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L’actualité des médias n°71 (15 août - 28 septembre 2009)

par William Salama,

Réorganisations et licenciements dans la presse écrite – Réajustements et tremblements dans l’audiovisuel – Menaces sur la neutralité du net.

I. Agences et presse écrite

1. Agences

 Le PDG « éclairé » de l’AFP. Opinant à la requête des parlementaires PC et PS sortis de leur torpeur, Pierre Louette, le PDG de l’AFP, lors du Comité d’entreprise (17 septembre) s’est déclaré disposé « "à éclairer" les députés de "la façon la plus complète possible sur les enjeux de cette réforme que [il] appelle de [ses] vœux"  ». « Eclairer » n’est certes pas le terme choisi par l’intersyndicale qui dénonçait le même jour (Le Point, 4 septembre) « l’opacité totale  » dans laquelle ladite réforme des statuts se trame. Mieux : les syndicats en réclament l’abandon pur et simple. Dossier à suivre ici.

 L’Agence Gamma toujours en danger ? « Le Comité d’entreprise d’Eyedea Press, qui coiffe notamment l’agence Gamma, placée en redressement judiciaire, a donné mercredi un avis défavorable au plan social de la direction qui prévoit 32 licenciements dont les 14 photographes de Gamma, a indiqué le secrétaire du CE.  » (AFP, 17 septembre). Lire « Gamma en danger de mort (SNJ) ».

2. Presse quotidienne nationale

 Quotidiens en ligne : ça va payer… Le Figaro, Libération et Les Echos ont annoncé de concert qu’ils rendaient une partie de leur contenu payant sur la toile. Particularité pour le quotidien économique Les Echos : des informations financières pour « une centaine d’euros » seront également accessibles par téléphone, « visant les quelques 35.000 "décideurs" français » (Newsletter de Cb News, 4 septembre).

 Suppressions de (gros) postes au Parisien . Le Parisien s’apprêterait à pousser vers la sortie 15 % des effectifs de ses rédactions - soit 50 postes, sur les 350 journalistes - via un plan de départs volontaires (Les Echos, 31 août). Mais déjà, Jean Hornain a limogé la direction de la rédaction, « Dominique de Montvalon […] ainsi que Philippe Duley et Gilles Verdez, tous deux rédacteurs en chef du quotidien », évoquant pour sa part un « "différend éditorial"  »(Newsletter de Cb News, 25 septembre) quand d’autres (Renaud Revel) y voient une « purge des géomètres » (blogs.lexpress.fr).

  Le Figaro nouveau et écolo. Tarte à la crème des nouvelles formules… Le Figaro en propose une depuis le 21 septembre : un format « berlinois » qui fait « davantage de place à l’infographie  » et « se veut désormais capable de mieux expliquer et décrypter l’actualité puisque désormais "l’on n’apprend plus l’information dans le journal mais ailleurs"  » (dit Etienne Mougeotte son directeur, Newsletter de Cb News, 21 septembre). Pour ce lancement, le groupe de Dassault a déboursé 80 millions d’euros consacrés à une « imprimerie […] avec une meilleure qualité d’impression et un procédé écologique (sans eau) ». Rien toutefois sur la qualité du papier journal qui ne semble pas écologique (dont il n’est pas dit qu’il sera imprimé sur du papier recyclé) et qu’il faudra donc veiller à se débarrasser (après lecture ?) dans des récipients adaptés… (Newsletter de Cb News, 9 septembre).

  Libération «  doit faire l’actualité  ». Telle est l’humble intention, modeste et tout à fait journalistique, de Laurent Joffrin. Ce dernier nous fait lui aussi coup de la maquette et – voir ci-dessus - rend son site payant. Il vise 5% à 10% de lecteurs en plus pour boucler ses fins de mois. (Newsletter de Cb News, 4 septembre).

2. Presse quotidienne régionale

 Suppressions stratégiques de postes à la Nouvelle République du Centre-Ouest. (NRCO). 181 licenciements sont prévus dans le cadre d’un plan appelé « de sauvegarde et d’économies » de 21 millions d’euros sur trois ans. Les premiers sacrifiés pour « raisons financières » sont partis le 24 septembre, malgré un mouvement de grève du personnel contre cette « casse sociale sans précédent », (intersyndicale à AFP, 3 septembre) et l’avis « défavorable (mais consultatif) » du Comité d’entreprise (Presse News, 24 septembre). Le quotidien perd certes de l’argent. Mais le plan, selon La lettre Valloire (lettrevalloire.com) doit lui permettre de « prouver sa capacité à retrouver l’équilibre d’exploitation dans les six mois à venir, le temps de préparer l’entrée de Centre France à son capital […]. Son arrivée se fera par étapes pour éviter d’être considéré, notamment par les candidats au départ, comme un cessionnaire. Une première participation de 22 % devrait être prise au début de l’année 2010. On peut imaginer qu’elle consistera, pour la plus grande partie ou la totalité, en une augmentation de capital, un apport d’argent frais étant indispensable pour financer la restructuration. » Seul hic, « l’Association de défense des petits actionnaires de La Nouvelle République (ADPANR) affirme représenter aujourd’hui 30 % du capital, soit un tiers du « flottant ». Et son importance pourrait encore grandir dans les semaines à venir ». A suivre…

 Le Crédit Mutuel domine la PQR… Le Monde le dit, le 10 septembre : « Le Crédit mutuel, dont le président, Etienne Pflimlin, est membre du conseil de surveillance du Monde, est en train de devenir le premier patron de presse quotidienne régionale en France, à la tête d’un empire qui va de Verdun au nord jusqu’à Gap au sud, vendant chaque jour environ 1,1 million d’exemplaires » [1]. Or, « les patrons des autres groupes de presse quotidienne régionale voient d’un mauvais œil l’arrivée de ce nouveau venu, qui n’est pas issu du sérail, et parlent d’un "désastre industriel sans vision stratégique".  »

 … Et Hersant préside leur lobby. Selon La Lettre A (17 septembre) : « Philippe Hersant, le très secret patron de Groupe Hersant Média (GHM), a surpris ses confrères en venant occuper, le 15 septembre, le siège de Frédéric Aurand (remercié en août) au Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). »

4. Presse magazine

 Suppressions de postes au Moniteur. Le groupe de presse Moniteur va « supprimer 63 postes sur 1000 au total et en créer sept [sic] », une restructuration « engagée pour améliorer sa rentabilité » (communiqué) (Newsletter de Cb News, 1er septembre).

 Suppressions de postes chez Prisma. Prisma apporte aussi son concours à une hécatombe qui s’accélère. L’éditeur de Capital, Geo, VSD, Femme Actuelle, a annoncé, son intention « d’ouvrir un plan de départs volontaires touchant 45 salariés "maximum" sur environ un millier, en raison de la crise du marché publicitaire  ». Le Comité d’entreprise s’est prononcé « "à l’unanimité" contre ce plan », cela va sans dire : « le moment était mal choisi" pour le lancer  », (Jean-Luc Décamp, délégué CGT, cité par l’AFP, 31 août).

 Suppressions de titres à la Société de conception de presse et d’édition (SCPE). La SCPE a déposé le bilan et entraine dans sa chute les magazines Entrevue, Choc et Guts. Des titres à succès en des temps pas si anciens, victimes du vilain marché publicitaire ? Gérard Ponson, gérant de la SCPE vise Lagardère auquel il avait racheté les parts endettés de la société : « Nous avons cherché à négocier avec Hachette un arrangement, […], un mandataire ad hoc a été nommé début août pour régler ce contentieux, mais sans succès  », dit-il (challenges.fr, 14 septembre).


 Bakchich Hebdo vient de naître « L’écrit sauvera l’écran ». C’est le pari du site de Bakchich qui vient de lancer un nouvel hebdo satirique du mercredi (en plus de Siné Hebdo, Charlie Hebdo et du Canard Enchaîné) le 23 septembre. La raison ? « Explorer un support alternatif pour trouver d’autres lecteurs et d’autres recettes. » (Bakchich Hebdo 23 septembre)


 … Et Médiapart ?
Médiapart compte se matérialiser aussi mais cherche « des investisseurs ». Bon courage ! Il se monétise en les attendant via les ondes avec une « version pour téléphone mobile » (Newsletter de Cb News, 8 septembre). Malin.

 Alain Weill, roi de la presse high-tech . NextRadioTV (RFM, BFM) est autorisé à reprendre la société Volnay, (SVM, SVM Mac et PC Expert). Volnay (19 salariés) s’ajoutera au portefeuille des autres titres de la presse high-tech – très prisée par les annonceurs du secteur - qu’Alain Weill possède dans le Groupe 01 (01 Informatique, 01 Net, l’Ordinateur Individuel, ....) . Dans le but de se développer après son écrémage salarial printanier (206 suppressions d’emplois sur un total de 945), le groupe vient d’augmenter son capital de 20 millions d’euros.

II. Audiovisuel

1. Télévisions

 France Télévisions Publicité intéresse Orange. On voit moins de publicités sur France Télévision, mais la holding en croque plus que jamais, jusqu’à lancer une consultation sur l’ouverture du capital de sa régie publicitaire qui se porte donc comme un charme : « 360 millions d’euros de recettes en 2009, soit 100 M€ de plus que la somme initialement prévue » (Les Echos, 23 septembre). A l’affût : « Lagardère, Le Figaro, Canal+, NextradioTV ou les holdings conduites par Stéphane Courbit et Fabrice Larue  », et surtout Orange, lequel selon la CFE-CGC-Unsa « pourrait acquérir de 30 à 40% de la régie de France Télévisions Publicité ». (Newsletter de Cb News, 1er septembre). La banque Rothschild gère le deal avec pour mission : « "servir l’ambition globale du groupe qui a annoncé sa volonté de faire croître le chiffre d’affaires de ses nouvelles activités de croissance - dont la publicité est un axe majeur - de 9 à 20% entre 2008 et 2012" ».

 Nantes 7 en sursis. En dépôt de bilan, avec 32 salariés licenciés, et lâchée par ses tenanciers (groupe Ouest-France, le Télégramme et les Caisses d’Epargne, le groupe d’intérim Synergie et la mutuelle locale Harmonie) qui ont refusé de « continuer à financer un déficit qui a atteint 10 millions d’euros  ». Un espoir ? Nantes 7 ferait l’objet d’une reprise par Télénantes (financée par les collectivités locales) qui garderait « 9 des 27 salariés de Nantes 7 à la condition de pouvoir reprendre aussi la régie publicitaire, filiale à 100% de Nantes 7 employant 5 salariés. » (Satellifax, 28 septembre).

 Mais oui, TF1 va (plus ou moins) bien « Nous sommes maintenant à la relance dans tous les domaines » : déclaration d’intention du Pdg Nonce Paolini (interview au Journal du Dimanche du 19 septembre, largement relayée, Les Echos, La Tribune, Le Figaro). Illustrations :

- La chaîne devient bientôt l’actionnaire majoritaire de TMC « qui caracole avec W9 en tête du peloton des nouveaux entrants de la TNT » et a « vu ses recettes publicitaire croître de 65% au premier semestre, a augmenté ses investissements dans les programmes de 40% » (Newsletter de Cb News, 8 septembre).
- Ses « activités interactives [e-TF1] ont enregistré une progression de 35,2 % de leurs revenus au premier semestre, après un recul en 2008 » (Les Echos, 14 septembre).
- Elle s’associe au géant Sony pour commercialiser via un groupement leurs produits vidéo (Le Figaro, 20 septembre). Et avec UGC « en matière d’acquisition de parts de coproduction de films à travers une procédure de co-investissement, et d’autre part, avec la mise en place de deux sociétés communes, à rapprocher leurs activités de distribution en salles (pour la France) et de négoce international de droits audiovisuels.  » (Challenges.fr, 13 septembre).
- Enfin, parce qu’il n’y a pas de petites économies et que les intérêts communs apaisent bien des aigreurs, TF1 vient de s’entendre avec la boutique d’en face (M6) pour aller contester sous forme de « recours devant la Commission européenne » la taxe sur leur chiffre d’affaires pour financer l’arrêt de la publicité après 20H00 sur les chaînes publiques (Les Echos, 4 septembre).

 AEF, « shocking ! ». Depuis que la holding Audiovisuel extérieur de la France (AEF) existe, 30 journalistes sont partis de France 24 (filiale, avec RFI, et TV5 Monde) brandissant la clause de cession. Parmi ces départs, 12 britanniques n’ayant pas apprécié le mélange des genres (« l’une des raisons essentielles » selon la CGT), entre la directrice (C. Ockrent) et la diplomatie (B. Kouchner, époux). A quoi, la « direction de France 24  » rétorque que « la chaîne est placée sous la tutelle de la Direction du développement des médias (DDM), rattachée au Premier ministre François Fillon  ». (Newsletter De Cb News, 15 septembre). Lire ici même : le communiqué de la CGT (« Déprime de rentrée à France 24 »), suivi d’un entretien.


2. Radios

 Radio Numérique Terrestre (RNT) : RTL manque d’enthousiasme. La plus grosse radio privée du groupe Bertelsmann avertit : le lancement de la RNT n’est plus cousu de fil blanc… Christopher Baldelli, du haut de son directoire de RTL affirme que « la radio numérique terrestre n’est pas une pétition de principe.  » RTL en mode de « rentabilité », a compris que la RNT lui coûtera de l’argent (ainsi qu’aux auditeurs), « à raison d’environ 3 millions d’euros par canal soit 12 millions d’euros pour le réseau complet (RTL, RTL2, Fun Radio, RTL-L’Équipe). La difficulté économique doit être prise en compte. C’est un sujet pour les opérateurs, le CSA et les pouvoirs publics. Il demande beaucoup de concertation. »

 Radio France sous perfusion ? Le directeur général délégué aux antennes de Radio France souligne que « l’Etat s’est engagé à intervenir à hauteur de 8 millions d’euros en cas de trou dans la trésorerie "pour accomplir " les missions en 2009 du groupe public  ». Il s’agirait de débloquer une partie de la « provision de 23 millions d’euros qui lui est dédiée dans la Loi de finances, et dont l’utilisation est soumise à conditions. » (La Correspondance de la presse, 15 septembre). A noter que les recettes publicitaires du groupe public affichent une chute de 30 % (Les Echos, 15 septembre).

 Et RFI : Dossier à suivre ici-même

III. Internet, numérique

 Neutralité du net, combat de titans sur le dos du "consommateur". La net neutralité, (ou neutralité de réseau), - principe selon lequel Internet est le même pour tous (liberté de circuler, Cqfd.) - est menacé aux Etats-Unis par le lobby industriel de l’Internet mobile et des FAI (fournisseurs d’accès Internet). Ces bienfaiteurs veulent transformer le réseau en chasse proprement gardée. [2]. Des tensions et abus des FAI américaines (n’hésitant pas, comme Comcast, à brider sans prévenir ses clients leur accès à certains téléchargements) ont poussé la Federal Communication Commission [3], à édicter deux nouvelles règles. Ainsi les fournisseurs d’accès « ne peuvent pas discriminer des services ou des applications en les ralentissant » et « doivent faire preuve d’une transparence totale et expliquer à leurs clients comment ils gèrent leurs réseaux quand ces derniers sont congestionnés ».

 Plan numérique : de l’argent pour nous en faire dépenser. Pour « accompagner » l’extinction de la diffusion de la TV en analogique, le gouvernement a lancé un dispositif d’information sous la forme de d’une campagne nationale en TV et presse. Or, constate Zdnet (21 septembre), « si un dispositif d’aides financières pour accompagner les foyers les plus modestes à l’adoption du numérique est prévu par le gouvernement, on n’en connaît pas encore les modalités, ni les conditions d’attribution. Chèque de remboursement à l’achat de matériel de réception satellite, crédit d’impôts, toutes les options restent ouvertes. » Cela dit, la bonne nouvelle qui tombe à pic est que « le budget annuel des foyers français en médias et loisirs numériques est en hausse de 4,3 %. La dépense moyenne est de 2.324 euros en un an. La téléphonie mobile reste le premier poste, tandis que la musique recule.  » (Les Echos, 20 septembre) [4]

 
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Notes

[1Le Crédit Mutuel de l’Est, contrôle en effet désormais via sa société Ebra, le Courrier de Saône et Loire, le Bien Public, le Progrès, le Dauphiné […] l’Est Républicain […], les Dernières Nouvelles d’Alsace […] le Républicain Lorrain […] l’Alsace

[2Mais ce n’est pas du tout l’intérêt des Google, You Tube et consorts (opposés à ces élans monopolistiques et qui prônent des « tuyaux totalement ouverts », - c’est-à-dire n’importe quel internaute cliquant sur leur site).

[3Agence gouvernementale américaine chargée de défendre l’intérêt du consommateur en matière de télécommunications.

[4Et puisque l’on est dans les chiffres, il faut savoir que la « couverture nationale en fibre optique pour généraliser l’Internet à très haut débit est un grand défi, mais la France va devoir le financer. La secrétaire d’Etat chargée de l’Economie numérique a lancé hier un appel au grand emprunt national. » Coût de la couverture « entre 25 et 40 milliards d’euros  ». (Les Echos, 12 septembre)

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