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France 2 célèbre la mise en concurrence du trafic ferroviaire

par Matthieu Vincent,

Depuis le 13 décembre 2009, le transport de voyageurs est ouvert à la concurrence sur le sol français. Une information qui n’a pas beaucoup retenu l’attention des grands médias. Le 22 décembre pourtant, le Figaro annonce que Veolia souhaite concurrencer la SNCF sur le trafic des TGV à l’horizon 2012. France 2 reprend l’information dans le 20h du 23 décembre, dans un bref reportage. L’occasion d’expliquer les causes, les modalités, les conséquences prévisibles de cette mise en concurrence ? Ou d’en proposer une vision simpliste et univoque, sous couvert d’information ? Qu’on en juge…

Un reportage pédagogique ?

Le sujet, d’une minute cinquante, commence par des images de trains étrangers que le journaliste de France 2 commente : « Un ICE allemand, un Vivalto italien, un train Virgin anglais à côté de notre TGV, tous sur les rails français, c’est désormais possible ». On part d’un constat simple, visuel, superficiel : les Français vont voir de nouveaux trains sur leurs rails.

L’information tirée du Figaro est ensuite donnée en commentaire : « Le 13 décembre la SNCF a perdu son monopole. Aucune compagnie étrangère n’a encore franchi le pas mais Veolia et Trenitalia s’apprêtent à créer la première compagnie ferroviaire à bas coûts ». Le journaliste s’empresse d’ajouter : « une nouvelle plutôt bien accueillie sur les quais de gare ce matin ». « Une nouvelle » ? Mais quelle nouvelle ? La perte du monopole de la SNCF, ou la promesse de « bas coûts » ?

Suit alors le traditionnel micro-trottoir, censé démontrer par l’enquête la véracité de l’affirmation ci-dessus. Celui-ci est un modèle du genre : trois personnes, trois phrases, trois « témoignages », qui vont dans le même sens – celui des « quais de gare », ce matin-là, sans doute : « Une concurrence est toujours nécessaire, ça ne peut apporter que du bien » dit une veille dame. Un jeune homme ajoute : « Les avions low cost ça arrange beaucoup de monde, moi y compris, je dois l’avouer, donc pourquoi pas les trains ? ». Un troisième précise : « Il faut pas que ce soit une course vers le bas il faut que ça soit une course avec des prix intéressants pour le consommateur et pour les voyageurs et avec des services un minimum de qualité. »

Qu’apportent ces bouts d’opinion bien choisis ? A peu près rien, sinon un regard favorable à la concurrence « toujours nécessaire ».

La suite du reportage va-t-elle apporter une mise en perspective, à défaut d’un regard véritablement critique ?

Pas exactement. Après mention de la principale source, visiblement, du reportage, et quelques précisions [1] sur fond de carte de France sur laquelle les lignes se dessinent, on peut alors entendre… le ministre des Transports Dominique Bussereau, qui se dit « favorable à la concurrence », et « salue le projet [de Veolia] ».

Une ombre au tableau ?

Tout irait favorablement dans le meilleur des mondes concurrentiels, quand le reportage, montrant alors des cheminots au travail, mentionne un motif d’inquiétude. Dans cette « course » vers le haut et vers les « bas coûts » qui s’annonce, la SNCF part en effet avec un sérieux « handicap » : « Mais la SNCF a un handicap : le statut social de ses cheminots qui renchérit ses coûts de 30% par rapport au secteur privé. »

Ainsi, la mise en concurrence du trafic des voyageurs va poser un problème. Non pas pour les usagers du service public des transports, ni pour les salariés de la SNCF mais pour l’entreprise SNCF (dont on omet de dire qu’elle est publique) [2], puisque ses salariés coûtent trop cher.

D’où vient ce chiffre de « 30% » ? Qui l’a calculé ? De quelle manière ? On ne le saura pas. Mais on remarquera que c’est le même chiffre cité, sans donner de source, par Le Figaro.

Et cependant, nous rassure-t-on, « pas de quoi inquiéter le patron de la compagnie ». Aucun représentant du personnel de la SNCF n’est en effet interrogé pour confirmer, discuter ou infirmer ce chiffre. En revanche, on donne la parole au président de l’entreprise Guillaume Pépy qui se contente de dire : « Pour vendre plus bas que la SNCF il va falloir que nos concurrents soient très très bons, très très bons, je leur souhaite bon courage ».

Service public ?

Le journaliste de France 2, chaîne de service public, aurait pu dire que la SNCF est une entreprise publique assurant des missions de service public, missions que l’ouverture à la concurrence pourrait par exemple mettre en danger. Mais la question n’est même pas évoquée. On se contente de signifier à la SNCF qu’elle « serait bien mal placée pour dénoncer cette concurrence car elle n’a pas attendu pour aller rouler à l’étranger, notamment en Grande-Bretagne ou en Allemagne ». Fin du reportage.

Que la SNCF se comporte comme une entreprise privée semble être une évidence, tout comme le fait que le trafic ferroviaire doit être ouvert à la concurrence. Ces questions ne se discutent pas, en tout cas pas sur France 2. Puisque « la SNCF » est « mal placée pour dénoncer cette concurrence », inutile d’aller chercher une quelconque voix discordante qui pourrait le faire à sa place.

Ce que retient France 2 de l’ouverture à la concurrence ? La baisse des prix pour les voyageurs et le coût trop élevé des cheminots de la SNCF.

France 2 est une chaîne de service public censée assurer un service public de l’information. On ne sait si les salariés de France 2 coûtent 30% plus chers que leurs concurrents… mais certains journalistes de la chaîne appliquent parfois le service minimum de l’information.

Matthieu Vincent

 
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Notes

[1« Selon Le Figaro, Veolia s’intéresse aux lignes Bruxelles-Lyon via Paris, Paris-Londres et Paris-Strasbourg avec l’objectif de casser les prix. »

[2Alors même que Le Figaro le précise.

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