Caprice du calendrier, il se trouve que les trois journalistes ainsi confondus par leur employeur venaient justement de lui adresser, quelques jours auparavant, un courrier, en bonne et due forme, expliquant leur intention d’organiser, comme l’exige la loi, des élections professionnelles et la nomination d’un délégué du personnel.
Les détails de cet épisode scabreux sont évoqués dans un communiqué du Syndicat national des journalistes (publié ci-dessous). Quant au règlement prud’homal de cette affaire, nous nous en ferons l’écho en temps voulu. Mais il n’est pas inutile de rafraîchir les mémoires.
On se souvient en effet que le papivore lyonnais, classé aujourd’hui 59e au palmarès des « plus grandes fortunes de France » du magazine Challenge, avait déjà débarqué, quelques mois après son rachat, une partie de la rédaction du mensuel Lyon Mag, au terme d’un bras de fer juridique de plusieurs mois [1].
L’affaire avait fait quelque bruit, dont nous nous étions fait l’écho, moins pour la qualité du débat démocratique ainsi menacée [2] qu’en raison de la brutalité de la méthode utilisée pour asservir une rédaction aux conceptions éditoriales de son propriétaire.
C’est donc désormais au tour de la rédaction de Lyon Capitale, « journal des esprits libres » pour reprendre la formule pleine d’emphase de ses fondateurs, de goûter aux bienfaits de ce management up to date qui sait courageusement perdre en crédit d’image lorsque « sa » ligne rédactionnelle semble menacée.
Par-delà, en effet, l’autoritarisme sans faille du procédé, c’est une crise plus profonde qui couvait depuis plusieurs mois au sein de la rédaction et qui trouve à cette occasion une forme de dénouement.
A la pratique des éditoriaux, rédigés et imposés d’autorité depuis Paris par le directeur de la publication, qui s’est ajoutée de façon progressive à une tendance à privilégier le traitement des questions politiques, abordées de plus en plus souvent sous l’angle du scandale, au détriment des dossiers plus approfondis et des sujets dits « de société ».
Selon nos sources, cette inflexion, qui est sensible si on regarde l’évolution des « unes », a été à plusieurs reprises en interne l’objet de discussions sans que ce déséquilibre ne soit singulièrement modifié.
On ne sait si, expurgés des fauteurs de troubles, Lyon Capitale gagnera en part de marché sur la place lyonnaise ce qu’elle semble perdre en diversité, si ce n’est en qualité, rédactionnelles.
La suite au prochain épisode….
Pascal Chasson et Amir Si Larbi
– Communiqué du Syndicat national des journalistes
Le SNJ (Syndicat national des journalistes) condamne le licenciement de trois journalistes
Demander l’application de la loi peut conduire vers la porte. C’est l’amère expérience que vivent trois journalistes du mensuel lyonnais Lyon Capitale.
Se faisant l’écho des salariés du titre, ces confrères ont sollicité le SNJ pour demander l’organisation d’élections de délégués du personnel. Ce que, contrairement à la loi, l’employeur n’a jamais fait jusqu’ici alors que l’effectif de l’entreprise l’imposait.
Averti en amont, par courtoisie, de cette demande, le PDG de Lyon Capitale a convoqué dès réception de la lettre une réunion des salariés. Outre le dénigrement en règle des institutions représentatives du personnel et des syndicats auquel il s’est livré, plusieurs propos tenus à cette occasion comportaient leur lot de menaces vis-à-vis de tous ceux qui ne souhaitaient qu’une chose : l’application du code du travail.
Des menaces bien réelles puisque, dix jours plus tard, trois d’entre eux recevaient une lettre les convoquant à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Une mesure censée caractériser la particulière gravité de la faute reprochée. Or, lors de l’entretien, « seules » des insuffisances professionnelles ont été mises en avant.
Le caractère surprenant de telles allégations vis-à-vis de professionnels qui n’ont jamais fait l’objet d’un avertissement - ni même d’un reproche personnel - concernant leur travail au cours de plusieurs années de collaboration, ne peut qu’être rapproché des menaces proférées.
Surtout, l’indigence du dossier ainsi monté ne manquera pas d’être mise en exergue si la Justice devait être amenée à se prononcer sur la motivation des licenciements qui ont été prononcés ce 3 février. Parmi eux, celui du salarié qui avait pris contact avec le PDG et dont la direction ne pouvait ignorer qu’il envisageait d’être candidat aux élections.
La volonté du PDG d’entraver le bon déroulement du scrutin est manifeste, malgré les mises en garde qui lui ont été faites suite à son initiative inqualifiable.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ), première organisation de la profession, condamne fermement ces licenciements.
Il apporte son soutien aux trois confrères ainsi sanctionnés et se tient prêt à les accompagner dans toute procédure visant à leur rendre leur honneur professionnel et à faire respecter la loi.
Si le droit s’impose à tous, les entreprises de presse – de par leur rôle prescripteur et leur promptitude à dénoncer les dysfonctionnements – sont d’autant plus comptables de sa bonne application.
Le 4 février 2011