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Olivier Poivre d’Arvor, autocrate de France Culture, licencie

par Henri Maler,

Chaque année, l’autocrate en charge de la direction de France Culture, ne consultant que son cerveau, imprime sa « marque » à la station, en décidant à sa seule convenance quelles émissions sa majesté entend reconduire et quelles émissions doivent être déplacées, réduites ou, avec licenciement à la clé, supprimées.

En juillet 2010, l’émission de Pascale Casanova – « L’Atelier littéraire » – était supprimée, et sa productrice licenciée. L‘autocrate de France Culture est aussi un écrivain époustouflant de médiocrité. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il est resté insensible à l’hommage que d’authentiques écrivains ont rendu à Pascale Casanova. Quant au médiateur, il s’est consciencieusement défilé.

Cette année, entre autres « modernisations » miraculeuses, on signale d’ores et déjà la « mutation » de Jacques Munier, qui se voit confier une chronique de 3 minutes 30 secondes chaque matin à 6 h 45 à la place de la demi-heure qu’il consacrait aux sciences humaines dans le cadre de l’émission « À plus d’un titre », diffusée du lundi au vendredi entre 16 heures et 17 heures.

Plus grave : c’est au tour de l’émission « Affinités électives » d’être déprogrammée, et de sa productrice – Francesca Isidori – d’être licenciée.

Une lettre de soutien, émanant de la direction de la Maison des écrivains et de la littérature (Mel), est ouverte à la signature de tous sur le site de la Mel. Le texte de cette pétition – que nous reproduisons intégralement ci-dessous – soulève une simple question : « Comment peut-on vouloir supprimer une émission de si grande qualité, qui a permis de faire entendre, dans un questionnement d’une intelligence et d’une finesse rares, des écrivains, des philosophes, des architectes, des cinéastes… toutes personnalités majeures du monde des arts et de la pensée […]  ? »

Risquons plusieurs hypothèses sur des motifs qui peuvent se cumuler : « JE supprime parce que :
– JE dois faire de la place aux jeunes, qui sont d’ailleurs mes amis, et à des moins jeunes qui le sont aussi ;
– JE suis indifférent à la qualité des émissions et des liens qu’elles tissent avec leurs auditeurs : Médiamétrie est ma poétesse préférée ;
– JE consulte les chiffres d’audience et j’en tiens le plus grand compte quand il ne s’agit pas de ceux de mes amis ;
– JE dois secouer l’antenne pour créer l’illusion du renouvellement, en attendant un nouveau mandat dans les hautes sphères de la culture. »

Perfide, Le Nouvel Observateur du 14 juillet relève (p. 23)  : « Par les temps qui courent, mieux vaut faire partie des réseaux qui comptent, comme l’a éprouvé Francesca Isidori. […] Parmi les arguments servis, selon elle, par Olivier Poivre d’Arvor, directeur de la station, ce coup de massue : “J’ai besoin de place pour quatre ou cinq nouveaux et je dois supprimer les producteurs faibles.” »

Un « producteur faible », on l’a compris, est un producteur affaibli par son indépendance. Pour le remplacer, aucune discussion collective n’est nécessaire : France Culture est à ce titre un exemple d’une vie démocratique digne d’un service public !

Un dernier mot, aux amis d’Acrimed qui n’écoutent pas France Culture. Le service public doit faire droit à la diversité des goûts et des intérêts : tous les publics méritent le respect. La désinvolture arbitraire avec laquelle sont traités les producteurs et les auditeurs de France Culture est un exemple de celle qui sévit un peu partout. Au fait, vous avez des nouvelles de Philippe Val, vous ?

Henri Maler


Pour Francesca Isidori (lettre de soutien, ouverte aux signatures)

Chers amis,

Vous connaissez tous le travail de Francesca Isidori. Ayant appris qu’elle était congédiée de France culture, nous avons rédigé cette lettre de soutien que nous vous proposons de signer afin de pouvoir l’adresser plus largement, notamment à la presse, et en premier chef, aux intéressés, la Direction de France culture. Je vous remercie d’avance pour elle, et vous adresse mes sentiments les meilleurs.

Sylvie Gouttebaron, directrice de la Mel

Nous apprenons avec consternation, voire indignation, que l’émission Affinités électives, produite par Francesca Isidori pour France Culture, ne sera plus programmée à la rentrée. Et on nous informe dans le même temps que Francesca Isidori est congédiée de l’antenne. Le choc, un double choc, est grand. Comment peut-on vouloir supprimer une émission de si grande qualité, qui a permis de faire entendre, dans un questionnement d’une intelligence et d’une finesse rares, des écrivains, des philosophes, des architectes, des cinéastes…, toutes personnalités majeures du monde des arts et de la pensée que Francesca Isidori, par le jeu subtil de son questionnement, invitait à faire résonner leur vérité pour l’enrichissement et le très grand plaisir des auditeurs ? Au-delà de cet intérêt, de la qualité de la sélection de ses invités, c’est aussi une manière, une attitude, une élégance, une voix, disons une justesse dramatique - en somme : un grand métier -, que l’on ne saurait soustraire à notre attente. France Culture, sa direction, en l’occurrence Olivier Poivre d’Arvor, se doit de préserver pour nous, pour le service public, ce style qui fait encore la singularité de la chaîne, singularité reconnue et enviée dans toute l’Europe. Cette même direction, que nous mettons solennellement en cause, se doit de mettre en valeur un timbre que Francesca Isidori incarne au plus haut point. Pourquoi fallait-il l’expulser ?

Nous sommes très fâchés et profondément inquiets, non pas parce que nous ne voulons pas que France Culture évolue, mais parce que nous sentons bien que l’on porte atteinte à la nature même de son action. Les voix que l’on perd sont pour nous autant de langues qui meurent.

Nous désirons donc manifester à Francesca Isidori notre soutien sans réserve et entendons rendre publics toute l’émotion qui est la nôtre et l’état d’alerte dans lequel nous nous trouvons.

***

Cette lettre est ouverte à la signature de tous sur le site de la Mel où l’on trouvera la liste des signataires.

 
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