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TF1 censure, censure, censure…

par Henri Maler, Olivier Poche,

Le 17 juillet 2011, un article de Bastien Hugues et Raphaël Godet, intitulé « Jean-Pierre Pernaut, vingt-trois ans d’une certaine idée de l’info » est publié sur Rue89. Pour illustrer cet article, une vidéo est postée sur YouTube. Quelques temps après, elle disparaît pour cause d’atteinte aux droits d’auteur. Ou pour crime de lèse-TF1 ?

L’article de Rue89 se propose d’analyser quelques « recettes » du succès de Jean-Pierre Pernaut, dont le 13 heures est regardé quotidiennement par « 7 millions de Français » : « La première : donner la priorité à l’information “heureuse”. (...) L’autre secret de Jean-Pierre Pernaut pour rendre son JT plaisant, c’est d’avoir su construire un réseau de dix-neuf bureaux en régions pour dénicher “les plus beaux coins” et “les événements les plus sympathiques” de notre pays, une fois l’information “obligatoire” traitée ». Enfin, notent les deux journalistes, « depuis son arrivée en 1988, Pernaut a toujours refusé de lire un prompteur, comme le font tous ses semblables. Lui préfère suivre ses fiches, et souvent s’en détacher pour commenter les sujets diffusés : rencontres “sympathiques”, reportages “formidables”, images “superbes”… En dépit d’un vocabulaire finalement assez pauvre, rien n’est trop beau aux yeux de Pernaut ».

A l’appui de cette critique, une vidéo, intitulée « Pernaut au pays des merveilles », proposait donc un montage ludique et critique des extases de JPP.

On ne se moque pas impunément de Jean-Pierre Pernaut, star du journalisme dégoulinant. Les images, toutes les images produites par TF1 sont la propriété de TF1. Aucun droit de citation ne sera toléré, foi de marchand de Coca-Cola ! Aucune critique en images ne sera autorisée, Ventre Saint-Bouygues !

Cet exemple n’a rien d’exceptionnel. TF1 censure, censure, censure… toutes les vidéos postées sur YouTube, même quand elles ne sont que des citations. YouTube, évidemment, se soumet ! La vidéo est encore disponible sur dailymotion, mais pour combien de temps ? Dans le doute, nous la reprenons ici pour qu’elle reste, si ses auteurs en sont d’accord, à la disposition de tous.

Mais Youtube s’est soumis. Et pourtant... Pourtant, la bataille était loin d’être perdue d’avance. Une bataille d’importance, car comme le note Christophe Del Debbio « le problème qui se pose, c’est de pouvoir faire de la critique des médias sans montrer d’extraits vidéo ». Et le même de conclure « qu’il faut différencier les montages vidéos critiques et la simple reprise d’extraits TV, comme le font FullHDReady ou Fred-Lille. Ces extraits sont bien sûr sélectionnés par ces blogueurs, donc avec une intention derrière, mais l’utilisation d’extraits TV pour faire une démonstration, dénoncer des contre-vérités, rappeler ce qui a été dit en confrontant les archives, ou insister sur la répétition et le conditionnement du téléspectateur, c’est faire œuvre de salubrité publique, par l’éveil des consciences et le développement de l’esprit critique, notamment chez les plus jeunes. C’est peut-être ce que certains médias, dont TF1, veulent éviter. »

De solides arguments pourraient en effet permettre de renvoyer TF1 dans ses cordes. Comme le rappelait par exemple Numérama, « en principe, les images du JT sont la propriété de TF1, et il est interdit de les exploiter sans l’autorisation de la chaîne. Mais le code de la propriété intellectuelle, pour ajouter un peu de souplesse à un droit d’auteur qui serait sinon trop étouffant, a prévu des exceptions. Notamment à l’article 211-3 du CPI, qui interdit d’interdire “la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre”. Difficile de nier que le montage fait œuvre de caricature. »

Mais c’est surtout un autre paragraphe du même article du CPI, encadrant le droit de citation, qui paraît s’appliquer ici. Cette disposition, qui concerne Acrimed – et toute critique des médias – au premier chef, mérite d’être citée et connue : le code de la propriété intellectuelle dispose en effet que l’on ne peut interdire « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». C’est d’ailleurs cet argument que retient l’auteur de la vidéo, selon un second article de Rue89 qui revient sur cette censure, publié le 28 juillet : « Plus qu’une parodie, ma vidéo est un montage journalistique, au contenu critique et pédagogique ». Difficile de ne pas en convenir. Mais YouTube, qui a sans doute d’autres priorités, a obtempéré sans même livrer bataille.

Quant au Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui dort encore plus profondément pendant l’été qu’en tout autre saison, nous attendrons la rentrée pour le saisir de ces atteintes répétées au droit de citation et à la liberté d’expression.

 
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