Le Monde est indigné… par l’indignation qu’il suscite
Auscultant la « grogne » des universitaires contre « la réforme », Le Monde n’a pas vu monter leur « fronde » [1] … contre sa propre couverture du conflit.
Indignés par le mauvais traitement que leur action, leurs positions, leurs revendications subissent dans ses colonnes, et pour certains (privilégiés), confortés dans cette indignation par l’article d’Acrimed sur le sujet, de nombreux universitaires semblent avoir été tentés de rompre les ponts avec leur « journal de référence ».
Luc Cédelle publie sur son blog [aujourd’hui disparu, note de 2010] [2] une lettre de lectrice envoyée au Monde, pour lui reprocher « son traitement unilatéral et servile du mouvement des universités » et demander son désabonnement. Et Luc Cédelle de nous apprendre que « depuis le début de la crise universitaire, nous en recevons des dizaines de la même eau. » Mais quelle incidence ce genre de réaction pourrait-il avoir, quand M. Cédelle, drapé jusqu’aux yeux dans sa dignité blessée, n’y voit qu’une « prise à partie insensée » ? Pour lire la lettre et mesurer ainsi la capacité d’autocritique d’un journaliste du Monde, suivez la note [3].
De son côté, Jérôme Valluy, un enseignant-chercheur très impliqué dans le mouvement de contestation des « réformes » en cours s’est signalé en proposant à ses collègues une « Charte de bonne conduite vis-à-vis du journal Le Monde » : une charte caustique qui, partant de considérants largement fondés, appelle au boycott du Monde, alors qu’à nos yeux, comme nous l’avons écrit dans une « Lettre ouverte à nos amis des Universités », c’est l’ensemble du paysage médiatique et du traitement des informations qui doit être mis en question [4].
Enfin, plus anecdotique, mais non moins révélateur, les parodiques « manifs de droite » qui participent de la mobilisation scandent désormais des slogans qui s’en prennent nommément aux journalistes du Monde : « Catherine Rollot, tu fais du bon boulot »…
Sans doute serait-il souhaitable de démêler dans cette contestation les critiques du parti-pris du Monde (libre exercice de son droit d’opiner…) et les critiques des biais de l’information (bricolages d’un journalisme qui se veut « professionnel »). Mais pour cela, encore faudrait-il que Le Monde lui-même distingue si peu que ce soit la fabrique de l’opinion et la production de l’information.
Le conflit, inévitable, n’est pas prêt de s’apaiser, d’autant que Le Monde, tenté un temps par la discussion [5], a semble-t-il finalement choisi la fermeté et la fermeture. C’est ce qui ressort en tout cas d’un article publié sur le site de Bakchich sous le titre « Les enseignants-chercheurs se foutent du Monde ». On y apprend qu’« après en avoir longuement débattu en interne, Le Monde, qui devait publier aujourd’hui un article sur le divorce entre « le grand-quotidien-de-référence » et le mouvement des enseignants-chercheurs, a fait machine arrière. » Le prétexte ? L’appel au boycott de Jérôme Valluy. Selon l’auteure de l’article de Bakchich – Lucie Delaporte –, « l’agacement suscité par ce texte en interne a pris le dessus et les détracteurs du journal ne devraient pas s’exprimer dans les colonnes du quotidien du soir ». Et Lucie Delaporte de citer le directeur adjoint du journal, Laurent Greilsamer, qui évacue toute critique, en deux affirmations. D’abord, en soutenant, contre toute évidence et en dépit de tous les arguments, que Le Monde a proposé un traitement « équilibré » du conflit. Ensuite, à la façon de Luc Cédelle, en opposant à la contestation sa caricature : « surpris par cette mise en cause véhémente, ce harcèlement par internet », il considère qu’ « il y a quelque chose de comique à nous présenter comme le pire ennemi des libertés . » Une tentative ridicule de ridiculiser…en présentant Le Monde, selon une tradition de référence bien établie, comme une pure victime. Qu’on se souvienne de la fureur du Monde contre le livre Philippe Cohen et de Pierre Péan [6]. Qu’on se souvienne aussi de l’éditorial d’anthologie, intitulé « Haro sur les médias », que Le Monde avait opposé en 2007 à toute critique et que nous avions analysé ici même sous le titre : « Un sermon du Monde contre les acteurs des mobilisations sociales. Déjà…
Cette fois, après avoir balayé d’un revers de main et d’un coup de poing sur la table toutes les objections, Laurent Greilsamer conclut par un « trait d’esprit » : « en tout cas, ce sont des gens qui ont visiblement beaucoup de temps ». Les enseignants-chercheurs apprécieront sans doute cette allusion « équilibrée » à la propagande gouvernementale. Mais, reconnaissons-le, Le Monde ne dispose, pour répondre aux critiques, que de sa médiatrice qui, n’en doutons pas, s’est emparée du « dossier » et prépare les édredons.
En attendant…
L’information s’étiole…
Pendant une douzaine de jours (entre le 15 et le 26 mars), aucun article n’est publié sur le sujet. Seules trois brèves paraissent, dont les titres informent moins sur le mouvement que sur ce que voudrait en retenir Le Monde :
– « Les grévistes doivent se déclarer » (le 17 mars, à propos d’une circulaire que « Valérie Pécresse va adresser lundi ou mardi » à qui de droit) ;
– « Heurts à Paris entre des étudiants et la police » (le 19 mars à propos des incidents ayant suivi la « nuit de l’université », événement dont on ne saura rien) ;
– « Le Snesup refuse toujours la réécriture du décret » (le 26 mars, avec une ligne sur les manifestations de la veille, qui en donne les chiffres sans commentaire).
Et l’on ajoutera à cette liste une brève parue un peu plus tard, le 28 mars, et pleinement justifiée : « le CNRS et la Sorbonne évacués »
Mais l’analyse ne faiblit pas…
…et porte exclusivement sur ce qui permet de contester la force, l’opportunité et la légitimité du mouvement.
Après douze jours de mobilisation traités en trois brèves, et au lendemain d’une journée de manifestation, soit le 27 mars, le mouvement est de nouveau présent en « Une ». Le mouvement ? pas exactement, plutôt un « reportage » dont le titre est le suivant : « à la Sorbonne en grève ». L’article, en page 10, évoque de façon informative « les performances militantes » sur lesquelles les grévistes miseraient « pour entretenir le mouvement ». Un article anecdotique, déconnecté de toute revendication, mais qui évite au moins une présentation biaisée et partisane des faits.
On le sait, cette tâche revient de droit aux grands journalistes spécialisés du Monde, qui accomplissent un travail remarquable en faveur du mouvement… de « réforme ». Dans un article au titre péremptoire et triomphant, Luc Cédelle et Catherine Rollot annoncent donc, le même jour : « Après les concessions ministérielles, la contestation s’étiole » [7].
Le contenu de l’article est moins affirmatif : « le mouvement universitaire ne faiblit que lentement malgré les concessions gouvernementales » – et malgré les articles du Monde qui les montent systématiquement en épingle… Nos auteurs constatent ainsi que « Mardi 24 mars, la huitième journée de manifestations a été la plus faible depuis le 2 février ». Et après avoir par avance répondu (ça s’étiole, ça faiblit)… ils posent enfin la question : « Simple pause après le grand rendez-vous interprofessionnel du 19 mars ou reflux définitif du mouvement ? la nouvelle journée d’action […] servira de test. » Le test, comme on va le voir, n’ayant pas été aussi concluant que Le Monde pouvait l’espérer, le quotidien s’abstiendra, au lendemain des manifestations, de titrer en « une » : « En raison des faux-semblants gouvernementaux, la contestation persévère », et même se renforce par rapport à la manifestation précédente.
Enfin, après un bilan de la mobilisation recopié dans la cour du ministère de l’enseignement supérieur [8], nos enquêteurs sont formels : « Beaucoup d’étudiants attendent désormais chez eux que les cours reprennent ». Mais ils risquent d’attendre encore un peu, car « tout un pan du monde universitaire et étudiant s’installe dans la dissidence, même si les dossiers litigieux s’amenuisent. » En vertu, sans doute, des « concessions ministérielles ». Et si les litiges se réduisent, « toutes les composantes du mouvement veulent maintenant obtenir de nouvelles mesures. Et certaines veulent beaucoup plus », apprend-on pour finir. Comprenne qui pourra.
Les enquêteurs enquêtent…
Le premier avril, la « Une » du Monde, plutôt que d’informer sur le mouvement lui-même, interroge et s’interroge : « A Rennes, Toulouse, Montpellier, les facs ont-elles raison de se révolter ? » La question peut sembler absurde : elle donne du moins l’apparence d’être ouverte. Mais l’appel de « Une » offre un indice sur la nature de la réponse : « Depuis plusieurs années, Rennes-II, Toulouse-II et Montpellier-III sont de toutes les mobilisations. Pour les présidents, cette image frondeuse finit par nuire à leur réputation ». On pressent déjà que Le Monde, plutôt que de prononcer ouvertement la sentence sur la légitimité des « réformes » – un quitus favorable qu’il tient en réserve depuis de longues semaines –, s’emploie à condamner une contestation qui serait néfaste par ses effets.
Pressentiment confirmé par le titre et le sous-titre de l’article qui figure en page 9 : « Les facs mobilisées voient leur image se dégrader . Toulouse-II, Rennes-II et Montpellier-III, à la pointe de la contestation depuis 3 ans, perdent des étudiants ». En somme, les mobilisations font perdre des étudiants aux Universités, un peu comme les grévistes font perdre des marchés à leurs entreprises…
Pas moins de trois « envoyés spéciaux » (Christian Bonrepaux, Benoît Floc’h et Catherine Rollot) ont été nécessaires pour établir ce qui suit – et qui commence par une synthèse : « Toutes trois sont des universités éruptives. A Toulouse-II-Le Mirail (UTM), Rennes-II ou Paul-Valéry-Montpellier-III, toutes spécialisées en lettres et sciences sociales, les étudiants et les enseignants sont prompts à sortir des amphis pour devenir des "anti". » Cette présentation discrètement dévalorisante des modalités et des objectifs des mobilisations introduit un recueil de citations de responsables des universités concernées, qui évoquent les conséquences des mouvements sur les étudiants. Car, soupirent nos reporters compatissants, « cette agitation chronique ne va pas sans victime. »
Puis, sous un sous-titre trompeur (« fac sous-financée [9] ») qui fait mine de soulever un problème qui ne sera jamais abordé dans l’article, se développe l’enquête – en réalité un pot-pourri d’indices et de bribes de témoignages, parfois contradictoires, mais dont la ligne directrice est maintenue d’une main ferme.
Un enseignant souligne-t-il que « les étudiants ne regardent pas la carte des universités françaises pour choisir celle qui possède la meilleure image. Ils prennent celle qui n’est pas trop loin de chez eux et qui leur permet d’étudier à moindre coût » ? Les auteurs de l’article n’en démordent pas : « Au fil des mobilisations, l’image de l’université se dégrade bien pourtant » La preuve ? « L’article consacré à Montpellier-III sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia comprend une rubrique "les grèves" [10] » ! Un argument-massue conforté par un témoignage, évidemment politiquement insoupçonnable, puisqu’il émane de la présidente de la fédération de parents PEEP pour l’Hérault : « Cette université donne une image de chaos, de bazar, de glandeurs », et d’ailleurs, elle n’y mettrait pas ses « deux fils. »
Ce n’est pas tout. Pour établir que « cette mauvaise image affecte aussi les relations avec les entreprises », nos enquêteurs citent deux Présidents d’Université. L’un d’entre eux « craint » que ce ne soit « de plus en plus dur de vendre Rennes-II à des patrons qui voient notre université comme un repaire de gauchistes », et dont les propos témoignent donc d’une absence évidente de tout parti-pris. Et pour enfoncer le clou, notre trio, péremptoire, affirme : « Les étudiants le constatent eux-mêmes. » Les étudiants se résument à un seul – par ailleurs vice-président de l’UNEF à Montpellier – qui contredit le propos de l’article sans même que les auteurs le mentionnent : « il y a des gens qui ne s’inscrivent pas parce que Montpellier-III a une image de fac poubelle sous-financée qui n’offre pas de débouchés. Donc, si l’université a mauvaise réputation, c’est plus à cause de la politique menée que des mouvements. » Faut-il comprendre que « les » étudiants constatent l’inverse de ce que Le Monde cherche à établir ?
Après les entreprises, on se tourne enfin vers les étudiants étrangers : « Vue avec des yeux d’étudiantes américaines, l’agitation qui règne à Montpellier-III est "bizarre et énervante" . […] Même sidération chez les étudiants Erasmus ». Une étudiante allemande « avoue sa surprise : "En Allemagne, il n’y a pas de tradition de grève." », et l’article peut se clore sur une note ton sur ton, empruntée au vice-président délégué aux relations européennes et internationales du Mirail « Si les flux d’étudiants étrangers sont stabilisés, la manière dont on est perçu chez nos partenaires se dégrade. »
Pourtant, au début de cet article à sens unique, était évoquée, en passant, mais pour ne plus y revenir, une autre explication possible : « un contexte de baisse démographique du nombre de bacheliers et de désaffection générale pour les filières lettres et sciences humaines ». Mais la suite de la phrase remet l’article sur de bons rails (ceux qui font oublier le « contexte ») : « les grèves ont tendance à aggraver l’hémorragie d’étudiants ». Suit alors un bilan chiffré de « l’hémorragie » [11], dans les seules universités évoquées par l’article parce que « mobilisées » : on ne saurait être plus clair.
Ce nouvel article de référence n’est en rien une « enquête » : c’est un éditorial illustré – une libre opinion décorée par des citations – qui a, sinon pour but (quoique…), du moins pour fonction de disqualifier les mobilisations universitaires… au bon moment [12].
Rappelons à celles et ceux qui ne l’auraient pas lu, qu’un éditorial du Monde, du 14 novembre 2007, sous le titre flamboyant « L’Université en otage », prenait à partie « Le mouvement de grogne ou de rejet qui se propage dans une partie des universités françaises » et suggérait fortement que « les étudiants les plus radicaux » sont « en train de se tirer une balle dans le pied ». L’éditorialiste anonyme soutenait en effet que la loi « s’efforce de poser les bases d’un renouveau en améliorant la gestion des universités […] sur la base d’un accord assez large de la communauté universitaire » (en clair : les Présidents d’université) et concluait ainsi sa leçon : « Comme souvent par le passé, il était probablement inévitable que l’université soit prise en otage dans cette affaire. Mais c’est, pour les jeunes, le plus mauvais terrain pour manifester leur impatience ou leur révolte. » Nous écrivions alors, exemples à l’appui : « Le Monde a évidemment le droit de prendre parti. Mais à quoi bon le dissimuler et tenter de faire croire que les sermons des éditorialistes et autres chroniqueurs n’affectent en rien, ni l’intervention du Monde contre les mobilisations ni le contenu des articles d’information ? » [13]
… Et un éclaireur éclaire
Du beau travail d’ « envoyés spéciaux » donc, spécialement dépêchés sur place pour recueillir et mettre en forme les informations susceptibles de soutenir une thèse élaborée à Paris. Mais le dispositif ne serait pas complet sans une « analyse » qui saura mettre en perspective le « reportage ». Le même jour, sous le titre « Un nouveau paysage universitaire concurrentiel », Le Monde interroge et s’interroge à nouveau. Après « les facs ont-elles raison de se révolter ? », nouvelle question : « Contester serait-il devenu un luxe pour les universités françaises ? »
Envoyé spécial pour l’article précédent, Benoît Floc’h, en livre finalement le sens. Sous couvert d’informer sur le « nouveau paysage », il entérine les conséquences d’une politique que précisément le mouvement récuse : la mise en concurrence des universités, l’affectation des dotations en fonction de prétendues performances, favorisant des « super campus ». Il pourrait s’agir d’un simple relevé des effets de la politique du gouvernement, comme le laisse penser ce bémol : « Cette évolution, contestée par une part du monde universitaire au nom de la nécessaire égalité devant l’enseignement supérieur, est une tendance lourde. » Mais la tendance est si lourde que Benoît Floc’h la présente comme une quasi-fatalité : « Dans la compétition mondiale, chacun tente d’attirer les meilleurs professeurs et les meilleurs étudiants. L’image est devenue un atout , les classements internationaux, un baromètre. Celui de Shanghaï, créé en 2003, fait autorité . Les Français en contestent le bien fondé, mais en prennent aujourd’hui leur parti . » Quels Français ? Certainement pas les enseignants-chercheurs mobilisés…. Dans ces conditions, contester cette « tendance lourde » – ou le classement de Shangaï qui fait autorité… aux yeux du Monde et du gouvernement – c’est se tromper de combat. Ou c’est nuire à son image et risquer de le perdre... Pour achever de transformer cet article en éditorial qui prend parti pour la résignation, il suffit de transformer, ainsi qu’il le suggère, la question en affirmation : « Contester est devenu un luxe pour les universités françaises ».
Le Monde fait des gestes
Ainsi, alors qu’il omet d’informer vraiment ses lecteurs sur la mobilisation, Le Monde multiplie les « gestes » de bonne volonté. En faveur d’une « information équilibrée » ou en faveur du gouvernement ?
Dans l’édition du 1er avril, un « encadré » nous indique que « la tension reste vive », mais qu’on pouvait fort heureusement compter sur la ministre « pour déminer le terrain » [14]. Campagne de déminage qui ne sera pas de trop pour ramener à la raison des opposants qui « ont quitté la réunion » en « stigmatisant "l’immobilisme autosatisfait" du ministère. » Tandis que la ministre « démine », les opposants « stigmatisent »…
Le 2 avril, au matin du « test » tant attendu, Le Monde fait son travail, en publiant sur son site internet une annonce importante : « Mme Pécresse fait un nouveau geste en direction des chercheurs. » Si l’on en croit le quotidien, ainsi que nous l’avons montré dans le précédent article, les ministres ne cessent en effet de multiplier les « gestes », les reculs et les concessions. L’on peut toutefois reconnaître que cet article équilibre à peu près les points de vue, entre les déclarations de Valérie Pécresse et celles d’Isabelle This-Saint-Jean, de Sauvons la recherche. D’ailleurs le titre – et le sous-titre – de l’article qui paraît dans l’édition datée du lendemain sont eux aussi plus équilibrés : « Mme Pécresse "dégèle" 130 postes de chercheurs – les syndicats veulent des créations d’emplois. »
Mais il n’en demeure pas moins que ces annonces successives de « gestes », ce relais systématique de la communication gouvernementale et ce quasi-blocus imposé aux analyses des représentants du mouvement [15] fait objectivement le jeu du pourrissement du conflit, stratégie qui semble bien être celle du gouvernement.
Enfin, dans l’édition papier datée du 4 avril, au lendemain d’une journée de mobilisation réussie, le « test » s’étant révélé négatif – test qui, selon Luc Cédelle, pouvait conduire « les médias » à « manger leur chapeau », Le Monde, titre sobrement, et sans appel de Une : « Le mouvement perdure face à une "logique de gestion libérale des facs" ». L’article prend la forme d’un énième micro-trottoir, signalant pour la énième fois que « malgré plusieurs reculs du gouvernement, les revendications initiales demeurent » [16], et soulignant avec le décalage habituel qu’« au-delà de ces revendications initiales, l’idée d’une remise en cause plus large émerge [sic !] dans les cortèges ». Somme toute, une dégustation de chapeau avec une certaine tenue, et beaucoup de retenue [17].
Notre précédent article dressait un bilan affligé de la couverture affligeante des deux premiers mois du conflit. Et depuis ? Depuis, quatre brèves (dont deux sur des interventions policières), et à peu près autant d’articles de quelque importance : un premier sur une contestation qui s’étiolerait ; un second sur des universités contestataires qui perdraient, en conséquence, des étudiants ; un troisième annonçant un énième « geste » de la ministre... On voit mal comment un micro-trottoir ou un reportage en Sorbonne sur des performances militantes pourraient à eux seuls rétablir « l’équilibre » du traitement du conflit par Le Monde, en dépit de toutes les déclarations de ses rédacteurs, dont on se voit contraint de « stigmatiser » à nouveau « l’immobilisme autosatisfait ».
Henri Maler et Olivier Poche