Il ne s’agit aucunement pour nous de juger, d’un point de vue esthétique ou même politique, le dernier film de Steven Spielberg. On voudrait simplement illustrer ici la manière dont les médias dominants coproduisent le succès d’un film, quand celui-ci est appelé (mais par qui, sinon ces mêmes médias ?) à rencontrer un grand succès.
La promotion médiatique d’un film – cela est tout aussi vrai d’un livre, d’un disque, etc. – constitue ainsi une œuvre collective, sans pour autant être collectivement discutée et consciemment décidée. C’est le principe de la « circulation circulaire de l’information » exposé par Pierre Bourdieu [1] : chacun doit en parler parce que tout le monde en parle. Malgré leurs éventuelles divergences, les médias s’accordent alors implicitement sur l’intérêt qu’il y aurait à parler du film, du livre ou du disque en question.
La présence en « une » constitue un indicateur, sommaire mais significatif, de l’intérêt que la presse écrite porte à un bien culturel, à un individu ou à une question. Dans le cas de Tintin, le test est confondant, comme on peut le voir à travers les « unes » de la presse aussi bien nationale que régionale :
Auréolée d’une telle promotion médiatique, l’adaptation de Steven Spielberg devrait sans nul doute « trouver son public » (comme on dit), à tort ou à raison. Considéré et constitué par les grands médias comme un « événement », le film inspiré de la bande dessinée de Hergé devient immanquablement… un « événement ». Dit autrement : par le simple fait d’être énoncée partout (ou presque), la prophétie du « film-événement » a toutes les chances de se réaliser. Les médias dominants peuvent alors apprécier leur propre puissance de prescription culturelle en constatant, comme France-Soir, dès le lendemain de la sortie du film, que « Tintin démarre en fanfare ».
Mais cette campagne médiatique n’est-elle pas en lien, aussi et surtout, avec la campagne publicitaire orchestrée par Paramount et Sony ? En effet, comme le rappelle Challenges (26 octobre 2011), les distributeurs du film ont abreuvé les médias – radio, presse et affichage – de 100 millions d’euros de publicité…
Ugo Palheta (grâce à la documentation recueillie par Olivier Prigent)