Est-il exact que la DCRI (Direction centrale des renseignements intérieurs) est amenée à s’intéresser à tout journaliste qui « se livre à une enquête gênante » pour le président de la République ou les siens, comme l’écrit le Canard Enchaîné dans son édition du 3 novembre 2010 ?
Est-il exact que c’est à la demande du procureur Courroye que des enquêteurs ont pu consulter les fadettes, factures téléphoniques détaillées, de deux journalistes du Monde travaillant sur l’affaire Woerth/Bettencourt, afin d’identifier leurs sources en violant délibérément la loi du 4 janvier 2010 sur la protection due à ces mêmes sources ?
Est-il exact que l’Elysée, courant juillet, aurait demandé à la DGPN, Direction générale de la Police nationale, de mettre fin aux fuites qui avaient abouti à la publication des informations en une du Monde des 18 et 19 juillet, en identifiant les sources des journalistes et violant ainsi cette même loi du 4 janvier ?
A ces trois questions cruciales, vient s’en ajouter une quatrième : qui est le donneur d’ordres alors que trois cambriolages ont été perpétrés, de façon concomitante, à l’encontre des journalistes travaillant sur les affaires Woerth/Bettencourt ?
Interrogé par l’AFP sur le premier point, l’Elysée a parlé d’accusation « totalement farfelue ». Cette réponse n’est pas suffisante pour écarter des soupçons de plus en plus nombreux. Elle ne peut convaincre une profession dont la première mission est d’informer les citoyens, responsabilité qui prime sur toute autre.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ), première organisation de la profession, appelle tous les journalistes à rechercher activement les réponses à ces questions. Il demande à la profession de témoigner tout son soutien aux confrères inquiétés.
Quant à lui, après avoir décidé de sa présence en justice aux côtés de ses confrères, il compte bien saisir le Conseil supérieur de la magistrature dès que possible. Il demande publiquement à la garde des Sceaux de donner des explications et au ministre de l’Intérieur de faire le point sur les enquêtes en cours sur les trois cambriolages.
Interrogé sur ces mêmes cambriolages, Nicolas Sarkozy répondait à Bruxelles, le 29 octobre dernier : « Je ne vois pas en quoi cela me concerne ». Or il s’agit bien de menaces contre la démocratie que, constitutionnellement, le président de la République a pourtant mission de défendre.
La France, déjà reléguée au 44e rang mondial dans le classement sur la liberté de la presse (RSF/2010), risque-t-elle de devenir la lanterne rouge dans ce domaine symbolique de l’état des libertés publiques dans un pays démocratique ?
Paris, le 3 novembre 2010