impose un pragmatisme dont, qu’on le veuille ou non, l’origine est sarkozyenne. On peut aussi le qualifier de pragmatisme de crise. »
Les lecteurs de Libération qui ne liraient que Libération ne connaîtront donc que le point de vue de la direction (exprimé à l’occasion, de l’intervention d’un syndicat CGT des NMPP qui a empêché la parution du titre samedi), publié, sous le titre « Chantage sur Libération ».
Le site du Nouvel Obs a publié en revanche un entretien avec Florence Cousin, puis les réponses de Laurent Joffrin qui affirme notamment que Libération a été victime d’une « prise d’otage ». Florence Aubenas appréciera…
Ce n’est pas la première fois que Pierre Marcelle est censuré par Laurent Joffrin, comme on peut le lire ici même sous le titre « A Libération, les ciseaux coupent aussi ». Daniel Schneidermann, dont nous avons appris récemment de la bouche de Laurent Joffrin qu’il animait un site - « Arrêt sur Images » - qui serait, au même titre qu’Acrimed, « un peu paranoïaque » [2] a lui aussi subi l’épreuve des ciseaux du Big boss, comme nous l’écrivions ici même sous le titre « “Je t’aime, moi non plus” : Laurent Joffrin supprime une chronique de Daniel Schneidermann ».
H.M.