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Jean-Luc Mélenchon et les vaches sacrées du journalisme

par Henri Maler, Olivier Poche,

Nul ne peut l’ignorer : Jean-Luc Mélenchon, confronté à l’interrogatoire de Xavier Mathieu par David Pujadas, a osé marmonner : « Salaud », « Larbin », « Ça me dégoûte ». Et cette réaction, enregistrée dans et pour le film « Fin de concession » de Pierre Carles, diffusée sur Internet, a fait le tour de la planète médiatique.

Aussitôt les vaches sacrées du journalisme, flanquées des intouchables du commentaire, se sont mobilisées contre « l’Insulte ». On en trouvera une brève recension en « Annexe ».

Parmi tous les tribunaux d’exception appelés à condamner Jean-Luc Mélenchon pour outrage, on n’a que l’embarras du choix. Voici la transcription de l’un d’entre eux : « Le Débat des Éditorialistes », sur ITélé, lundi 11 octobre 2010 : les éditorialistes débattent, mais de quoi ? De rien, puisqu’ils sont d’accord : M. Mélenchon, qui a insulté M. Pujadas, a tort, quels que puissent être ses motifs dont on ne daignera pas discuter. Avec Audrey Pulvar en arbitre impartiale de ce grave dilemme : les propos de Mélenchon étaient-ils « inadmissibles » ou « inacceptables » ?

« Notre confrère David Pujadas »

Le lancement du « débat » indique assez la direction qu’il va suivre :

- Audrey Pulvar : « On va poursuivre avec de vraies insultes […] Ce sont celles de Jean-Luc Mélenchon à l’égard de notre confrère David Pujadas. C’est dans le film de Pierre Carles, qui a déjà tant fait couler d’encre. Jean-Luc Mélenchon était l’invité de nos confrères d’RTL hier. Il ne regrette rien des propos peu amènes qu’il a tenus envers David Pujadas. Écoutez... »

De « vraies insultes » à un « confrère » ? Seule, en effet, la question des regrets éventuels se pose...

Or voici le texte de la vidéo (insérée dans le « débat ») qu’Audrey Pulvar invite à écouter. Elle est extraite du « Grand Jury RTL-LCI » :

- Jean-Michel Aphatie : « … propos aujourd’hui, vous les assumez ? Ou vous les regrettez ? »
- Jean-Luc Mélenchon : « Oui, bien sûr, mais je suis un homme… »
- Jean-Michel Aphatie : « Vous ne les regrettez pas ? »
- Jean-Luc Mélenchon : « Mais bien sûr que non ! Je suis un homme tout à fait ordinaire - comme vous d’ailleurs, Monsieur Aphatie, ou monsieur Revel, ou monsieur Mougeotte. Quand vous regardez la télé – pas vous, parce que vous êtes trop poli et bien élevé – quand je vois cette image, je suis totalement solidaire de l’ouvrier, et je ne suis pas d’accord avec le petit bonhomme qui est là et qui lui dit : "Baisse la tête !", "Vous regrettez ?", "Vous appelez au calme ?" et Xavier Mathieu lui dit : "Quoi ? Regretter quoi ? C’est nos vies, qui sont déchirées !" L’autre lui dit : "Est-ce que vous lancez un appel au calme ?" C’est-à-dire qu’il est là dans une fonction que je ne supporte pas, et donc, je réagis comme un homme. »
- (probablement Revel) : « Et monsieur Mélenchon… »

Qu’on n’aille pas s’imaginer que le comportement de David Pujadas méritera qu’on s’y arrête : cette vidéo est le seul moment où le fond de l’affaire est – indirectement – abordé. Mais c’est Mélenchon qui l’aborde, et nos « éditorialistes » se taisent sur leur « confrère ». En revanche, sur Mélenchon, ils sont « partagés » :

- Audrey Pulvar : « Bon, on est partagé entre le grand guignol et la consternation. »
- Philippe Tesson : « [inaudible] Vous ne passez pas les insultes, là ? »
- Audrey Pulvar : « Non, on n’a pas passé les insultes, mais bon, c’était quoi ? Il l’a traité de salaud, il l’a traité de laquais, de salaud… »

Mais pas de « guignol » ...

Philippe Tesson élargit et approfondit le débat…

- Philippe Tesson : «  […] Et puis, il n’est pas le seul, vous comprenez ! Moi, je ne supporte pas. Sans doute suis-je d’un autre âge. Je ne suis pas de l’âge de Claude, une fois de plus, mais enfin je trouve ça inadmissible qu’on traite Sarkozy de voyou, TF1 de délinquante, Pujadas de salaud, quoi encore… Moi, de fasciste ? Enfin, où va-t-on, là ? C’est absolument inadmissible ! Faut vraiment corriger cette tendance, ce mouvement. Ce n’est pas nouveau, c’est-à-dire, alors, vous allez me répondre… »

Un « homme du monde » du Monde intervient alors :

- Arnaud Leparmentier : « “Ce n’est pas nouveau”… Si, Philippe Tesson ! Moi, je pense qu’on est en dégénérescence, que je trouve assez inquiétante. On peut dire tout ce qu’on veut de manière courtoise… »

Ce qui n’est pas nouveau, c’est la façon dont les journalistes éminents font mine de ne pas entendre les critiques courtoises et s’indignent de celles qui le sont moins, avec un savoir-vivre démocratique digne de leur statut de vicomte ou de vicomtesse des principautés médiatiques, menacés par la dégénérescence… dont Arlette Chabot fut une autre victime :

- Audrey Pulvar : « … Jean-Luc Mélenchon, qui avait déjà dit à Arlette Chabot… »
- Arnaud Leparmentier : « … Oui… »
- Audrey Pulvar : « … en direct : "Allez au diable !" »

« En direct » ! Quelle horreur ! Avoir osé protester – simple oubli de la part d’Audrey Pulvar – parce qu’Arlette Chabot, sans la moindre courtoisie, refusait la parole à Jean-Luc Mélenchon, au cours d’une émission caricaturale, analysée ici-même.

Le Monde en pleine crise de sociologie

Vient alors le moment d’une nouvelle déclaration d’amour de la confrérie à elle-même :

- Arnaud Leparmentier : « Oui, oui. C’est devenu un style, donc on n’est pas obligé de passer du temps à faire de la publicité à monsieur Mélenchon. »
- Audrey Pulvar : « Oui, mais on ne peut quand même pas ne pas défendre notre confrère David Pujadas !  »
- Arnaud Leparmentier : « Non, non, mais bien sûr, je défends nos confrères sans le moindre problème. Ce que je note […] »

La note est évidemment notable :

- Arnaud Leparmentier : « Ce que je note c’est que sociologiquement, il y a une défiance absolument majeure qui se met sur les journalistes [incompréhensible]. J’ai vu l’autre jour une émission sur une télé concurrente où il y avait le même Mélenchon et Luc Ferry. Et donc, c’est devenu… comment dire ? Un sport un peu national de dire "Les journalistes, un : sont partisans, deux : ce qu’ils disent, c’est faux", et là je pense qu’il y a effectivement un problème, parce que ça prend ! Quand vous regardez les émissions de télévision, les gens applaudissent, Mélenchon a du succès. Donc, je pense que… »

Toute critique, courtoise ou non, est donc « inadmissible », d’autant plus aisément que cette défiance sociologique majeure est un sport national consistant à « dire »… des choses qui n’ont que de très lointains rapports avec ce que disent la plupart des critiques et aucun avec ce qu’a dit Mélenchon. Mais comme le « débat » risque de s’embourber, il est temps de le relancer :

- Audrey Pulvar : « … Mais on est même au-delà de ça, parce que la défiance envers les journalistes, ça a toujours été. Je veux dire que des sondages… »
- Arnaud Leparmentier : « … Oui, mais on est passé à l’insulte… »
- Audrey Pulvar : « … sur la défiance envers les journalistes, ils ont toujours existé. Qu’on passe à l’insulte systématique, qu’on traite les journalistes de fascistes, de salauds, de laquais, de larbins, bon, c’est quand même une dimension autre !? »

Mélenchon n’a jamais traité les journalistes de fascistes, comme pourrait le laisser croire l’énumération d’Audrey Pulvar, qui faisait peut-être allusion à Xavier Bertrand dénonçant les « méthodes fascistes » de Mediapart. Mais alors pourquoi ne pas rappeler cet épisode ?... Quoi qu’il en soit, si le secrétaire général de l’UMP s’était alors attiré quelques réactions, syndicales notamment, les éminents confrères n’avaient pas réuni en urgence des tribunaux d’exception ni appelé à la censure, comme le docteur en courtoisie du Monde  :

- Arnaud Leparmentier : « La solution, c’est de pas lui donner la parole. Moi, je n’ai pas envie de passer du temps à débattre avec Mélenchon, ça ne m’intéresse pas. »

Et avec Xavier Bertrand ?…

L’Humanité en plein malaise

- Claude Cabannes : « Mélenchon est mon camarade du Front de gauche, n’est-ce pas... »
- Audrey Pulvar : « Mais justement, quand on est l’ami de quelqu’un, on lui dit quelques vérités bien senties, en général. »

Mais quand on est l’amie de « nos confrères », on leur excuse tout.

La prise de distance qui suit est d’autant plus… étonnante, que Claude Cabannes ne dit pas un mot, quitte à ne pas souscrire à sa forme, du motif de la légitime colère de Mélenchon.

- Claude Cabannes : « ... Je veux simplement lui dire qu’il devrait être attentif au fait, par exemple, que ce matin, Bernard Tapie l’a félicité. »
- Audrey Pulvar : « Absolument. »
- Claude Cabannes : « Bernard Tapie s’est conduit, je pèse mes mots, comme un cochon avec Patrick Cohen, qui lui a posé une question très simple en lui demandant s’il avait bien reçu le chèque de quarante-cinq millions d’euros. »
- Philippe Tesson : « Mais alors pourquoi de l’indulgence vis-à-vis de Mélenchon si vous le comparez à Tapie ? »
- Claude Cabannes : « Je n’ai pas d’indulgence vis-à-vis de Mélenchon. Je dirais qu’il n’est pas assez léniniste ; autrement dit ferme sur le fond, très souple, très fluide... »

- Arnaud Leparmentier : « Vous êtes un jeune lycéen, finalement. »
- Claude Cabannes : « ... très intelligent sur la tactique. »
- Audrey Pulvar : « On avait les derniers stals, les derniers léninistes, c’était une espèce éteinte. »
- Claude Cabannes : « Mon ami Jean-Luc, il fait l’amalgame entre tous les journalistes : il se trompe ; entre toutes les télévisions : il se trompe. »

Claude Cabannes, qui ne s’inquiète guère de l’amalgame entre Xavier Bertrand et Jean-Luc Mélenchon, prête à ce dernier des amalgames qu’en général il évite. Souplesse tactique ?

Intermède

- Audrey Pulvar : « Enfin moi, je ne connais pas de journalistes salauds, larbins, etc. »
- Claude Cabannes : « Audrey, on connaît des journalistes... »
- Audrey Pulvar : « Y a des bons et des mauvais journalistes pas des... »
- Claude Cabannes : « ... des bénis-oui-oui. »
- Audrey Pulvar : « ... pas des salauds, des fascistes. »

Audrey Pulvar, à qui il arrive de pousser des « coups de gueule » mieux ajustés [1], connaît des mauvais journalistes : ouf ! Mais parmi eux il n’y en a aucun pour se comporter en salaud ou en larbin ? Bravo !

Le Monde sociologise (bis)

- Arnaud Leparmentier : « Attendez, on est quand même dans un pays pluraliste ou y a pluralisme de la presse  ; y a de la presse d’opinion, la presse d’opinion, ça existe aussi... »
- Claude Cabannes : « Bien sûr. »
- Arnaud Leparmentier : « ... ne me dites pas. Le champ de la presse est absolument pluraliste, tout le monde peut lire tout ce qu’il veut, il y a tout sur Internet, y a tout ce qu’il veut ; donc l’anathème systématique de Mélenchon est une espèce de critique sur un système alors que le système est totalement pluraliste. Dites-moi ce qu’y a de commun entre Le Figaro, Marianne, L’Humanité, Le Monde, pour parler de la presse écrite ; donc il y a quand même, il y a quand même une prise en otage, un anathème sur la presse sur laquelle on ferait croire qu’elle n’est pas pluraliste, donc je pense qu’il devient absolument inacceptable. M. Mélenchon a ses porte-voix, M. Mélenchon peut s’exprimer, donc il n’a pas de raison de passer au stade de l’insulte dans une société à peu près civilisée. »
- Claude Cabannes : « Je suis d’accord... »

D’accord ? Mais avec quoi ? Avec l’idée saugrenue d’un système totalement pluraliste ? Un « système » qui trouve « inacceptable » de mettre en question, comme nous le faisons ici, son prodigieux pluralisme ? Et qui fort de sa prétention imposerait que l’on mette des formes mondaines à sa contestation ? Conclusion du mondain du Monde :

- Arnaud Leparmentier : « ... Or je ne sais pas s’il veut garder un débat civilisé, c’est ça la question. »

Et certainement pas de savoir si, en posant trois fois la même question (sur trois questions posées) sur la violence-que-les Conti-devraient-regretter, David Pujadas ne s’est par comporté en auxiliaire du maintien de l’ordre.

Corporatistes ? « Nooon ! »

- Claude Cabannes : « ... pas d’insulte. Mais moi je voudrais, moi, je n’ai pas le corporatisme de la profession, j’ai une carte de presse, comme tout le monde, mais la profession est très diverse... »
- (?) : « Ça veut dire quoi le corporatisme ? »
- Claude Cabannes : « ... être par principe d’accord avec tous les journalistes qui travaillent, etc. »
- Audrey Pulvar : « Ce n’est pas une question de principe. Là, en l’occurrence, dans cette interview, David Pujadas fait son travail de journaliste, pose une question à un gréviste, fait son travail de journaliste. »
- Claude Cabannes : « Y a des secteurs des médias que je n’aime pas, parce qu’il y a conformisme peureux dans ce type de médias, voilà. »
- Audrey Pulvar : « Oui mais là, pas de là à les traiter de fascistes [Qui ? Où ? Quand ? Pourquoi ?], pas de là à les traiter de salauds. »
- Philippe Tesson [s’adressant à Cabannes] : « C’est trop compliqué, c’est une chose que vous ne feriez pas, vous ne vous abaissez pas à ça, c’est quelque chose qui vous distingue de ces types-là enfin quoi, c’est simple. »
- Claude Cabannes : « ... je n’insulte jamais. »
- Philippe Tesson [s’adressant à Cabannes] : « Alors pourquoi êtes-vous élégant et défendez-vous l’inélégance ? Je ne comprends pas. »
- Claude Cabannes : « Mais je ne défends pas l’inélégance, je défends l’idée qu’il peut y avoir des choses extrêmement critiquables sur le front des médias, voilà. »
- Audrey Pulvar : « On peut critiquer sans insulter. »

C’est probable. Mais il existe des interrogatoires qui sont parfaitement insultants (n’est-ce pas, monsieur Pujadas ?) et des « débats » qui sont de véritables insultes à l’intelligence. Critiquer sans insulter ? Pourquoi pas. Mais on ne saura rien de ce qui est critiquable dans les médias... dans ce sublime exercice proposé par ITélé. En revanche, sur le corporatisme…

Mais laissons la conclusion de ce « débat » au grand absent de cette confrontation : « Il n’y a pas de corporatisme dans le journalisme », expliquait doctement Jean-Michel Aphatie dans « Le Grand Journal » du 12 octobre 2010. Pas de corporatisme (qui n’existe que chez les autres), mais un bel esprit de corps du côté des grands professionnels. Vous ne voyez pas la différence ? À dire vrai, nous non plus.

Or il advint que Xavier Mathieu...

… interrogé par Le Journal du Dimanche et par Europe 1, reprit à son compte les critiques adressées à David Pujadas, et que nos moralistes indignés avaient – courtoisement – passées sous silence. Comme ils ont généralement passé sous silence la violence de la fermeture de l’usine Continental et le licenciement de Xavier Matthieu. Un silence qui vaut bien des violences verbales et bien des insultes : un silence dont sont coutumier les moralistes des ondes.

Dans une interview au JDD, Xavier Mathieu estimait ainsi que Mélenchon avait « parfaitement résumé la pensée qui était le mienne au moment de cette interview. J’ai eu l’impression, de la part de David Pujadas, qu’il me prenait pour un voyou. Que je devais avouer à la France entière que j’avais fait quelque chose de mal et que je devais m’excuser […]  ».

Et à l’occasion d’une question… de journaliste (« Vous en voulez à David Pujadas ? »), Mathieu précise : « Disons que ce jour-là, j’aurais aimé qu’il interroge aussi les dirigeants de Continental en leur posant les mêmes questions, du style : "Est-ce que vous n’êtes pas allés trop loin en trahissant vos salariés ? Est-ce que vous ne regrettez pas de leur avoir menti après leur avoir promis la pérennité du site en contrepartie du retour aux 40 heures ?" J’aurais aimé entendre ces questions-là. […] »

Et nous aurions aimé – ou préféré… – entendre nos éditorialistes débattre de l’absence de « ces questions-là », plutôt que d’exécuter froidement Mélenchon, et de pardonner d’emblée au « confrère » offensé.

Quant à Arnaud Leparmentier et sa « défiance sociologique » binaire qui cache mal le mépris sous la caricature, il pourrait prendre quelques leçons auprès de Xavier Mathieu, qui répond ainsi à cette « question » du JDD : « Journalistes, tous des "laquais" ? »

- Xavier Mathieu : « Non, pas du tout. Tout au long de ce conflit social, j’ai eu d’excellents rapports avec les journalistes de terrain qui venaient souvent nous voir. Le seul problème qu’on a eu, c’est avec TF1, qui avait refusé de flouter les visages des ouvriers qui ont saccagé la sous-préfecture. Malheureusement, des "laquais", des gens qui sont prêts à vendre la peau des autres pour leur propre intérêt, il y en a partout, y compris chez les journalistes. David Pujadas, ce n’est pas un journaliste, c’est une star du journalisme. C’est quelqu’un qui a avant tout une image à vendre, la sienne. Il est dans cette catégorie de journalistes "ultrastarisés" qui n’ont pour seul challenge que de poser "la bonne question". Les réponses aux questions, ils n’en ont rien à faire ! […]  »

Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, voici en guise de conclusion, une autre confrontation, avec Xavier Mathieu dans le rôle de critique des médias et Alain Minc dans le rôle d’Alain Minc.

Et l’on comprend que Mesdames et Messieurs les importants n’en ont pas fini avec la contestation.

Henri Maler et Olivier Poche (grâce à la transcription de Jean-Marie et à la vidéo de Ricar)


Annexe : quelques meuglements des vaches sacrées [2]

 Mais d’abord, un éditorialiste méconnu, Guilhem Beauquier, directeur de la rédaction de L’Union, un quotidien en position de monopole (« pluraliste », monsieur Leparmentier) sur sa région.

Éditorial : « Rouge... et brun » (publié le mardi 12 octobre 2010 à 11 h 11)

« Jadis trotskiste, longtemps médiocre apparatchik du PS puis terne sous-ministre de Jospin au début des années 2000, le camarade Mélenchon tente d’exister seul depuis le congrès de Reims où, se drapant dans sa vertu de jauréssien outragé, il tourna le dos à un parti qui, depuis plus de trente ans, faisait vivre ce professionnel de la politique. Hélas pour lui, l’ancien dirigeant de l’Organisation communiste internationaliste s’est depuis rendu compte que son groupuscule de cabine téléphonique, même allié à d’autres (PCF, Gauche unitaire) idéologiquement compatibles, lui permettrait peut-être d’obtenir quelques élus, mais certainement pas de jouer dans la cour des grands. [...] Dès lors, la stratégie est simple : pesant peu dans les urnes, l’agit’-prop’ Mélenchon et ses sbires s’efforcent de peser dans le débat. En usant depuis plusieurs mois d’une tactique aussi vieille que la politique : démagogie et populisme, assortis d’insultes parfois pittoresques et fleurant mauvais les années 30 contre l’establishment en général et les journalistes en particulier [...] L’enflure lui permet de tirer un pan de la couverture médiatique. A peu de frais et avec les mêmes méthodes nauséabondes que l’extrême droite. »

 Sur Radio Monte Carlo, Bourdin (pour faire le malin ?) a soumis cette prose à Jean-Luc Mélenchon, comme on peut le voir sur cette vidéo (entre 13 min et 20 min)

 Lors du « Grand Jury RTL/LCI », Jean-Luc Mélenchon dut faire face à un trio d’éminences – Jean-Michel Aphatie, Etienne Mougeotte et Eric Revel [Et non Renaud comme nous l’avions initialement écrit par erreur. Merci au correspondant qui nous l’a signalé.]] – qui lui opposèrent les revendications non-corporatistes de la corporation [3]

 Renaud Revel, lui, dans un délicat billet publié sur son blog, intitulé gracieusement « Jean-Luc qui ? », nous fait part de son exaspération : « le très populiste député européen Jean-Luc Mélenchon », cet « homme politique va-de-la-gueule », et pourtant « virtuel », « huluberlu (sic), qui ne représente, peu ou prou, que lui-même », s’est permis l’un de ces « numéros d’aboyeur » dont il a le secret. « Nauséeux mélange de poujadisme rampant et de démagogie poisseuse », « n’existe que par la grâce de ceux qui ont la bêtise de l’inviter ». Bref, un « gugus », qui n’est pas exempt de contradictions : « Ayatollah », « exécuteur de journalistes », Mélenchon promène son « regard plein de morgue qui en dit long sur le mépris » qu’ils lui inspirent, mais « on le voit arpenter les plateaux de télés et les studios de radios, au premier claquement de doigt ». Et c’est peut-être ce qui chagrine le plus Revel : qu’« on s’obstine à convier un homme politique, dont le discours se résume à un chapelet d’oukases et d’invectives ». Ce qui est un bon résumé… du billet de Renaud Revel, invitant, comme Leparmentier, ses consœurs et ses confrères à censurer Jean-Luc Mélenchon.

Où l’on voit que certains des membres de la corporation non-corporatiste des grands du journalisme considèrent que l’espace médiatique est leur propriété.

 
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Notes

[1Comme elle le fit sur les propos racistes de Guerlain sur France 2, restés sans réplique.

[2Auxquels nous en ajouterons bientôt bien d’autres, comme l’interview de Jean-Luc Mélenchon sur France Info (présentation jusqu’à 3 min 30 s).

[3Générique émission + présentation Aphatie (1 min), puis à 14 min 32 s jusqu’à 28 min.

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