Le 1er juin 2011, le Front de gauche adoptait et présentait un « Programme populaire et partagé », intitulé : « Ce que nous voulons : l’humain d’abord ! » Un programme qui se présente comme une « synthèse de ce qui fait accord entre les trois formations du Front de gauche » (Parti communiste français, Parti de gauche et Gauche unitaire). Évidemment, sur ce programme pris globalement, Acrimed n’a pas à se prononcer. Mais le programme aborde à plusieurs reprises la question des médias, de l’information et de la culture : et cela nous intéresse d’autant plus que l’on peut relever des convergences importantes avec nos propres propositions.
I. Ce que l’on peut lire dans le programme du Front de gauche
– Le Front de gauche se propose de « Convoquer l’Assemblée constituante de la 6e République » et précise notamment : « La Constitution que nous voulons garantira l’indépendance des médias à l’égard du pouvoir politique et des puissances de l’argent. Les présidents des chaînes publiques seront nommés par leur conseil d’administration dans lesquels les représentants du personnel constitueront 50 % des membres. Nous améliorerons les conditions de travail des journalistes pour permettre une information indépendante, pluraliste et de qualité. »
– Le Front de gauche propose un « pacte pour un nouvel essor des services publics » et indique dans ce cadre : « Un service public de l’information et de la culture, soustrait du pouvoir de l’argent et des pressions politiques, sera le garant du pluralisme et de l’exercice de la citoyenneté. »
– Enfin et surtout sous le titre « Art, culture, pratiques culturelles », on peut lire :
Nous abrogerons la réforme 2003 de l’assurance chômage des intermittents qui sera remplacée par un système mutualisé pérenne et équitable.
Nous stopperons le processus de marchandisation du service public de la culture et les directives de RGPP. […]Nous abrogerons la loi Hadopi et initierons une plate-forme publique de téléchargement qui permettra la mise à disposition de créations librement téléchargeables et la rémunération des créateurs par une mise à contribution des fournisseurs d’accès et des opérateurs de télécommunication.
Nous proposerons une loi contre les concentrations dans les médias pour les libérer des logiques financières et du diktat de l’audimat afin de leur permettre d’accomplir leurs missions : pluralisme de l’information, culture et divertissement. Nous refondrons un véritable pôle public des médias et garantirons l’existence des médias associatifs et de la presse d’opinion.
Nous créerons un Conseil national des médias composé d’élus, de professionnels et de représentants des usagers, chargé de veiller au respect de la responsabilité publique et nationale, et de favoriser la création de coopératives de presse ainsi que la diversification des programmes et de la pédagogie dans les écoles de journalisme.
II. Des convergences dont on peut se réjouir
… même si certaines formulations sont floues ou ambiguës.
Parmi ces convergences, on citera particulièrement :
- Le Conseil national des médias : une proposition qu’Acrimed, pour son propre compte et selon ses propres formulations, défend depuis 2006
- La loi contre la concentration : une proposition qu’Acrimed, pour son propre compte et selon ses propres formulations, défend également depuis 2006
- Le service public de l’information et de la culture que nous avons défendu à plusieurs reprises, en particulier lors de débats à l’invitation du Parti de gauche.
- L’importance accordée aux médias associatifs et coopératifs.
- L’abrogation de la loi Hadopi
- L’abrogation de la loi sur les intermittents.
Ne chipotons pas : certaines imprécisions sont sans doute dues aux conditions d’élaboration du texte et aux contraintes de sa rédaction. Admettons que les détails, dans un programme d’ensemble, auraient risqué de noyer l’essentiel. Il n’en demeure pas moins que :
- Proposer un Conseil national des médias mériterait des précisions sur sa composition, mais surtout une définition plus large de ses missions.
- Évoquer une loi sur la concentration (sur laquelle tout le monde, y compris parmi les libéraux, peut être d’accord) sans mentionner les critères et les seuils de concentration autorisés et les critères n’est guère suffisant.
- Mentionner « la diversification des programmes et de la pédagogie dans les écoles de journalisme », sans prendre clairement position sur l’intégration de ces écoles au sein de l’Éducation nationale et la délivrance d’un diplôme national, semble trop vague.
III. Des lacunes qu’on souhaiterait voir comblées au plus vite
... avant de s’en inquiéter ?
Si certaines imprécisions peuvent être mises au compte de la nature du texte, certaines lacunes ne manquent pas de surprendre, d’autant qu’elles compromettent les propositions (que l’on a du mal à distinguer) d’un « pôle public des médias » ou d’un « service public de l’information et de la culture ».
Pour ne mentionner que les principales, comment un tel « pôle public » ou « service public » pourrait-il être défini :
- Sans prendre position sur la nécessaire déprivatisation de TF1 et sur les modalités de financement de l’audiovisuel public ?
- Sans indiquer, même sommairement, quelles seront les modalités de financement de l’audiovisuel public, de soutien aux médias coopératif et d’aide à la presse ?
- Sans se prononcer clairement sur la place des médias coopératifs dans un tel service public, si celui-ci ne se confond pas avec le secteur public ?
- Sans y inclure l’Agence France Presse et donc s’opposer aux actuels projets de réforme (quitte à en proposer une autre) ?
- Sans prendre en considération la place désormais occupée par les opérateurs privés sur Internet et par le secteur des télécommunications, et donc envisager une renationalisation de France Télécom ?
Et plus simplement : si le débat est ouvert, quand et comment aura-t-il lieu ? Pour notre part, nous y sommes prêts, avec le Front de gauche comme avec toutes les forces politiques qui le souhaiteraient.
Henri Maler