Ainsi, un référendum fut annoncé. Acrimed n’a pas pour vocation d’entrer dans un débat sur l’opportunité d’une telle annonce. Mais on peut s’interroger sur le rôle que s’assigne la presse écrite [1], quand la plupart des titres préfèrent dénoncer une « prise d’otage » par le Premier ministre grec d’un accord censé « sauver l’euro » (voire « sauver l’Europe »). Le débat démocratique serait-il mis entre parenthèses face à l’exigence de « rassurer les marchés » ?
En octobre 2011 déjà, un vote du Parlement slovaque menaçait le processus de mise en place du Fonds européen de solidarité financière (FESF). « La Slovaquie menace de bloquer le sauvetage de l’euro », titrait ainsi une dépêche de l’Agence France Presse, recyclée sur le site Liberation.fr et de L’Express. Mais cette fois-ci, la « menace » est d’une tout autre ampleur : un référendum sera peut-être organisé dans un pays qui a déjà largement fait les frais de la « solidarité » européenne…
Face à ce danger imminent, c’est la mobilisation générale dans la presse. « Le chaos. L’annonce surprise d’un référendum en Grèce sur le plan de sauvetage de Bruxelles sème la panique dans l’UE et menace la zone euro », explique ainsi Libération, en « une » de son édition du 2 novembre.
Pour Le Parisien le référendum grec est « un coup de poker qui risque d’avoir de lourdes répercussions sur la zone euro et sur la France. »
Une analyse partagée par Le Figaro, qui titre en « une » : « Papandréou, l’homme qui met l’euro en péril », et dont l’édito évoque un « dangereux poker grec ».
France-Soir plaide pour une explication psychiatrique « Crise grecque : une histoire de fous ! » avant de développer sur l’étendue de l’ingratitude grecque : « L’Europe a effacé 100 milliards d’euros de la dette grecque. Mais le Premier ministre Papandréou fait la fine bouche : il soumet ce “cadeau” à un référendum provoquant la panique et la colère dans toute l’Europe ». Sont-ce des manières que de soumettre un tel « cadeau » à référendum ?
A moins que son journal préféré ne figure pas dans la liste des grands médias, le lecteur retiendra donc que les réactions à l’initiative du Premier ministre grec sont de deux ordres : panique et colère. Mais de qui ?
– La panique, c’est celle des marchés. Explicitée en « une » des quotidiens économiques : « Le coup de théâtre grec fait plonger les marchés », pour Les Echos, et « Krach ! » en lettres grecques, pour La Tribune.
– Quant à la colère, c’est celle des dirigeants européens, assimilée « aux Européens », voire à « l’Europe », comme dans la « une » de La Croix : « La Grèce fait chanceler l’Europe » ; « La décision de Georges Papandréou d’organiser un référendum sur le plan de sauvetage conclu jeudi jette le doute sur la capacité des Européens à sortir de la crise. »
Les marchés, et les dirigeants européens semblent seuls à même de juger de l’opportunité de l’initiative du Premier ministre grec. Qu’en est-il des salariés grecs, et européens ? A se demander si ce sont vraiment leurs affaires…
Le Monde, qui semble partager la colère des dirigeants européens, s’interroge sur un autre sujet : celle de la présence de la Grèce dans la zone euro. « Ce n’est pas ainsi que l’Europe doit fonctionner », explique le quotidien vespéral, qui soupçonne le Premier ministre de vouloir faire un « pari fou » : celui de vouloir renégocier le plan sous la menace d’un « non » qu’il sait acquis. « Imagine-t-on d’ailleurs un peuple acceptant, unanime, une purge aussi violente que celle proposée. » Imagine-t-on Le Monde se poser la question de la légitimité démocratique d’une purge aussi violente que celle qui est proposée ? Apparemment, la réponse est non.
La liberté de la presse, dit-on, est celle d’un contre-pouvoir démocratique. La preuve ? Ce sont les médias eux-mêmes qui le disent ! … Pourtant la plupart d’entre eux s’abstiennent de le démontrer quand le pouvoir politique omet de tenir compte du référendum de 2005 ou quand le gouvernement grec envisage de recourir à un référendum ou à des élections.
Frédéric Lemaire (avec Henri, Mathias et Olivier Pr.)
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