Alors qu’il est question de l’Europe sociale, Jean-Luc Mélenchon prend la parole, et lance : « C’est la pente du moins-disant social qui l’emporte dans tous les domaines. Il n’y a pas de contre-exemple à ce que je dis. Je ne sais pas combien vous êtes autour de cette table à être partisans du oui , mais qu’un seul d’entre vous me donne un exemple d’une bonne chose qui soit venue de l’Europe, qui soit autre chose que de la déréglementation. »
La réaction ne se fait pas attendre longtemps, puisque Bernard Guetta, chroniqueur matinal, spécialiste ès questions internationales, lui pose une question sur les rapports de force politiques au niveau européen. S’ensuit un échange plutôt « musclé », comme on dit :
- Jean-Luc Mélenchon : Les rapports de force, de quelle manière les jouez-vous ? Moi je suis républicain. Je les joue dans le vote. J’ai participé à un vote, j’ai gagné le vote et vous vous êtes assis dessus ! Et vous continuez à le faire…
- Bernard Guetta : Non pas moi, pas moi, pas moi…
- Mélenchon : Oui, oui, si, si, vous aussi. Parce que tous les matins, vous faites de la propagande pour le “oui”.
- Guetta : Non, je ne vous permets pas de dire ça…
- Demorand : Non, n’exagérez pas.
- Guetta : Je ne vous permets pas de dire ça…
- Mélenchon : Vous ne me permettez pas…
- Guetta : … je ne parle pas tous les matins de l’Europe. Et je ne fais pas de la propagande monsieur, s’il vous plaît.
Bernard Guetta a raison sur un point : il ne fait pas de propagande en faveur du Traité de Lisbonne tous les matins… puisqu’il ne parle pas tous les matins de l’Europe. Mais quand il en parle, il applique ce que Pierre Rimbert appelle « le théorème de Guetta » [1] : « Toute réussite s’explique par l’Europe ; tout échec est imputable au manque d’Europe ; toute réussite et tout échec appellent davantage d’Europe. »
Le théorème inverse ne vaudrait sans doute guère mieux. Toutefois, si son inventeur existe, on ne l’entend guère sur France Inter. Comme on n’entend guère d’éditorialiste hostile au Traité de Lisbonne, et c’est ce défaut de pluralisme qui nous importe le plus ici. On n’entend même pas de journaliste spécialisé qui exposerait les arguments en présence au lieu d’asséner exclusivement sa propre opinion. Quand Bernard Guetta déploie ce qu’il croit être de grands efforts de « pédagogie », c’est, en l’absence de tout contradicteur, une « pédagogie » à sens unique. Autrement dit, de… la propagande.
Pour celles et ceux qui n’auraient pas gardé en mémoire ce que fut cette « pédagogie » pour Bernard Guetta en 2005, il suffit de suivre la note [2]. Réfutant alors, sans les comprendre, les critiques qui lui étaient adressées, Bernard Guetta a poursuivi depuis sur sa lancée…
La réplique de Jean-Luc Mélenchon n’est donc pas dénuée de portée… « pédagogique ». A défaut de convaincre ses interlocuteurs, il aura au moins eu le mérite de montrer qu’il est possible et souvent nécessaire de critiquer les médias dans les médias. Une leçon pour les contestataires qui oublieraient de contester.
Une fois l’orage passé, Nicolas Demorand, qui espère calmer les esprits, commence à poser une question sur la privatisation de la Poste. Marielle de Sarnez intervient pour parler d’Europe, et Mélenchon la coupe, ce qui énerve Demorand qui n’arrive pas à terminer sa question. Alors il hurle (véridique) :
« Laissez moi… Laissez moi FINIR MA QUESTION, S’IL VOUS PLAÎT ! Un peu de silence. »
Il y a des matins comme ça, où il est agréable et même amusant de se réveiller en écoutant France Inter.
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Format mp3 - Durée : 1’ 40" - Téléchargeable ici
Mathias Reymond - Montage sonore : Ricar