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De « réforme » en « réforme » (1995-2010) : (2) La rhétorique de la « méthode »

par Henri Maler,

A l’occasion de la réimpression de Médias et mobilisations sociales (2007), nous reprenons ici quelques extraits du premier chapitre, complété par quelques références aux articles que nous avons publiés depuis sur les mobilisations sociales, du moins quand elles prennent pour cibles les réformes gouvernementales.

Alors que se prépare une nouvelle contre-réforme des retraites, d’ores et déjà saluée par les pontifiants des médias dominants comme une réforme « urgente, unique, inévitable », il n’est pas inutile de revenir sur la rhétorique et le rôle de ces conseillers des gouvernants. Voir la première partie : (1) Le consensus des « pédagogues ».

Pour la plupart de nos pédagogues, aujourd’hui comme hier, si la réforme est indispensable et qu’il n’existe pas d’autre réforme que LA réforme, seule importe la « méthode ». La plupart des médias ne s’en étaient pas avisés en 1995. Mais ils ont beaucoup réfléchi depuis.

En général, la « méthode » préconisée consiste à décider d’abord et à dialoguer ensuite.

Pour preuve, ce titre d’un article du Monde pour LeMonde.fr, daté du 16 mai 2010 : « Retraites : les Français vont travailler plus, les hauts revenus seront taxés ». Ainsi est présenté le document d’orientation du gouvernement sur la réforme des retraites, présenté par le ministre du travail Eric Woerth et se trouve annoncer ce que sera ou devrait être la « réforme »… avant toute concertation et tout développement des mobilisations qui pourraient remettre en cause le projet.

I. Les arbitres du « dialogue »

Si les mobilisations sociales ne doivent pas compromettre « la réforme », on se doute de quel cadrage éditorial, elles vont bénéficier. D’emblée, les motifs des grévistes et manifestants, forcément irrationnels, sont disqualifiés ; leurs arguments sont presque inaudibles ou réduits à des témoignages d’ambiance, car c’est à peine s’ils méritent d’être entendus. Et s’il faut concéder – cela arrive… - une once de légitimité à leur action, c’est à la seule condition qu’elle incite le gouvernement à « écouter » et, parfois, à « dialoguer ». Un mot vidé de tout contenu – à force d’être employé à tort et à travers – qui en appelle d’autres : proche compagnon de « la réforme », « le dialogue social » fait partie de ces expressions-fétiches [1], qu’il est bon d’invoquer à tous propos, ne serait-ce que pour déplorer que ledit « dialogue » est « en panne » et même si l’on chercherait en vain à savoir en quoi il devrait consister. Toute la différence entre les divers éditorialistes consiste pour une large part, à choisir qui doit « dialoguer » le premier : le gouvernement ou les manifestants ?

Quelques rappels…

2003 : « Dialoguer » pour aménager ?

Quand le 1er février 2003, François Fillon annonce que la réforme des retraites est prête, des commentateurs charitables découvrent qu’il est temps de discuter… des modalités de son application (« Retraites : la berceuse de Raffarin endort la presse », 4 février 2003)..

Durant les semaines qui suivent, la mobilisation change la donne et donc le sens de la lutte pour des « négociations ». C’est alors que Le Monde prodigue les conseils que tout le monde attendait sur l’art de négocier des miettes quand tout est déjà bouclé (« Le Monde, conseiller en négociations », 22 avril 2003).Toute la différence entre les deux conseillers du gouvernement que sont Le Figaro et Le Monde se résume à ceci : alors que le premier, parce qu’il soutient la réforme, se réjouit d’un simulacre de concertation sociale en incitant le gouvernement à la fermeté, le second soutient la réforme en proposant un pot-pourri des thèmes à soumettre à un simulacre de concertation et en incitant le gouvernement à faire preuve d’une hypothétique souplesse.

Le 25 mai 2003, Le Monde, sous la plume d’Eric Le Boucher, confirme son goût pour la « pédagogie ». Certes, le gouvernement a « accumulé des bévues sur le dossier de la réforme des retraites » et « maladroitement accumulé sur la table au même moment trop de projets affectant les fonctionnaires ». Certes, il « n’a pas su, non plus, mener la pédagogie nécessaire auprès des Français ». Mais il est bien connu que le peuple est ce grand enfant auquel le gouvernement doit enseigner ce qu’il doit vouloir. En effet, pour Eric Le Boucher, zélateur zélé du gouvernement et éclaireur éclairé du peuple «  l’opinion n’a pas mûri, sa conviction du besoin de changement reste confuse et rétive  ». Face au gouvernement et à ses sages conseillers : l’opinion. D’un côté, la clarté et l’audace ; de l’autre, la confusion et la rétivité. Cette opinion qu’Eric Le Boucher connaît si bien par sondages a besoin d’être rééduquée avec « méthode ». (« Le Monde s’insurge contre la contestation sociale » 3 juin 2003.)

De son côté, Le Figaro, au lendemain de la réunion d’un Comité interministériel (28 mai 2003) qui a accouché de propositions qui figurent déjà dans le projet de loi sur les retraites et d’une offre de discussion sur les modalités d’une décentralisation que refusent les enseignants en lutte titre : « Ecole : Raffarin fait un geste, les syndicats disent non ». L’éditorialiste du jour - Jean de Belot - explique cyniquement que Raffarin a ouvert la porte pour la fermer : «  Jean-Pierre Raffarin a joué gros hier soir. En ouvrant la porte aux enseignants, il espère désamorcer la crise dans l’Education nationale. Afin que la réforme des retraites puisse aller à son terme.  » « Raffarinades contre les enseignants : revue de presse du 28 mai 2003 », 28 mai 2003.

Si la « bonne méthode » semble généralement être la « pédagogie » et la « concertation », la « mauvaise méthode », selon les cas et les médias – merveille du pluralisme -, ce sont, alternativement, la « faiblesse » (qui répugne tant au Figaro) ou le « passage en force » (et qui déplaît au Monde). Tout compte fait, ce qui, pour nos chers pédagogues a prévalu lors des mobilisations contre le « Contrat Première Embauche (CPE) et la précarité, ce fut d’abord le « passage en force » du gouvernement et l’inquiétude pour sa « faiblesse » quand sa « réforme » fut enterrée face à l’obstination d’une partie des manifestants.

2006 : Réformer sans « dialoguer » ?

En 2006, en effet, ce ne fut pas tant le CPE lui-même qui inquiéta nos éditorialistes que la « méthode », du moins quand la mobilisation prit de l’ampleur. Sous le vernis d’une critique, voire d’une hostilité généralisée contre de Villepin, éditorialistes, chroniqueurs et experts, par-delà la diversité de leur prise de position sur le contenu même de la loi « Egalités des chances » et sur le CPE, ont communié dans un hymne à « la » réforme et à « la » méthode. Ils s’en étaient très vaguement inquiétés lors du vote de la loi. Ils s’en sont émus chaque jour davantage au cours de la mobilisation : la méthode du Premier Ministre n’était pas la bonne méthode !

La bonne méthode porte des noms divers. Elle s’appelle indifféremment « dialogue social », « concertation », « négociation ». Comme si l’essentiel était de « causer », quels que soient les enjeux, la forme, les partenaires. La mauvaise méthode porte le même nom que la menace que fait peser le droit du travail : c’est la « rigidité ». Faite homme, la rigidité s’appelle de Villepin. Haro contre la mauvaise méthode. Haro contre de Villepin qui risque de consacrer (mais il n’en est pas le seul responsable) « l’impossibilité de la réforme ». Echantillon d’inquiétudes éditoriales sur la « mauvaise méthode ».

Louis Bigot, dans Le Républicain Lorrain du 13 mars s’inquiète de « la solitude d’un Premier ministre qui a décidé d’imposer à tous le CPE pour en faire un viatique de présidentiable.  » - Gilles Dauxerre, dans La Provence, le 13 mars 2006 : « Il n’est pas sûr que cette stratégie de l’action et de la conviction, qui néglige la discussion, apaise la protestation. Le bras de fer va se dérouler au moins toute la semaine entre le gouvernement "droit dans ses bottes", qui prétend organiser la précarité pour ne plus la subir, et les adversaires du CPE, qui misent sur l’inquiétude de la jeunesse. » - Michel Noblecourt, dans Le Midi Libre du 13 mars commente ainsi : « Une pédagogie habile mais laborieuse qui, aux yeux des syndicats et des étudiants mobilisés, risque de paraître tardive et insuffisante. » - Henri Jacques, dans La République des Pyrénées, le 13 mars 2006, s’inquiète lui aussi de « l’orgueilleuse sûreté de soi d’un premier ministre qui a cru pouvoir éviter la case "concertation" avec les partenaires sociaux, avant de la quémander maintenant pour sauver son CPE. » - Olivier Picard, le 14 mars 2006, dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace, s’interroge : « Cette énième débâcle du politique devant l’immobilisme français servira-t-elle au moins de leçon ? Quand les dirigeants de ce pays admettront-ils qu’il n’existe plus de solution miracle, mécanique, venue d’en haut ou d’une loi imposée par la poigne ? Le naufrage de la méthode Villepin met en lumière une évidence : le salut ne peut venir que d’un dialogue le plus ouvert possible.  » - Didier Pillet, dans Ouest France, le 15 mars 2006 : « Oui, seulement voilà, dès que ce mot de réforme est prononcé, les Français entendent régression. Et ils se barricadent dans une attitude de refus.  » On se demande bien pourquoi.

2009 – « Grognons » et « diplomates »

Trois ans plus tard, autre « réforme », autre mobilisation. Cette fois, la presse écrite est partagée, mais Le Monde occupe la position centrale qu’il affectionne….

Le Monde qui le 14 décembre 2007 annonçait dans un bref article « la fin du mouvement contre la loi sur l’autonomie », une loi que l’éditorialiste anonyme du quotidien avait ardemment soutenue. Plus d’un an plus tard le quotidien, grand communicateur de toutes les « réformes » gouvernementales, est confronté à de nouvelles « réformes » dont la plupart poursuivent la grande « rénovation » néo-libérale de l’Université entreprise par le gouvernement. Suspense : Comment Le Monde va-t-il informer sur le conflit entre universitaires et gouvernement ?

A la façon du Monde : en observant une rigoureuse asymétrie, sous les dehors d’une improbable objectivité. Tandis que les opposants aux « réformes », en proie à leurs affects, « s’agitent », les gouvernants sont crédités d’une indéniable bonne volonté (certes un peu brouillonne) puisqu’ils « précisent » et « arrondissent les angles », en multipliant les « gestes » et les « concessions » qui témoignent de sa « diplomatie », de sa « patience », et de sa volonté de « renouer le dialogue ».

C’est ce que permettent de vérifier, les articles que nous avons publié sur cet exercice d’équilibre déséquilibré : « Le Monde et le mouvement universitaire » (illustré par « Les “grognons” et les “diplomates” » et complété par « Le Monde persévère ainsi que « Le Monde se rectifie, mais reste incorrigible »).

Tant de sollicitudes à l’égard des gouvernants, tant d’inquiétudes à propos de leur « méthode » ont pour contrepartie d’incessantes mises en cause de ces autres « méthode » que sont les formes d’action des contestataires des inévitables « réformes ».

II. Les contempteurs de la violence

Quelques rappels.

2003-2005 : la « méthode » des intermittents

Le 26 juin 2003 est signé à l’Unedic un accord sur l’assurance chômage des intermittents du spectacle conclu entre le Medef et trois organisations syndicales. Immédiatement contesté par la CGT et les premiers intéressés qui multiplient les actions, notamment lors des festivals de l’été. A de rares exceptions près, les articles favorables à l’Unedic et défavorables aux actions des intermittents - de la condamnation de la prise d’otages des festivaliers à celle des prises d’antenne – ne tardent pas, notamment parce que, pour se faire entendre, les intermittents multiplient les actions, notamment les prises de parole dans les médias. Parmi toutes ces interventions : les actions lors du Tour de France en juillet 2003, l’intervention du mardi 15 juillet 2003 aux Chorégies d’Orange, l’intrusion sur le plateau de « Star Academy » en octobre 2003, l’interruption du Journal de 20h sur France 2 le lundi 10 novembre 2003, les interventions lors de la cérémonie des Césars du 21 février 2004, l’interruption du 7-9 de France Inter le 18 janvier 2005, etc.

Dans un éditorial du Bien Public de Dijon, daté du 20 octobre 2003, intitulé « Les irréductibles », Philippe Alexandre nous a offert un bien bel exemple de journalisme de maintien de l’ordre, que résume cette opposition entre le « dialogue et la « violence » : « Jacques Chirac s’obstine à déclarer que, pour un pays normalement civilisé et plutôt bien éduqué, tous les conflits doivent toujours être résolus par le dialogue, la concertation c’est-à-dire la sagesse. Malheureusement, en dépit d’une bonne volonté qu’il ne cesse de manifester, ceux-là mêmes auxquels il s’adresse ne veulent rien entendre et usent de la violence de plus belle. » [2]

« La violence » (indifférenciée, quels qu’en soient les formes et les degrés) d’une part, « le dialogue » (d’autant plus interactif qu’il est imaginaire), d’autre part… Les « preneurs d’otages », d’un côté, et d’aimables bavards de l’autre…

2004 : La « méthode » des coupeurs de courant d’EDF

En 2004, la « réforme » du statut d’EDF (sa transformation en société anonyme à capitaux publics ) provoque la mobilisation de salariés, qui multiplient les coupures de courant.

Dans la nuit du dimanche 6 au lundi 7 juin 2004, le syndicat CGT parisien du Réseau de transport d’électricité (RTE) a organisé la coupure du courant sur une partie du réseau d’alimentation des lignes des plusieurs gares de Paris. Le lendemain, France soir titrait : « Sévices publics ». Et Le Monde ? Le Monde, noyait les faits sous ses commentaires ... éclairés, comme il se doit. Avec un dessin de Plantu, dénonçant les « tortionnaires » de la CGT-EDF

Le 16 juin 2004, sous le titre « La tête et les jambes ». Paul Burel pour Ouest-France commet un superbe éditorial commenté ici même. Air connu : ce qui est moderne, c’est l’inévitable (et réciproquement). On ne combat pas la fatalité : «  Dans le contexte de la libéralisation massive et inévitable du marché de l’énergie, le statu quo serait suicidaire. Face à des concurrents agressifs et sans entraves, EDF n’a que le choix de se moderniser pour lutter à armes égales. A chances égales. Tous combat corporatiste d’arrière-garde ne pourrait qu’affaiblir un fleuron que beaucoup de pays nous envient. »

Trois jours plus tard, le 19 juin 2004, la coupure de courant infligée à la demeure du bon Raffarin mobilise le big boss d’Ouest-France, François-Régis Hutin qui, dans les grandes circonstances - quand la Patrie est mise en danger par des salariés en lutte par exemple - inflige aux lecteurs de « son » quotidien, de Grandes Leçons de Morale, d’une haute tenue intellectuelle, qui fixent l’orientation du journal. Sous le titre « Fausse route », le patron se fend d’un éditorial historique (à déguster ici même pour conjurer les risques de guerre civile : « Si ses orientations [du premier ministre] ne plaisent pas, c’est au Parlement régulièrement élu qu’il faut agir, pas chez lui, pas contre sa personne, pas contre sa famille, sinon c’est la violence qui tiendra lieu, demain, de politique. On sait où cela mène : ce ne serait plus seulement des compteurs que des irresponsables brandiraient et jetteraient à la face des citoyens. » [3]

Et l’on vous épargne quinze ans de solidarité médiatique avec les usagers en colère contre les preneurs d’otage… pour ne retenir que cette ultime « violence » : la mise en cause des médias eux-mêmes.

1995-2010 : Médias, merveilleux médias

Aveugles sur la violence qu’elles exercent, les chefferies éditoriales qui soutiennent les « réformes » et se posent en conseillers des gouvernants contre les acteurs des mobilisations sociales, n’ont de cesse de dénoncer l’intolérance coupable dont ces acteurs feraient preuve face aux représentants de la plupart des médias dominants (que ces représentants soient ou non directement responsable de d’une orientation éditoriazle qui souvent leur échappe).

 Lors des mobilisations contre le Contrat Première Embauche, en 2006, des étudiants grévistes ont voulu opposer leur droit d’informer à celui dont de trop nombreux journalistes prétendent se réserver le monopole. Ces étudiants furent décrétés « paranoïaques ».
« Médias, casse-toi ! » : les étudiants grévistes face aux médias (1) et (2)

 En 2007, la résistance des salariés à la réforme des régimes spéciaux et le mouvement étudiant contre la LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités) ont à nouveau confronté leurs acteurs à des médias qui prétendent leur dicter leurs conditions en se prévalant d’une liberté d’informer qui se confond trop souvent avec le soutien que ces mêmes médias apportent aux « réformes » gouvernementales. Le conflit est inévitable.

La violence insidieuse de la domination médiatique suscite des actions de légitime défense que les journalistes seraient bien inspirés de comprendre plutôt que de les condamner en bloc (Lire : « Médias contestables, médias contestés par des étudiants en lutte »)

Cette même violence médiatique pourtant est périodiquement revendiquée par des éditocrates qui prétendent détenir le monopole de la parole légitime (Lire : « « Un sermon du Monde contre les acteurs des mobilisations sociales, 19 novembre 2007 [4]).

En 1995, l’ « Appel pour un action démocratique sur le terrain des médias », à partir duquel s’est constitué Acrimed, s’insurgeait : « Le mouvement social de novembre et décembre 1995 a donné lieu à des tentatives intolérables d’étouffer la voix des acteurs sociaux (en affectant de leur donner la parole), de dénaturer leurs aspirations, d’effacer leurs propositions en les soumettant au verdict de prétendus experts. » Quinze ans plus tard, ce constat est de plus en plus largement partagé, mais il reste le même.

* * *

Libre aux médias de parti pris de prendre parti : on ne leur contestera pas ce droit ; libre aux commentateurs tous-médias de dispenser à tous vents leurs leçons de « méthode » face à des mobilisations dont ils combattent, partiellement ou totalement, les objectifs et les moyens d’action : il nous suffit ici de dresser le bilan de leurs convergences et d’analyser la vulgate dont ils sont les auteurs.

Car tel est bien le résultat : une profusion de commentaires distincts (qui se prévalent d’une liberté d’expression dont personne ne songe à mettre en cause le principe même) se traduit pourtant par un consensus écrasant (qu’il est permis de contester). Sans doute le poids de cette rhétorique affecte-t-il différemment l’information proprement dite selon le média concerné : un éditorial de presse régionale n’est pas une présentation de journal télévisé. Mais elle fixe les limites de ce qui est officiellement pensable et dicible : les seules mobilisations légitimes sont, aux yeux des porte-voix dominants du journalisme et du seul fait de leur domination, celles qui entérinent la dislocation de l’Etat social, se soumettent à des concertations d’accompagnement ou ne compromettent pas la « modernisation ».

Quand l’intérêt général qu’ils définissent à leur gré et dont ils s’attribuent la garde ne leur semble pas en cause, certaines revendications et certaines actions peuvent même bénéficier de leur commisération, de leur compassion voire même de leur sympathie. Mais dans tous les autres cas, ces dominants aveuglés par leur domination, convaincus de ne devoir leur propre légitimité qu’à leur mérite, ne sont jamais avares de leur arrogance quand il s’agit d’évaluer les ressorts des mobilisations et les mobiles de leurs actions.

Henri Maler

 
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Notes

[1Sur cette langue, voir Eric Hazan, LQR. La propagande au quotidien, Paris, Raisons d’agir, 2006, notamment pp. 31-33.

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