Un même titre (ou presque) pour deux visites
À l’occasion d’un déplacement de Marine Le Pen dans le quartier populaire de Neudorf à Strasbourg pour y soutenir la candidate locale du Front national aux élections cantonales, les DNA titrent ainsi un article daté du 8 mars 2011 :
A l’occasion d’une visite de Jean-Luc Mélenchon au centre pilote de géothermie profonde de Soultz-sous-Forêts, le 9 mars 2011, les DNA titrent ainsi un article daté du 8 mars 2011 : « Hier devant le Parlement européen. Mélenchon et puis s’en va... »
Deux titres méprisants… et quasiment identiques, comme pour souligner « l’identité des extrêmes » – ces « populistes » des « deux bords qui se rejoignent », si l’on en croit la vulgate propagée par les éminences du journalisme parisien… et provincial.
Mais deux poids, deux mesures
L’article consacré à la visite de Marine Le Pen (lien périmé - octobre 2013), sans rapport avec son titre, relate sa visite, transcrit ses propos et est assorti d’un diaporama et d’une vidéo.
[L’article consacré à la visite de Jean-Luc Mélenchon (lien périmé - octobre 2013) évoque le passage de Mélenchon au Parlement européen, mais ne dit pas un mot de sa visite au centre de géothermie, ni de la conférence donnée par l’un des chercheurs, ni des échanges avec les membres de la délégation qui accompagnait Mélenchon. C’était pourtant l’essentiel de sa journée en Alsace. Pour s’en faire une idée il faut se rendre sur le blog de ce dernier.
Aucun journaliste des DNA n’était disponible pour effectuer le déplacement (50 km, c’est trop ?) ou ne l’a jugé nécessaire. Ou, s’il l’a effectué, n’a jugé nécessaire d’en rendre compte. Pourtant, si l’on en croit un communiqué du Parti de gauche « des journalistes de la presse nationale (Europe 1, RTL, Le Point et une équipe de Direct 8) ont suivi cette visite de bout en bout et ont pu longuement interviewer J.-L. Mélenchon et certains de ceux qui l’entouraient. »
Les lecteurs des DNA, dûment informés (sans la moindre distance) des positions de Marine Le Pen, ne connaîtront de la visite de Jean-Luc Mélenchon que la petite colère de Claude Keiflin suscitée par un « point presse » (renommé « conférence de presse ») :
« Le Parti de gauche a organisé hier une conférence de presse avec son président Jean-Luc Mélenchon, député européen, en plein air devant le Parlement européen de Strasbourg. Elle a duré exactement trois minutes et demie. C’était suffisant pour que Mélenchon, arrivé au rendez-vous avec une demi-heure de retard, fasse devant une vingtaine de militants aux anges son numéro récurrent de meilleur pourfendeur des médias avec, en prime à Strasbourg, une grosse louche de condescendance pour les pauvres journalistes provinciaux. »
On est prié d’être déférent avec M. Keiflin, et d’arriver à l’heure, sinon il prend sa revanche en rédigeant un billet qui tronque à ce point l’information sur la visite de Mélenchon en Alsace qu’il en devient mensonger. On est prié d’être déférent avec M. Keiflin, sinon il se venge en déversant son fiel sur les militants. C’est que, voyez-vous, Claude Keiflin, journaliste politique, n’aurait pas bénéficié de tout l’intérêt qu’il mérite et que méritait sa question… sans rapport avec l’objet de la visite de Mélenchon. Un journaliste politique a toujours une question très politique à poser. Claude Keiflin a posé trois fois la sienne, tellement elle était importante. Non pas « Qu’est-ce que, selon Mélenchon, on peut attendre de la géothermie profonde », mais est-ce que, selon Mélenchon, « le PS est encore à gauche » ?
En l’occurrence, pour les Dernière Nouvelles d’Alsace, unique quotidien de la région de Strasbourg, le pluralisme se résume ainsi : tapis rouge pour Marine Le Pen, volée de bois vert pour Jean-Luc Mélenchon. En attendant, sans doute, de les renvoyer dos à dos.
H. M.