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Radio France Internationale (RFI) en grève contre les menaces de grande braderie

Radio France Internationale menacée par une grande braderie ? Le « plan social » (comme dit cyniquement le qualificatif d’usage) concocté par la direction prévoit 206 suppressions d’emplois, la fermeture des rédactions en six langues (allemand, albanais, polonais, serbo-croate, turc et laotien), le regroupement des journalistes français et journalistes de langues au sein de deux catégories professionnelles distinctes. Les sections syndicales FO, SNJ, SNJ-CGT et SNRT-CGT appellent les salariés de RFI à faire grève pour une durée indéterminée, à partir du 12 mai 2009.

Les enjeux sont d’importance, non seulement pour les salariés, mais aussi pour les auditeurs… et les téléspectateurs, puisque, avec RFI, c’est l’ensemble de audiovisuel extérieur qui est concerné et, plus généralement, l’ensemble de l’audiovisuel public dans lequel d’autres « plans » sont prévisibles. Nous publions ci-dessous le préavis de grève et un « argumentaire » transmis pas les syndicats. (Acrimed)


PRÉAVIS DE GREVE


Les sections syndicales FO, SNJ, SNJ-CGT et SNRT-CGT appellent les salariés de RFI à faire grève pour une durée indéterminée, à partir du 12 mai 2009, 00 heure :

Pour le retrait du plan de la direction

- qui prévoit des licenciements "économiques" sans aucune justification économique dans le service public
- qui maquille des licenciements en "départs volontaires"
- qui est discriminatoire entre journalistes français et en langues
- qui limite les possibilités de reclassement
- qui implique la conversion forcée de tous les chargés de réalisation et techniciens en TCR
- qui rendrait les futures conditions de travail invivables !
Pour de vraies négociations !

Fait à Paris, le 5 mai 2009
FO, SNJ, SNJ-CGT, SNRT-CGT



Réponse des syndicats aux arguments de la direction de RFI

Dans document annexé au communiqué d’appel à la grève, les syndicats de RFI répondent aux deux arguments de la direction - L’argument de la diminution des auditoires et l’argument du déficit « structurel » pour justifier son plan de licenciements. Voici ce document (synthèse du rapport du cabinet d’experts du CE (cabinet INA) sur les « motifs économiques" du plan social à RFI, incluant une citation de Satelleifax) :

I. L’argument de la diminution des auditoires

« RFI perd des parts de marché dans toute les parties du monde y compris en Afrique francophone, écrit la direction ». Nous avons mis en évidence l’absence totale de pertinence de la notion de part de marché pour une radio non-commerciale dont la vocation n’est pas de faire des bénéfices mais d’informer et de porter haut les valeurs de la France. La direction reconnait que le précédent chiffre de 46 millions d’auditeurs dans le monde est très fiable et qu’il pourrait même être en hausse dans la nouvelle étude en cours. Nous avons pour notre part souligné l’augmentation du nombre d’auditeurs dans la plupart des capitales d’Afrique francophone. Conclusion : pendant que l’auditoire de RFI baisse, le nombre de ses auditeurs… augmente. La direction a retiré la « baisse » de l’auditoire de son argumentaire pour justifier les licenciements. (extrait du compte rendu syndical du CE du 9 avril)


II. L’argument du déficit « structurel »

Les 3 derniers exercices 2006, 2007 et 2008 sont déficitaires d’un strict point de vue comptable, mais pas d’un point de vue économique comme le soulignent les experts-comptables du cabinet INA mandaté par le CE.


L’exercice 2006
- Un déficit de 11 M € provenant d’un abandon de créances sur TDF. L’opération a certes été lourde pour les comptes cette année là mais elle sera très largement bénéficiaire à l’horizon 2011 puisqu’elle aura généré 37 millions de cash flow d’ici là. (extrait du compte rendu syndical du CE du 9 avril)


L’exercice 2007
- L’année 2007 affiche un léger déficit comptable. Pourtant à Matignon, la Direction du développement des médias nous félicite. Voici ce qu’écrit sa directrice, Laurence Franceschini : « Malgré l’application d’un gel budgétaire de 1,7 M€ sur la subvention du ministère des Affaires étrangères, l’exécution budgétaire apparait légèrement excédentaire grâce à une bonne maîtrise des charges et à des ressources propres supérieures aux prévisions. » (extrait du compte rendu syndical du CE du 9 avril)


L’exercice 2008
- Le déficit se situe autour des 8,6 M€. Il est constitué de la manière suivante :

- 1,9 M€ de redressement URSSAF suite à une erreur de la DRH en 2003.
- 2,4 M€ dans notre filiale en langue arabe Monte Carlo Doualiya (MCD). La direction impute le déficit au précédent directeur Philippe Beauvillard.
- 2,8 M€ de charges de personnel incluant le coût des licenciements et des limogeages de directeurs de la direction précédente.
- 1 M€ de provisions pour contentieux.

Des sommes négligeables pour les provisions sociales (extrait du compte rendu syndical du CE du 9 avril) . Le résultat courant est une perte de 4,3 ME soit 1,5 ME de plus que la perte budgétée à 2,8 ME. Evidemment l’excédent de subvention à MCD de 1,3 ME explique quasiment ce dépassement. Nous observons qu’à ce stade la situation déficitaire de RFI n’a rien d’alarmante puisque les autorités de tutelle et la direction ont validé un budget « voté » avec une perte de 2,8 ME. (Rapport du cabinet INA)

Le sous-financement « structurel » de l’État

Comme le souligne le précédent président de RFI, Antoine Schwarz (aujourd’hui conseiller-maître à la Cour des Comptes) dans son Bilan d’activité, de 2004 à 2008, l’augmentation des recettes publiques de RFI à été de 3,4 % alors qu’elle était de 11,9 % en moyenne dans l’audiovisuel public.

L’argument économique : un prétexte

Un article paru mercredi 6 mai dans Satellifax (« RFI : le CE mandate sa secrétaire pour faire juger la nullité du plan social ») rapporte que selon le cabinet d’experts-comptables INA, missionné en avril par le CE afin d’analyser le plan de sauvegarde de l’emploi présenté par la direction, le déficit de la radio, une des raisons avancées par la direction pour justifier son plan social, n’est qu’un « prétexte au plan de sauvegarde de l’emploi ».

Citation de l’article de Satellifax :

Pendant des années, « l’Etat a eu pour politique de maintenir RFI juste sur la ligne de l’équilibre comptable avec des résultats économiques nets de -0,5 M€ à +1 M€ », relève INA. Le cabinet ajoute que « de temps en temps, comme en 2006 avec la nécessité de sortir avec le moins de dégâts possibles du contrat TDF, il y a un accident avec une grosse perte de 12 M€ ». Cette perte est due à l’abandon d’une créance de près de 11 M€ envers TDF, après renégociation d’un contrat sur le renouvellement des émetteurs initialement conclu en 1991, qui prévoyait notamment un prêt sans intérêt de 35 M€ à TDF. « On aurait pu s’attendre à ce que l’actionnaire-tuteur (l’Etat, ndlr), qui a avalisé tout le processus avec TDF, répare les dégâts juridiques par une augmentation de capital sans autre forme de procès », poursuit INA. Ce qui ne fut pas le cas.
Aujourd’hui, « la direction prend prétexte de cette circonstance exceptionnelle pour expliquer qu’il est de ce fait indispensable de supprimer 206 postes pour la survie de RFI », note INA. En conclusion, « nous ne voyons pas que RFI est en péril pour des raisons financières » et le plan de la direction « ne contient aucun élément qui montre en quoi il va remédier à partir de 2009 à une situation prétendue difficile », ajoute le rapport.

Le cabinet voit même dans le plan social un préalable à une réorganisation globale de l’ensemble de l’audiovisuel extérieur. « Ce plan de modernisation de RFI au prétexte de survie financière est probablement la première opération d’ajustement des effectifs dans des métiers où les tutelles estiment qu’il y a trop de monde pour l’ensemble des chaînes », affirme le document, ajoutant : « Cette opération est vraisemblablement l’avant-garde de restructurations qui seront pilotées au niveau AEF (holding Audiovisuel extérieur de la France, ndlr) la cible visée pouvant être de parvenir à une structure comme celle de VOA (Voice of America, ndlr), BBC WS ou DW (Deutsche Welle, ndlr) : un holding contenant des moyens communs et des chaînes purement opérationnelles. »


[Fin du document transmis par les syndicats]

 
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