Christophe,
Moi-même petit soldat au sein de la société de production de Téléparis, j’observe quotidiennement les pratiques de nos équipes.
J’aimerais vous faire partager, à titre amical, quelques unes de mes observations sur le terrain.
Téléparis et Guillaume Durand Productions ont réalisé l’année dernière tout un pilote autour d’un concept discutable : le panel de Français. Un pilote, c’est-à-dire la simulation d’une émission potentielle. Notre dirigeant, Stéphane Simon, porté dans le milieu par Thierry Ardisson (gros actionnaire de la société), partage avec notre président Nicolas Sarkozy le goût d’une France qui va où on lui dit d’aller. Dès lors, les éléments potentiellement perturbateurs, écartés du panel par ses soins, les survivants au casting, drivés en amont par toute l’équipe, furent, au moment du tournage, sages comme des images ; tant et si bien que quelques individus de cette France sans aspérités furent recyclés pour « l’Objet du Scandale » de cette saison.
Nous, les petits soldats de la grande famille des rues Descombes et Guillaume Tell [les adresses de Téléparis, note d’Acrimed], nous ne sommes pas syndiqués. Aussi malléables que nos panels, nous restons désunis au nom du rentable « jus de merde » de nos chefs. Pas faute d’être nombreux à en croire Stéphane Simon qui, dans une interview au Figaro en octobre 2007, disait signer jusqu’à 650 feuilles de salaire dans le mois. Bien assez pour monter un bon petit repaire d’ « ultra-gauchistes » direz-vous, sauf qu’il est difficile d’entretenir la fibre militante quand on est payé à la pige...
En effet, dans ce même papier du Figaro, pas une ligne sur le statut d’une grande partie des salariés de Téléparis. Je ne parle pas des rares CDD ou CDI, mais de tous les vrai-faux intermittents du spectacle comme moi, qui ne sont déclarés que 15 jours alors qu’ils travaillent à temps-plein pour la boîte. Dans la profession, on nous surnomme les « permittents ». Les contrats sont-il légaux ? Non selon quelques jugements des prudhommes. Mais, plus généralement ? Ce serait à l’Inspection du travail de le vérifier. En tous cas ils sont très utiles pour maîtriser les coûts de production :
- un permittent coûte deux fois moins cher qu’un CDI ;
- on ne rechigne pas à la tâche lorsque l’on peut être mis à la porte du jour au lendemain ;
- les jours de congé et de maladie sont entièrement pris en charge par les Assédics.
Il faut relever la superbe hypocrisie de cette situation, où pour vendre l’idéologie libérale, on utilise et détourne les systèmes d’aide de l’État-providence.
Utilisée à grande échelle, cette pratique permet à Téléparis de vendre ses programmes à des prix dérisoires (sa marque de fabrique), et d’obtenir à l’année un très bon chiffre d’affaire que les quelques procès perdus aux prud’hommes n’entament pas vraiment.
Voilà. Je vous demande de garder pour vous et votre cercle d’amis les confidences que je vous fais : Stéphane Simon n’aimerait probablement pas voir dévoilé les secrets de sa petite cuisine. Mais je ne serais probablement pas fâché si vous les dévoiliez …
Amicalement,
XYZ
P.S. d’Acrimed
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