« Tout et son contraire » est une chronique de France Info que le site Internet de la radio présente ainsi : « Philippe Vandel reçoit une personnalité qui a marqué l’année : politique, spectacle, médias, littérature, sport : chaque jour, un entretien en trois épisodes ». Il s’agit en fait surtout d’une émission de bavardage promotionnel, où des personnalités viennent vendre leur « actualité ». Le 26 avril 2012, Philippe Vandel reçoit Dominique Cantien [2], la célèbre productrice de télévision, papesse des programmes de divertissement dans les années 80-90 (principalement sur TF1), qui vient de sortir son autobiographie.
Après avoir assuré (le 14 avril) la promotion de son livre dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, Dominique Cantien avait fait de même sur deux antennes de Radio France : le 18 avril dans « Le RenDez-Vous » sur France Culture et le 19 avril dans « Les Affranchis » sur France Inter, émission présentée par Isabelle Giordano. Ce qui fait trois invitations en moins de dix jours sur les radios du « service public »...
Dominique Cantien se plaît à répéter que dans la vie, « si on veut, on peut » ; à ses yeux, comme dans les pires productions hollywoodiennes, seules l’envie et la détermination conditionnent la réussite professionnelle : « quand on va au bout de ses rêves, on y arrive. Rien dans mon expérience de petite fille du nord de la France ne me prédisposait à avoir ce destin. Je me suis battue pour en arriver là [3]. » Un fabuleux « destin » tout de même plus accessible – en supposant qu’il soit enviable – quand on est issu de la bourgeoisie [4]. Et quand la productrice s’adonne (modestement) à la modestie, Philippe Vandel bondit : « à un moment donné, vous dirigiez 70 % des variétés de TF1 ; si ça c’est pas réussir, qu’est-ce que réussir ? » Même s’il entretient avec abnégation la flamme de « l’esprit Canal » [5], Philippe Vandel, ici, n’est pas sarcastique.
Dans la première des trois parties de l’entretien, Dominique Cantien raconte comment elle a lancé le Sidaction, qui devait être diffusé sur six chaînes en même temps, ce qui impliquait notamment que celles-ci renoncent le temps d’une émission à leurs espaces publicitaires et à leurs rivalités. Philippe Vandel mentionne alors un épisode évoqué dans le livre : deux des patrons de ces chaînes en sont venus aux mains lors d’une réunion. Dominique Cantien commente :
« Ces grands patrons n’étaient pas tous des amis, c’est le moins qu’on puisse dire ; dont deux en particulier. Donc, dans bon nombre de réunions, c’était brûlant. On n’était pas en bas de l’immeuble d’une cité racaille [d’après le ton de sa voix, elle sourit], mais les bagarres étaient peut-être du même ordre, avec l’intelligence en plus. »
Dérapage révélateur. Pourtant, ces propos imbibés de mépris, voire de racisme social, laissent Philippe Vandel sans réaction. Grâce au « service public de l’information », on ne connaîtra pas l’identité des deux bagarreurs en question, mais on aura appris que si la violence traverse les classes sociales, l’intelligence est l’apanage des grands patrons. C’est pourquoi nous espérons que Patrick Le Lay, l’ancien PDG de TF1, écrira lui aussi son autobiographie en laissant libre cours à son célèbre franc-parler [6].
Laurent Dauré