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Lire : Apologie du livre : demain, aujourd’hui, hier, de Robert Darnton

par Jean Pérès,

Robert Darnton est un historien du livre. Il fait partie des promoteurs de cette nouvelle discipline au cours des années 1970. Dans le milieu des historiens, et un peu au-delà, il est connu pour ses travaux sur l’histoire de l’édition au XVIIIe siècle en France et son rôle dans le processus révolutionnaire de 1789. Il est aussi, depuis 2007, le directeur de la bibliothèque universitaire de Harvard aux Etats-Unis, l’une des plus grandes du monde (15 millions de volumes répartis sur 40 bibliothèques), position qui renforce le point de vue du chercheur par celui du praticien aux prises, notamment, avec la question de la numérisation des livres. Robert Darnton est surtout un farouche partisan de la démocratie culturelle, de l’accès de tous aux livres, passés, présents et à venir. D’où l’intérêt d’Apologie du livre : demain, aujourd’hui, hier [1].

Il faut l’avouer : la tentative de modifier l’édition originale parue aux Etats-Unis d’un recueil d’articles (publiés sur une période de trente ans) pour lui donner la cohérence d’un essai d’un seul tenant n’est nullement convaincante [2]. Quoi qu’il en soit, le livre publié en français parcourt de divers points de vue l’aventure du codex (livre qui peut être manuscrit ou imprimé) du Ier siècle à nos jours, en insistant sur le XVIIIe et sur les questions soulevées par la numérisation en général et le livre numérique en particulier. Ce sont exclusivement ces questions que l’on retiendra ici.

Le passé éclaire le présent

L’intention générale de l’ouvrage est résumée ainsi par Robert Darnton : « Toute tentative pour sonder l’avenir tout en affrontant les problèmes du présent devrait se fonder, je le crois, sur l’étude du passé. » (p. 14). Or, parmi les divers développements qu’il consacre à l’histoire du livre, l’auteur relève particulièrement ce qui permet d’éclairer les conséquences de la révolution numérique. C’est ainsi que la comparaison entre le livre papier classique et le livre numérique incite à relativiser deux critiques fréquemment adressées au livre électronique.

Aux partisans de la lecture séquentielle du livre-papier contre la lecture hachée sur le Web et le copier-coller de la composition numérique des textes, il oppose la pratique du « recueil de citations », véritable construction d’un univers personnel à partir d’extraits de lectures collectés puis réorganisés selon la subjectivité du lecteur, fort répandue du XIIe siècle à la fin de la Renaissance et qui a perduré jusqu’à récemment. « Ils brisaient les livres en fragments et assemblaient ceux-ci selon de nouvelles combinaisons en les transcrivant dans différentes sections de leurs carnets. Puis ils relisaient l’ensemble et en réorganisaient l’agencement en ajoutant d’autres extraits » (p. 22) Même si les différences entre la lecture-écriture sur divers écrans et celle sur papier ne se limitent pas à ces aperçus, ils ont l’avantage d’en dédramatiser la perception en indiquant qu’il y a des précédents historiques comparables.

A ceux qui reprochent au numérique la difficulté d’identifier les sources, de distinguer la copie de l’original, le peu de fiabilité des informations sur Internet, l’historien du livre répond que cette instabilité des textes est constante au XVIIIe siècle, en raison des conditions de production (les typographes modifiaient les textes), de diffusion (les livres étaient édités en versions différentes en même temps en plusieurs endroits, les libraires-éditeurs se souciant peu de l’authenticité de leur version), ou encore du fait des auteurs eux-mêmes : « Voltaire joua si bien avec ses textes que les libraires se plaignirent. A peine avaient-ils vendu une édition d’un ouvrage, qu’une autre paraissait avec des ajouts et des corrections de l’auteur. » (p. 97)

À partir d’exemples tirés non seulement de l’histoire du livre, mais aussi d’autres médias (Internet, presse), Darnton affirme que l’instabilité de l’information est inhérente à la manière dont elle produite et conservée [3] : « Il ne faut pas la comprendre comme si elle avait la forme de faits durs ou de pépites de réalité prêtes à être extraites des journaux, des archives et des bibliothèques, mais plutôt en tant que messages constamment remaniés au cours du processus de transmission » (p. 80).

Des monographies numériques

Robert Darnton fut l’un des premiers théoriciens et promoteurs de l’édition numérique, qui utilise les possibilités de l’électronique pour produire des documents spécifiques et qu’il convient de bien distinguer de la numérisation des livres qui est, pour l’essentiel, leur reproduction numérisée à l’identique.

Or les potentialités de l’édition numérique sont d’autant plus grandes qu’elle intègre des fonctions spécifiques à ce format et impossibles ou très difficiles à réaliser avec le format papier : liens hypertextes, liens hypermédias (à des images fixes ou animées, documents sonores, audiovisuels), etc. L’édition numérique permet en particulier, selon Robert Darnton, de faire face à la situation éditoriale du livre universitaire et de répondre aux attentes des chercheurs désireux de publier. C’est pour quoi l’auteur proposait dès 1999 [4] une forme de livre ou plutôt de monographie numérique qui tire parti des potentialités de l’édition numérique.

En effet, l’édition universitaire aux Etats-Unis connaît une crise (que connaît aussi l’édition française) due à plusieurs causes interdépendantes. La hausse vertigineuse et constante des prix des revues scientifiques oblige les bibliothèques dont les budgets n’augmentent pas, bien au contraire, à réduire drastiquement leurs achats de livres (de 50 % à 25 % du budget). Or les livres publiés par les éditions universitaires, très importantes aux Etats-Unis, étaient achetés principalement par les bibliothèques. D’où une baisse très sensible du nombre de livres publiés et de leur tirage (de 800 à 300 exemplaires en moyenne), baisse qui va à l’encontre de l’exigence imposée aux chercheurs, particulièrement les jeunes : « Publier ou périr ».

Pour aider les jeunes chercheurs à publier leur thèse de doctorat, Robert Darnton propose une édition électronique ambitieuse, qui ne se borne pas à reproduire et à mettre en ligne thèses et études. Car si on ne veut pas que cette édition soit dévaluée par rapport à l’édition imprimée, il faut qu’elle fasse l’objet d’un travail d’édition spécifique : une transformation comparable à celle que subit une thèse lors de sa transformation en livre imprimé. Dans cet esprit, Robert Darnton propose une édition électronique en plusieurs couches pyramidales. Au sommet, « un exposé concis du sujet, peut-être déjà disponible en édition courante ». La couche suivante serait une série de versions développées de divers aspects « qui nourrissent le récit du registre supérieur ». La troisième couche « rassemblerait des documents » commentés. Une quatrième couche pourrait être théorique ou rétrospective avec des « extraits et des analyses des travaux antérieurs ». Une cinquième couche pourrait être pédagogique avec des supports de cours. Une sixième couche pourrait réunir des « rapports de lecture », les correspondances avec les lecteurs ; cette dernière couche s’étofferait avec le temps. Donc six couches dont deux interactives. Nous sommes loin du livre papier et même du livre tout court.

« Le nouvel âge du livre » a eu un grand retentissement à l’époque de sa publication en 1999, car il semblait apporter une solution rationnelle à une situation bloquée, et trouver au livre électronique un emploi conforme à sa spécificité. Darnton a mis en pratique son idée dès 1999, avec un succès inégal mais avec continuité, dans un projet intitulé Gutenberg-e qui est relaté en annexe d’Apologie du livre (p. 185-195). De surcroît, il a lancé une édition numérique, – Electronic Enlightenment, [Les Lumières électroniques] – « une base de données numériques constituée des correspondances de Voltaire, Rousseau, Franklin et Jefferson », et projette d’éditer « un livre numérique sur l’histoire du livre au siècle des Lumières ! »

La numérisation des livres

Tout différent est le projet Google de numérisation des livres. Il ne s’agit plus ici d’édition électronique, mais de numérisation de livres déjà édités sur papier. Et même de « tous » les livres édités.

Quoique amoureux inconditionnel du livre-papier, Darnton est un chaud partisan de cette numérisation qui, avec la perspective d’une mise à disposition sur Internet du patrimoine livresque mondial, ouvrirait celle d’une « République numérique des Lettres ».

En revanche, il relève clairement les limites d’un tel projet. D’abord parce que la numérisation ne peut pas s’appliquer à tous les livres, loin de là. Ensuite, parce que – comme Robert Darnton le souligne avec insistance – on n’a pas trouvé mieux pour l’instant, pour garantir la conservations des livres, que leur édition sur papier : l’expérience des microfilms [5], catastrophique pour un certain nombre de journaux et de livres, n’en rend que plus manifeste la nécessité, pour les bibliothèques de maintenir et développer leurs collections sur papier. Enfin, parce que les erreurs d’une numérisation industrielle, telle que la pratique Google, sont inévitables…et déjà innombrables, comme le relève un article publié dans The Chronicle of Higher Education le 31 août 2009 et traduit sur « Books » sous le titre « Le musée des erreurs de Google Books ».

Mais c’est avant tout sur le terrain de la démocratie que Darnton pose la question de la numérisation des livres.

« Lorsque je regarde en arrière, écrit-il, mon attention se fixe sur le XVIIIe siècle, sur sa foi en la puissance du savoir et sur le monde des idées où cette puissance opérait –ce que les esprits éclairés nommaient la République des Lettres, un territoire sans police ni frontières, et sans inégalités autres que celle des talents. » (p. 111) Mais ce n’était alors qu’un rêve : « Loin d’être une agora égalitaire, La République des Lettres souffrait d’un mal qui rongeait toutes les sociétés du XVIIIe siècle : les privilèges, qui, par ailleurs, ne se limitaient pas à l’aristocratie. En France, ils concernaient tout ce qui composait le monde des idées, notamment l’imprimerie et la librairie dominées par des guildes très fermées, ainsi que les livres eux-mêmes qui ne pouvaient paraître qu’avec un privilège royal et l’approbation d’un censeur imprimés en toute page. » (p. 113) En fait, « En dépit de ses principes élevés, la République des lettres, telle qu’elle fonctionnait, était un monde clos, inaccessible aux non privilégiés. » (p. 113)

Or, actuellement, la possibilité effective de voir naître une République numérique des Lettres est suspendue, aux yeux de Darnton, au sort incertain de l’accord Google Search Books.

L’entreprise Google a numérisé à partir de 2004 les fonds de quelques grandes bibliothèques, soit une quantité importante de livres (plus de 15 millions à ce jour), dont une bonne proportion provenaient de pays européens, dont évidemment la France [6]. Pour ce faire Google ne s’est guère soucié de savoir si ces livres étaient protégés ou non par des droits. Il revenait aux ayant-droit de manifester leur opposition s’ils le désiraient [7] : « En septembre et octobre 2005, un collectif d’auteurs et d’éditeurs a donc intenté une action en nom collectif [class action] contre Google pour violation de leurs droits patrimoniaux. Le 28 octobre 2008, suite à de longues négociations secrètes, les deux parties ont annoncé un accord qui reste soumis à l’approbation d’un tribunal de New York. ». (p. 121)Cet accord a été rejeté depuis. [8]. Mais avant ce rejet, Robert Darnton commentait longuement l’accord’en question pour le critiquer sous divers aspects dont on retiendra les suivants :
- « Google est une entreprise commerciale dont la raison première est de gagner de l’argent. » (p. 128) et l’accord en question est effectivement un accord commercial qui prévoit une répartition des revenus entre Google (37 %) et les ayant droit (63 %) et les modalités de fixation des prix des livres et des licences d’accès à la base de données. Or, selon Darnton, « Si nous ne trouvons pas le juste équilibre maintenant, les intérêts privés pourraient bien l’emporter à l’avenir sur l’intérêt général et le rêve des lumières devenir plus inaccessible que jamais. » (p. 127)
- Rien dans l’accord, selon Darnton, ne prémunit les usagers contre une hausse des tarifs. Et cela d’autant plus que « Bibliothèques, écoles, universités, simples citoyens, tous ceux qui lisent des livres mais qui n’appartiennent pas à la catégorie des détenteurs de droits, sont exclus des délibérations… » (p. 131)
- Google sera en situation de monopole. Son unique concurrent d’envergure, Microsoft, a abandonné la course. Un autre concurrent éventuel est presque inimaginable en regard de l’avance prise par Google et des termes de l’accord.
- Les informations sur les centres d’intérêt des lecteurs captés par Google à partir de leurs recherches de livres s’ajouteraient à celles déjà fournies par le moteur de recherche généraliste et ses nombreuses annexes (Google Earth, Google Maps, Google Food, Google Images, Google Labs, Google Finance, Google Arts, Google Sports, Google Health, Google Chekout, Google Alerts, Google Scholars), si bien que « Google pourrait bientôt en savoir plus sur nous que la CIA, le FBI, et le fisc confondus. » (p.130)

Face à cette situation, que propose Robert Darnton ?

Numériser et démocratiser

A l’esprit d’entreprise qui se propose de satisfaire les actionnaires, Darnton oppose l’esprit des bibliothèques qui vise à ouvrir la lecture à l’ensemble de la population.

Une première série de propositions est destinée à modérer les effets les plus graves de l’accord. Ainsi, l’ouverture à la concurrence, un contrôle des tarifs par une autorité publique, la représentation des lecteurs et des bibliothèques au sein des organes de décision, une clause de protection de la vie privée.

Mais une issue plus radicale est envisageable. « Un dénouement plus heureux verrait l’émergence d’une législation qui rendrait toutes les données de Google accessibles au public […] Les lois sur le copyright devraient être réécrites  [9], les ayant droit dédommagés et Google indemnisé pour ses investissements dans le scannage […] Nous aurions alors une bibliothèque numérique nationale » (p. 131) Darnton ne va pas, comme Schiffrin, jusqu’à proposer la nationalisation de Google ; mais nous n’en sommes pas loin.

Parallèlement, il invite les bibliothèques à numériser elles-mêmes leurs livres et documents, comme il le fait à Harvard. Sous sa direction, Harvard s’est retirée du projet Google et a développé ses propres numérisations. Dans le cadre du libre accès (open access) adopté par Harvard, tous les articles écrits par les chercheurs, ainsi que des thèses et de la littérature grise (conférences, colloques, notes, travaux en cours, etc.) sont mis en ligne gratuitement. Un Programme d’ouverture des fonds de Harvard a permis la numérisation de divers documents écrits, graphiques et photographiques sur des thèmes particuliers (travail des femmes, immigration, etc.), « Chaque projet a demandé environ dix-huit mois de travail et met à la disposition des étudiants comme des chercheurs avancés un nombre gigantesque de documents. Ces documents ont été traduits en soixante douze langues et sont consultés par des centaines de milliers de personnes dans le monde » (p. 134-135). Et encore « Nous expérimentons des projets pour archiver les millions de courriels échangés dans l’enceinte de Harvard » (p. 136) L’objectif annoncé de ces nombreuses initiatives est d’ouvrir à tout public les documents jusque là confinés dans les bibliothèques ou les bureaux des chercheurs.

Mais plus généralement, pour résister aux marché et démocratiser la culture, Robert Darnton en appelle au peuple : « Rester les bras croisés comme si l’on pouvait se confier aux forces du marché pour agir dans le sens de l’intérêt général serait une erreur. Nous devons nous impliquer, entrer dans le jeu et reconquérir les droits légitimes du public. Quand je dis « nous », je veux dire « Nous, le peuple », nous qui avons écrit la Constitution et qui devrions faire que les principes des Lumières régissent la réalité quotidienne de la société de l’information. Certes, nous devons numériser, mais surtout démocratiser en assurant un libre accès à notre héritage culturel. Comment ? En réécrivant les règles du jeu, en subordonnant les intérêts privés au bien public et en nous inspirant des premiers républicains pour instaurer une République numérique du savoir » (p. 120)

Un chercheur, certes, mais engagé….

Jean Pérès

 
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Notes

[1(Gallimard, 2011, 218 p., 29 €)

[2L’édition américaine d’Apologie du livre (« The case for books ») se présente comme un recueil d’articles, parfois modifiés ou actualisés, déjà publiés aux Etats-Unis sur une période de trente années, essentiellement dans la New York Review of Books. A l’instigation d’Eric Vigne, responsable de la collection « NRF Essais » chez Gallimard, le recueil américain des onze articles a été transformé, dans la traduction française, en un livre de six chapitres. Dans une note, Robert Darnton précise qu’Eric Vigne a proposé cette modification pour « adapter au contexte français [son] approche d’un débat qui semble parfois porter sur la nationalité anglo-saxonne du principal opérateur plutôt que sur les divers aspects de la technologie numérique… » Or on discerne mal ce souci d’adaptation au contexte français quand on voit qu’est coupé de la version française tout le passage concernant les positions des européens (surtout la France et l’Allemagne) vis-à-vis du projet Google Book Search. Plus gênant, la transformation de ce recueil d’articles écrits sur une longue période en livre d’un seul tenant s’accompagne de nouveaux titres et intertitres qui tendent à souligner le lien entre certains aspects de l’histoire du livre et les questions soulevées par le livre électronique. Or ce lien n’est pas toujours évident, notamment quand Darnton s’étend assez longuement sur des questions de bibliographie ou de l’évolution de l’histoire du livre. Ainsi, le chapitre 2, intitulé « Que nous apprend sur demain l’histoire du livre ? », est un chapitre très instructif, voire passionnant, sur l’histoire du livre au XVIIIe siècle, mais ne nous apprend pas grand-chose sur « demain », sinon que le livre a une histoire. Si bien que la recomposition du recueil d’articles en livre apparaît plutôt comme un artifice de construction qui ne facilite pas la lecture, sans pour autant éviter de longues répétitions (plus compréhensibles dans un recueil d’articles). Enfin, parmi ces articles, certains avaient déjà été, en leur temps, traduits et publiés en France. Par exemple, le dernier chapitre de l’ouvrage, intitulé « Sur les prophéties annonçant la mort du livre » (p. 165-175) est la reprise d’un article (« The new age of the book ») déjà traduit par la revue Le Débat (Gallimard, 1999), sous le titre « Le nouvel âge du livre ». Autre exemple : Le Monde diplomatique a traduit et publié en mars 2009, sous le titre « La bibliothèque universelle, de Voltaire à Google » un article paru dans la New York Review of Books en mars 2009 sous le titre « Google and the future of books » et qui est à nouveau traduit dans le présent ouvrage de la page 111 à 127 sous le titre « Google et l’avenir du livre ». On peut se demander pourquoi l’auteur ou l’éditeur ne signalent pas ces traductions antérieures, d’autant qu’elles sont différentes et sous un autre titre, d’où de possibles confusions. A moins qu’il n’y ait là une illustration délibérée de cette « instabilité des textes » qu’évoque par ailleurs Robert Darnton.

[3Un exemple de l’instabilité de l’information dans le sens d’information « diffusable », exemple vécu par Darnton jeune journaliste, résonne aujourd’hui avec un relief particulier (affaire DSK) :« Un jour je suis tombé sur une information si intéressante – un viol assorti d’un homicide – que je me suis rendu directement à la brigade criminelle… Quand je l’ai montrée au lieutenant de service, il m’a regardé avec dégoût : « T’as donc pas vu ça petit ? » a-t-il dit en désignant un B entre parenthèses après les noms de la victime et du suspect. Ce n’est qu’alors que j’ai remarqué que tous les noms étaient suivis d’un B pour Black, ou d’un W pour White. J’ignorais que les crimes impliquant les Noirs n’avaient pas valeur d’information. » De toute évidence, ce n’est plus le cas.

[4Dans un article (« Le nouvel âge du livre ») paru en mars 1999 dans la revue Le Débat, et repris au dernier chapitre d’Apologie du livre (« Sur les prophéties annonçant la mort du livre », p. 165-175).

[5Evoquée au chapitre V, p. 143-154, « Mort du livre ou mort du papier ? »

[6Suite à de vives protestations des gouvernements et de la Commission européenne, Google a décidé, le 13 novembre 2009, de limiter l’application de son accord aux livres des Etats-Unis, du Canada, de l’Australie et du Royaume-Uni. Cette importante décision n’est pas signalée dans la version française de « Apologie du livre »

[7Cette disposition qui est au cœur des critiques adressées à Google a été abandonnée par ce dernier dans l’accord qu’il a signé avec la société Hachette en novembre 2010

[8Le 22 mars 2011, le tribunal de New York a rejeté l’accord conclu entre Google et les associations d’auteurs et éditeurs américains. Les arguments développés par le juge Chin pour justifier ce rejet recoupent largement ceux que défend Robert Darnton dans Apologie du livre. Mais ce n’est pas fini. Une nouvelle audience est prévue pour le 19 juillet à 10 heures. Un nouveau projet d’accord pourrait être proposé à la délibération du tribunal. Le combat continue.

[9Darnton est favorable à un retour aux premières législation sur le droit d’auteur qui protégeaient ces droits pendant une période de 14 ans renouvelable une fois, au lieu de l’actuelle qui les protège pendant 70 ans après la mort de l’auteur (p. 115)

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