Il y a ceux qui ne reculent pas devant le calembour stupide, à grands renforts de clichés sur le Mexique. Bruno Dive, de Sud-Ouest, a ainsi trouvé un titre original pour son éditorial du 16 février : « Salades mexicaines ». Très drôle. Gilles Debernardi, du Dauphiné libéré, relève le défi : se référant à une fable de La Fontaine, il écrit dans son « billet », également le 16 février : « On dirait l’histoire du “Pavé de l’ours”, à la sauce chili con carne ». Pas bête. Le même jour (décidément), Libération, le quotidien du jeu de mots, ne se laisse pas distancer : « Affaire Cassez : la corrida franco-mexicaine ». Qui dit mieux ?
Rien de bien méchant, après tout. La presse écrite n’est-elle pas coutumière de ce type de trait cultivé et humoristique ? Certes. Mais c’est tout de même une tradition bien française que d’avoir recours à de tels stéréotypes. Et malheureusement, dans cette ambiance qui se veut bon enfant, certains franchissent allègrement le (petit) fossé séparant le jeu de mots qui se veut incisif du propos franchement méprisant, mariant le nationalisme ranci et une xénophobie qui flirte avec le racisme.
Il y a ceux qui aiment à rappeler, avec nostalgie, l’histoire coloniale de la France, en l’occurrence les expéditions militaires à l’époque de Louis-Napoléon Bonaparte. Pierre Rousselin, directeur adjoint de la rédaction du Figaro chargé de l’international, évoque ainsi, toujours le 16 février, « [le] sacrifice héroïque de la Légion étrangère à Camerone ». C’était le bon temps…
Et puis il y a ceux qui ne s’encombrent pas de détails. Hubert Coudurier, directeur de l’information du Télégramme, est de ceux-là [1]. Attention, ça décoiffe :
« Cette affaire montre une nouvelle fois que la diplomatie reste un art difficile face à des pays sauvages qui, contrairement à nous, ne s’embarrassent pas de bons sentiments. Au Mexique, pays devenu ultra-violent, gangréné par les narcotrafiquants, dont les politiciens sont corrompus à un point qui ferait passer les nôtres, rarement suspects d’enrichissement personnel, pour des enfants de chœur, on règle ses comptes au fusil d’assaut. Ou par des enlèvements. Nous sommes donc face à des systèmes de valeurs qui n’ont rien de commun » (Le Télégramme, le 16 février 2011).
Est-il besoin de commenter cette « analyse » d’une finesse et d’une clairvoyance qui ne manqueront pas de forcer le respect de tout un chacun ? Non. Pas besoin d’en rajouter, sinon pour préciser que les lecteurs de la région ont bien de la chance, puisque – gage d’un pluralisme déroutant, ils peuvent aussi lire les éditorialistes de… Ouest-France. Souhaitons simplement que le maître à penser du Télégramme n’organise pas lui-même une expédition pour aller civiliser ces sauvages. Et espérons que ce dérapage qui n’en est pas un, tant il est préparé et accompagné par les caricatures et les clichés éculés, n’encouragera pas d’autres éditorialistes et journalistes à aller encore un peu plus loin dans la condescendance et le chauvinisme méprisant, et méprisable.
Julien Salingue (avec Henri Maler)