Que s’est-il passé ? Une « interception meurtrière » (Pierre Rousselin, Le Figaro), un « abordage sanglant », (Daniel Ruiz, La Montagne), un « arraisonnement meurtrier » (Didier Pobel, Le Dauphine Libéré), un « drame survenu en pleine mer » (Bertrand Meinnel, Le Courrier Picard) ». Les éditorialistes du 1er juin cherchent leurs mots, tandis que les journalistes d’information traquent les « faits ».
(1) Des commencements incertains
« Qui a déclenché les violences ? » : « Faut-il incriminer, comme le font les autorités israéliennes, des provocations de la part de certains passagers de la flottille, ou une réaction disproportionnée des unités israéliennes, comme l’affirment les organisateurs du convoi ? », s’interroge, comme la plupart des médias, Le Monde du 1er juin qui expose ainsi les versions en présence « … les membres du mouvement Free Gaza, principal organisateur du convoi, affirment que les soldats ont été les premiers à ouvrir le feu, sans justification. De son côté, Israël accuse les militants d’avoir déclenché les violences en attaquant les soldats, à coups de massue et de couteaux, alors qu’ils étaient hélitreuillés depuis les hélicoptères sur le pont du bateau… »
Soit ! Mais la façon dont certains médias ont traité la question s’apparente au récit d’une bagarre de cour de récréation.
« Qui a commencé » ? La focalisation de l’information sur cette question est lourde de présupposés accablants. Selon cette version, le blocus imposé à Gaza n’est pas la première et la principale violence. Un acte de piraterie, puisqu’il s’est déroulé dans les eaux internationales, ne relèverait pas de la violence. L’intervention armée de commandos de l’armée israélienne ne serait pas, par elle-même, un acte de violence. La menace armée de recourir à la force, avant et pendant le débarquement, non plus. La violence ne commencerait qu’avec le recours à des armes et non avec l’attaque proprement dite, ni même avec le parachutage de commandos surarmés sur les navires... Seule importerait l’origine du premier coup porté ou du premier tir.
Et comme dans la bataille des images, l’armée israélienne dispose d’une vidéo prise par une caméra thermique depuis un hélicoptère, celle-ci est complaisamment diffusée un peu partout. Certes, la présentation de cette vidéo prend généralement quelques précautions d’usage, mais elle entérine la version sélective de la question « qui a commencé ? », quand elle conforte la thèse israélienne en affectant de prendre ses distances, puisqu’elle ne montre que les actes de violence commis par les militants agressés.
Le Point.fr, par exemple, épouse cette version : « Flottille pour Gaza interceptée. Regardez la vidéo de l’armée israélienne pour se défendre », peut-on lire en titre le 31 mai à 17 h 52 (dans un article modifié le 1er juin à 8 h 44) : « […] la vidéo ne semble laisser aucun doute sur la violence utilisée par les occupants de la flottille contre les soldats de l’armée de défense israélienne. Prise de plongée, le premier plan montre un soldat israélien débarqué par hélicoptère, attaqué et frappé par les occupants qui le jettent sur le pont inférieur. Sur la seconde scène, on aperçoit un occupant armé d’une longue barre de métal qui frappe l’assaillant. Puis une dizaine de rebelles tenteraient d’immobiliser un soldat de l’armée israélienne. […] »
Or ce que montre la vidéo de l’armée israélienne ne dit rien du début des affrontements proprement dits. Mais surtout une agression armée en pleine mer est un acte de violence et de piraterie et, quel que soit le moment où sont intervenus les actions des militants, ce sont des actes de légitime défense. Mais qu’importe au Point.fr ! Un « soldat débarqué » est « attaqué ». Mais un soldat qui débarque est d’abord un attaquant ! Pourquoi pas « un agresseur de l’armée israélienne est agressé à son tour ? » L’armée israélienne – privée pour une fois du doux nom de « Tsahal » – est désignée comme « l’armée de défense israélienne. » Aux « soldats » sont opposés des « rebelles ».
Autre exemple : Ouest France.fr, le 31 mai, expose les deux versions, mais sous un titre qui tranche d’emblée : « Flottille de Gaza. Les commandos israéliens attaqués à la barre de fer » [2].
Cette version sélective des « violences » ouvre la voie à une querelle d’interprétation sur les sens de l’action.
(2) Une action troublante
– Des objectifs contestables ? Un journalisme scrupuleux ne s’en laisse pas conter et pose des questions. Le 31 mai, Claire Servajan, sur France Inter, interroge Leïla Shahid sur sa « réaction » : « Est-ce que vous approuvez, Leila Shahid, l’opération telle qu’elle était montée, l’opération de cette flottille internationale ? Est-ce que les militants qui étaient sur les bateaux ont eu raison d’insister malgré les mises en garde d’Israël ? » Puis elle la coupe : « Mais Israël avait prévenu que c’était de la provocation, hein, à ses yeux, une telle opération ? »
Un journalisme scrupuleux ne s’en laisse pas conter et se pose des questions. Voici, en deux sous-titres, l’alternative que L’Express.fr du 31 mai propose à ses lecteurs : « Initiative humanitaire... ou provocation armée ? » Toute autre signification semble être exclue.
Les présupposés d’une question de ce genre sont consternants. Ils laissent entendre qu’une initiative humanitaire cesse de l’être quand elle poursuit un objectif politique et qu’une telle initiative cesse d’être pacifique quand elle se donne quelques moyens de défense. Aux yeux de qui cet objectif politique – contester le blocus de Gaza – peut-il passer pour une provocation, sinon pour ceux qui le soutiennent ?
… Comme Bernard-Henri Lévy qui s’est empressé de déplorer les moyens employés pour « empêcher une provocation ». Prise de position qui ne dissimule pas son parti-pris en faveur du blocus. Et si tous les commentateurs ne se sentent pas obligés de désavouer explicitement le convoi humanitaire, quelques-uns emboîtent le pas à Bernard-Henri Lévy. Ainsi Denis Chaumin dans La Nouvelle République du Centre-Ouest, le 1er juin : « [...] Certes Israël pourra plaider la provocation, s’adossant à de troublants arguments. Les intentions des commanditaires de cette armada humanitaire cinglant en Méditerranée n’étaient probablement pas aussi limpides qu’ils s’appliquent à le soutenir désormais. Et la flottille, bravant un blocus renforcé depuis trois années, n’avait aucune chance raisonnable de parvenir à bon port. Rien à voir avec l’“Exodus” de 1947. L’objectif était ailleurs et le piège tendu a parfaitement fonctionné. »
Si le « piège » ne consistait pas dans la « provocation » elle-même, il résidait dans la recherche de la médiatisation, ne se lassent pas de répéter les commentateurs : « L’opération une “Flottille de la paix” n’avait pas caché son intention de braver l’embargo naval de la bande de Gaza et de chercher la plus grande publicité » (Pierre Rousselin, Le Figaro) ; « Une “embuscade médiatique” tendue par des “humanitaires” pro-palestiniens pas seulement armés de bons sentiments. » (Jacques Camus, La République du Centre) ; « [...] L’opération maritime menée au départ d’Istanbul misait sur la médiatisation. L’avertissement d’Israël de ne pas laisser les navires se rendre jusqu’à Gaza avait renforcé le projet des militants pro-palestiniens, certains que des images d’arraisonnement feraient le tour du monde et serviraient leur cause. Mais l’intervention des commandos israéliens est allée au-delà de l’accostage attendu. » (Dominique Quinio, La Croix) ; « Qu’il y ait eu, sinon de la provocation dans l’opération “Flottille de la paix”, au moins une volonté d’orchestration médiatique, sans doute. Pour autant, il est parfaitement stupéfiant de voir avec quelle facilité les responsables israéliens – militaires et civils – sont tombés tête la première dans le piège qui leur était tendu. » (Jacques Guyon, La Charente Libre).
Chercher à attirer l’attention des médias sur un blocus et sur ses effets – attention que ces mêmes médias accordent… avec parcimonie – serait donc un « piège » que le gouvernement israélien n’a pas su (aurait dû ?) déjouer ? C’est ce que laisse entendre Le Point.fr (le 31 mai) dans un « Décryptage » en provenance de Jérusalem [3] titré en lettre capitales : « Flottille pour Gaza interceptée ». Une simple « interception » dont la suite du titre nous livre le sens : « Le gouvernement israélien de Netanyahou pris aux pièges ». Pas un seul piège mais plusieurs ! Essayez d’expliquer dans ces conditions que ce gouvernement n’est pas une « victime »…
Et de qui ? On se le demande…
– Des acteurs équivoques ? Alors qu’ils ne se sont guère inquiétés des liens politiques du gouvernement de Benyamin Netanyahou avec l’extrême droite religieuse qui pèse lourdement sur la politique de l’État d’Israël, nombre de médias que nous étions peu habitués à voir s’interroger sur l’identité des organisations impliquées dans des actions humanitaires, ont souligné à l’envi l’existence de liens de tout ou partie des organisations partie prenante de « Free Gaza » avec le Hamas : sans même distinguer les liens politiques et les liens « opérationnels » indispensables à l’acheminement de l’aide, et alors même qu’une multitude de personnalités peu suspectes de sympathies « islamistes » étaient à bord des bateaux. Des pseudo-informations, souvent invérifiables, suffisent à disqualifier peu ou prou des humanitaires qui ne le seraient pas vraiment.
Pas vraiment des humanitaires, puisqu’il s’agit d’« un convoi censé transporter des [...] humanitaires » (i-Télé, le 31 mai à 19 h 02). Des humanitaires, « certains bien intentionnés, d’autres moins », note François Sergent dans Libération, sans préciser à quelle aune il juge la valeur des intentions. Pas vraiment des « humanitaires » puisqu’ils poursuivent un objectif politique : obtenir la levée du blocus. Pas vraiment des humanitaires puisque certains d’entre eux nourrissent d’obscurs desseins. Pas vraiment des humanitaires puisqu’ils entretiennent des liens troubles avec le Hamas « l’organisation, controversée, entretient des relations proches avec le Hamas » (Le Monde, Guillaume Perrier, le 2 juin), voire avec al-Qaida ! [4].
Mais d’ailleurs, « est-ce qu’on est tous d’accord pour dire que le Hamas est un mouvement terroriste ? » interroge Raphaël Enthoven pour conclure et recentrer le débat de « Ce soir ou jamais » sur France 3, au lendemain du raid sanglant de l’armée israélienne [5].
(3) Une violence invisible
Quoi qu’il en soit, cette focalisation sélective sur une violence qui n’aurait commencé qu’avec le recours à ses formes visibles non seulement dissimule la violence même d’une action armée dans les eaux internationales, mais cette dissimulation est renforcée par l’omission de la violence… du blocus lui-même.
Rares, très rares sont les articles ou les reportages qui se sont attachés à restituer le contexte général du conflit israélo-palestinien, de le mettre en perspective et d’apporter un éclairage qui ne soit pas focalisé sur les seules préoccupations israéliennes.
Les informations sur les effets du blocus israélien (et égyptien), et particulièrement les conditions de vie des Gazaouis, ont généralement été ignorées ou reléguées au second plan. Parmi les exceptions : un court reportage de France 3, dès le 31 mai, et un article de Libération : « Gaza, l’interminable châtiment », de Jean-Pierre Perrin.
Les responsables israéliens ont pu ainsi, sans être vraiment contredits, affirmer qu’il n’y avait pas de « crise humanitaire à Gaza ». Voici par exemple comment l’AFP rapporte leurs propos : « “Il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza”, a affirmé M. Carmon, soulignant que les biens et matériels destinés au territoire doivent emprunter les points de passage autorisés. Le diplomate a rappelé que la bande de Gaza est “occupée par des terroristes qui ont renversé l’Autorité palestinienne lors d’un coup de force violent” et que “des armes y sont continuellement introduites, y compris par mer”. » Un peu de distance – et de recul – n’aurait pas nui…
Pis : il arrive que « la question du blocus » ne soit soulevée que du point de vue israélien, c’est-à-dire de son efficacité : « La question du blocus se pose [...] ce blocus est totalement inefficace » (i-Télé, le 1er juin à 19 h 15).
L’inscription de l’agression de l’armée israélienne dans le passé récent et dans le contexte global de sa politique n’est rappelée qu’au détour de quelques éditoriaux et commentaires [6]. Le bilan de la guerre de Gaza est-il évoqué ? C’est pour relever que le rapport dit Goldstone, du nom de son auteur, fruit d’une enquête internationale diligentée par les Nations unies à la suite de l’offensive israélienne de décembre 2008, a été classé sans suite et qu’il en irait sans doute de même d’une enquête sur les circonstances de l’assaut meurtrier : « … Il est plus que probable qu’un récit ne puisse jamais faire l’unanimité des deux camps si on se fie au précédent rapport Goldstone, du nom du juge sud-africain chargé en vain par les Nations unies de faire la lumière sur l’offensive meurtrière de l’armée israélienne sur la bande de Gaza… » (Gille Paris, Le Monde). Soit ! Mais encore ?
(4) Un langue châtiée
Dispensées, en principe, de prendre position, les informations sont fournies dans une langue qui, quand elle n’est pas celle du gouvernement israélien, en épouse l’optique, à grand renfort d’euphémisations [7].
Dans la langue de Bernard Kouchner, l’attaque israélienne est un « incident ». Dans celle de BFM TV (le 1er mai à 19 h 07) aussi puisque, a-t-on pu entendre, « l’incident de ce matin » risque de remettre en cause les relations entre la Turquie et Israël. Comment désigner l’agression de l’armée israélienne ? Si « assaut » est le terme le plus communément employé, on peut lui préférer « abordage », apparemment plus pacifique [8] : « le conseil de l’Onu condamne l’abordage » (France 2, le 1er juin à 13 heures).
Pour évoquer la résistance à cet assaut – dont on omet, comme on l’a vu, le caractère « violent » puisque des violences lui ont succédé –, on pourra dire, parlant du commando, « à peine hélitreuillé, un comité d’accueil les attend » (France 3, le 31 mai à 19 h 31) : une façon détournée de parler d’une « embuscade ».
Comme on a pu le lire et l’entendre un peu partout, les participants au convoi humanitaire sont des « militants » ou des « activistes » (par exemple, France 2, le 31 mai à 20 heures). Humanitaires et strictement désintéressés ? On peut en douter. Et le doute se loge dans un qualificatif : ils sont « pro-palestiniens » [9]. En d’autres circonstances, parlerait-on de militants pro-éthiopiens ou pro-tchétchènes ?
Évidemment, la séquestration des militants enlevés en violation de toutes les règles de droit a eu lieu dans un centre de rétention : « le centre de rétention de Be’er Sheva » (BFM TV, le 1er juin à 12 h 07). Cette expression remplace opportunément le terme de « prison » ou est donnée comme son synonyme [10]. Mais « prison » pourrait suggérer – c’est fâcheux – que les militants sont… « emprisonnés », voire provisoirement séquestrés.
Heureusement, les séquestrés ne vont pas le rester longtemps (c’est ce que France Info, dès 7 heures le 2 juin, appellera un « geste d’apaisement ») : « Israël annonce ce soir que tout les ressortissants étrangers arrêtés lors de l’assaut seront expulsés » (BFM TV, le 1er juin à 22 h 31). Cette annonce est présentée sans distance dans un vocabulaire qui reprend la perspective du gouvernement israélien. En effet, ces « ressortissants étrangers » ne le sont et ne sont présents sur le territoire israélien que parce qu’ils y sont séquestrés à la suite d’une arrestation illégale et arbitraire effectuée dans le cadre d’une opération militaire, elle-même illégale, menée par des forces armées qui les ont enlevés dans les eaux internationales. Pourtant, mercredi 2 juin, nombre de médias titrent : « Israël expulse les étrangers de la flottille » [11].
Or il aurait il aurait été plus exact, quitte à être plus long, de dire : « Les participants au convoi humanitaire, enlevés puis séquestrés par le gouvernement israélien, vont donc être relâchés et reconduits hors des frontières d’Israël ». En revanche, parler des « ressortissants étrangers expulsés » les assimile à ces immigrés sans papiers que le consensus dominant traite en « indésirables » et dont il arrive qu’on dise plutôt, pour atténuer cette fois l’effet de leur expulsion qu’ils ont été… « reconduits » à la frontière ou dans leur pays ! Quant à « libérer », il peut revêtir un sens émancipateur. Ainsi, en « une » du Figaro du mercredi 2 juin, ce titre : « Israël libère les membres de la flottille de la paix. Leur “expulsion” du territoire israélien devrait être terminée demain ». « Libère » est en gras et en plus gros. Sympathique et magnanime gouvernement d’Israël ! Mais on a pu entendre beaucoup mieux sur BFM TV (le 1er juin à 23 h 20) : « Israël annonce l’extradition des militants ». Or la notion d’extradition désigne une procédure par laquelle l’auteur d’une infraction est livré par un État à un autre qui le réclame.
(5) Une « faute » ? Quelle « faute » ?
Que penser de l’agression israélienne ? Ici commencent les commentaires proprement dits. Le gouvernement et l’armée israélienne auraient commis une faute. Si les éditorialistes sont quasiment unanimes à la condamner, cette condamnation n’est guère monocolore :
- du désaveu d’un simple « dérapage » (Hubert Coudurier, Le Télégramme) à celui, très rare, du « terrorisme d’État » (Jean-Claude Kiefer, Les Dernières Nouvelles d’Alsace ou Patrick Le Hyaric L’Humanité) [12] ;
- d’un acte d’autodéfense « stupide » (Bernard-Henri Lévy) ou d’une « riposte mal contrôlée » (Dominique Quinio, La Croix) à « la voie du pire » (Michel Lepinay, Paris Normandie) [13], voire, mais très rarement, d’une action qui vise non seulement à « étouffer le peuple palestinien de Gaza » (Patrick Le Hyaric, L’Humanité), mais à « rendre impossible un État palestinien » (Chantal Didier, L’Est Républicain) [14].
En général, pourtant, la condamnation dénonce un raid « injustifiable, tant sur le plan moral que juridique » (Patrick Fluckiger, L’Alsace), « une faute politique, morale et historique » (Jacques Guyon, La Charente Libre). Mais la plupart des commentaires, quand ils ne se bornent pas à s’alarmer de la « spirale de la violence » et à en appeler à la paix [15], s’inquiètent d’abord des intérêts de l’État israélien : de l’altération de son « image » et son isolement éventuel.
(6) Une mauvaise image
Toute guerre est « également » une guerre d’images, note Gilles Paris dans Le Monde du 1er juin : « Pour Israël, le prix de cet assaut risque d’être une nouvelle fois coûteux. Il confirme une incapacité à se mouvoir dans la guerre d’images qu’est également le conflit israélo-palestinien, que ce soit en termes d’anecdote, lorsque l’un de ses critiques les plus virulents, Noam Chomsky, est empêché de se rendre à Ramallah, ou dans des drames tels que l’assaut du 31 mai ».
Une simple « anecdote » ? Le terme est pour le moins tendancieux. Mais on peut faire pire… Quand BHL parle, l’AFP se précipite et, le jour même, publie une dépêche qui nous apprend que « BHL juge “stupide” l’assaut meurtrier israélien ». « Stupide » seulement, puisque cet assaut constitue une grosse erreur de communication : « Les images (du raid) vont faire le tour du monde. Elles sont plus dévastatrices pour ce pays (Israël) qu’une défaite militaire ».
(7) Un déplorable isolement
Autre constat : l’isolement d’Israël. Autre évaluation implicite : cet isolement est néfaste, parce qu’il est néfaste pour Israël : « L’interception meurtrière de la flottille humanitaire au large de Gaza aggrave durablement l’isolement diplomatique d’Israël. […] Après la remise en cause de son arsenal nucléaire par la conférence d’examen du TNP, la semaine dernière, Israël est dangereusement isolé » (Pierre Rousselin, Le Figaro).
« Il faudra attendre pour savoir qui a tiré le premier » : ainsi commence, comme si cette question était décisive, dans La République des Pyrénées, l’éditorial de Jean-Marcel Bouguereau, qui se corrige aussitôt par cette déploration à sens unique : « Mais au fond peu importe, car le mal est fait. Israël est plus isolé que jamais, le monde entier proteste. » Le « mal », c’est le tort porté à Israël.
Ainsi, par delà la diversité indéniable des informations et des commentaires, leur plus grande pente reste la même : la majorité des médias s’est surtout préoccupée, non du sort des assaillis ou du droit des Palestiniens, mais de l’isolement international du gouvernement israélien. Et plus des conséquences géopolitiques, pour lui-même, de la politique de ce gouvernement que des conditions d’une paix juste et durable au Moyen-Orient.
Henri Maler et Amir Si-Larbi